Costa-Gavras

13 janvier 1995
03m 40s
Réf. 00226

Notice

Résumé :

Invité du plateau, Costa-Gavras parle de la musique, des raisons pour lesquelles il est venu en France à vingt ans : sa fascination pour la littérature française et pour le mot magique "Louvre". Il fait aussi un parallèle entre la réalisation d'un film et le travail des luthiers.

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Date de diffusion :
13 janvier 1995
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Thèmes :

Éclairage

Le Gréco-Français Konstantinos Gavras, dit Costa-Gavras, vit en France depuis ses années estudiantines. Ancien élève de l'Institut des Hautes Etudes Cinématographiques (IDHEC), il a été l'assistant de Jacques Demy, Henri Verneuil ou René Clément. C'est lors d'un voyage en Grèce qu'il découvre Z, le livre de Vassilis Vassilikos sur l'assassinat d'un leader de la gauche maquillé en accident pendant la dictature des colonels.

Pour ce premier long métrage, en 1969, il fait appel au grand compositeur Mikis Theodorakis, incarcéré pour ses activités de résistance ; il écrira la partition de Z depuis sa prison, et les deux hommes collaboreront à nouveau pour Etat de siège (1973), une fiction politique sur l'enlèvement d'un agent de la CIA en Uruguay.

Pour son film de 1982 Porté disparu, sur l'assassinat d'un jeune journaliste américain par les hommes du dictateur chilien Augusto Pinochet, il sollicite un autre grand compositeur grec, Vangelis. Pour L'Aveu, avec Yves Montand, c'est le compositeur attitré du réalisateur italien Michelangelo Antonioni qui écrit la partition, Giovanni Fusco.

Charlotte Garson

Transcription

Sylvain Augier
Regard de tendresse, Costa-Gavras, parce que ça vous rappelle votre arrivée en France quand vous aviez vingt ans, vous aussi ?
Constantin Costa-Gavras
Oui. Non, mais c'est magique ce qu'ils font quand même. Si le mot faire de la magie a un sens, c'est ce qu'ils font. Ils font, je dirais même qu'ils font de la poésie, pas avec des mots, mais avec du bois. On prend du bois comme ça, on le choisit. J'ai un ami qui s'appelle Salvatore Accarde, qui est un grand violoniste italien, il vient toujours en France pour réviser me dit-il ses violons, pour le réentendre avec eux, avec des spécialistes.
Sylvain Augier
C'est ça que vous trouvez magique ?
Constantin Costa-Gavras
Oh mais c'est magique, oui, oui, oui. On prend du bois sec. Et puis, on fait ce dont l'homme a le plus besoin, de la musique.
Sylvain Augier
Vous avez ça en commun avec cette jeune fille grecque?
Constantin Costa-Gavras
Oui, j'étais étonné de voir cette passion, oui.
Sylvain Augier
Vous dites d'ailleurs souvent, je crois que votre mère était une paysanne du Péloponnèse et qu'elle vous a laissé un coin de paradis dans la tête.
Constantin Costa-Gavras
Oui, oui. Parce qu'elle croyait à l'avenir. Elle croyait à l'avenir, elle aimait la musique. Et elle pensait qu'il faut sortir, chercher ailleurs d'autres vérités.
Sylvain Augier
C'est pour ça que vous êtes venu en France à vingt ans ?
Constantin Costa-Gavras
Je suis venu en France faire des études en fait. Parce que vous savez les Grecs immigrent pour faire de l'argent ou pour travailler ailleurs. Moi, ma passion, c'était d'approfondir mes études. Et la France était le seul pays que je considérais, et j'avais raison je crois, pour faire des grandes études.
Sylvain Augier
Mais vous avez commencé par laver des voitures et vendre des journaux dans la rue.
Constantin Costa-Gavras
En France, pour vivre, évidemment, il fallait vivre, il fallait gagner un peu d'argent, alors oui. Beaucoup d'étudiants comme moi à l'époque, nous faisions ça. C'était un peu les temps heureux. On pouvait trouver du travail très facilement.
Sylvain Augier
Et pourquoi avez-vous adopté la France ?
Constantin Costa-Gavras
Parce que je voulais faire des études, parce que j'avais lu les écrivains français. Parce que chaque fois qu'on ouvrait un livre d'histoire ou de l'art, on disait Tableau X, Musée du Louvre. Alors Louvre, c'était un mot magique étais-je en train de me dire. Alors je me disais : mais c'est quoi Louvre ? Ca correspondait à tout ce qu'il y avait de plus beau. Et puis après, j'ai appris que Louvre, c'était le musée de Paris.
Sylvain Augier
C'est ce qui fait dire de vous d'ailleurs Costa-Gavras que vous avez deux cultures, deux nationalités et deux tempéraments d'ailleurs.
Constantin Costa-Gavras
Celui où je sui né et celui où j'ai appris la vie et l'art et tout ce que j'ai su par la suite. Ce que je suis devenu.
Sylvain Augier
Parce que finalement, vous avez été adopté par la France comme vous aviez choisi d'adopter ce pays.
Constantin Costa-Gavras
Oui, j'ai eu beaucoup de chance je crois.
Sylvain Augier
Ah, vous avez le sentiment d'avoir eu de la chance ?
Constantin Costa-Gavras
Oui bien sûr, oui oui.
Sylvain Augier
Je pensais aussi à autre chose.
Constantin Costa-Gavras
Vous réalisez vos films comme on fabrique un violon, avec la même minutie, avec le même soin du détail.
Sylvain Augier
On dit d'ailleurs que vous commencez vos films comme on commence à écrire un livre, dans le silence.
Constantin Costa-Gavras
C'est ça, c'est ça. Ce qui est étonnant, c'est que comme eux, on ne sait pas à l'arrivée ce que ça va donner. Le son, que cela va donner. Et puis parfois on rate. Alors nous, quand on rate un film, c'est terrible. Eux, ils vont pouvoir faire un autre. Et puis ça ne coûte pas aussi cher qu'un film. Mais c'est la même angoisse, la même envie d'entendre son son. Et encore pire, quand on a fini un film, on n'entend plus son son. Il faut aller dans une salle et entendre le public. Comment il réagit, s'il aime ou s'il n'aime pas.
Sylvain Augier
Il y a une expérience qui a été faite, qui est très amusante que Patricia Mikalev qui a réalisé ce reportage m'a raconté, les Japonais ont entré dans un ordinateur toutes les contraintes, toutes les données qu'on puisse comprendre, connaître d'un violon pour essayer de fabriquer le violon idéal. Et ça n'a jamais marché. C'est impossible.
Constantin Costa-Gavras
Bien sûr, il faut l'homme derrière. J'ai même entendu il y a plusieurs années, qu'on a fait la dixième Symphonie de Beethoven. Prenant toutes les données des neuf autres. Il paraît que c'était tragique.
Sylvain Augier
Le plus cher de tous les bruits.