La résistance dans la Meuse
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Résumé
Après la défaite de 1940, la Meuse est occupée par les autorités allemandes. Une minorité de Meusiens entre en résistance. Ils apportent de l’aide à ceux qui fuient les Allemands, transmettent des messages ou sabotent des lignes de communication. Progressivement, les réseaux se structurent : entre 1000 et 2000 personnes ont participé à la Résistance dans la Meuse.
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Date de publication du document :
08 déc. 2021
Date de diffusion :
17 juin 2004
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Contexte historique
ParProfesseur agrégé d’histoire, Doctorant en histoire contemporaine à l’Université de Strasbourg
Après la défaite de la France et la signature de l’armistice le 22 juin 1940, le Nord du pays est occupé par les autorités allemandes et divisé en plusieurs zones. Le département de la Meuse se trouve dans la « zone interdite », un secteur qui s’étend de la Mer du Nord à la frontière suisse, destiné à être annexé au Reich et où le retour des exilés, partis au moment de la déclaration de guerre de 1939, est interdit. Dans cette zone, qui était destinée à devenir une marche du Reich après sa victoire dans la guerre, la présence militaire et administrative allemande est relativement plus importante que dans le reste de la « zone occupée ».
En outre, la Meuse n’est pas connue pour avoir opposé une résistance farouche à l’occupant dès les premières heures de l’occupation. Dans cette région agricole, le Parti communiste français (PCF) n’a enregistré que 3% des suffrages aux élections de 1936. En 1940, seule une minorité de Meusiens entre en résistance, une résistance qui est d’abord spontanée et peu structurée. Si des petits groupes s’organisent progressivement à l’échelle locale, il n’en reste pas moins qu’ils sont restés, dans un premier temps, relativement autonomes, sans affiliation gaulliste ou communiste affirmée.
Le mouvement le plus important est formé dans le secteur de Verdun autour d’Hippolyte Thévenon, ingénieur et ancien combattant de 1914-1918 qui coordonne la résistance autour de Verdun, et de Jean Jeukens, pharmacien et organisateur d’un réseau de passeurs entre la zone interdite et la zone occupée. Cependant, le mouvement est anéanti en décembre 1943, avec l’arrestation de 20 personnes : Thévenon parvient à fuir dans le Vercors après la déportation de sa famille. En parallèle, il existe aussi une section de « l’armée secrète » (AS) gaulliste, mais elle limite les confrontations avec les Allemands, agissant dans la clandestinité conformément aux directives londoniennes qui demandent de se concentrer sur la préparation du débarquement des Alliés.
Durant le printemps 1944, la résistance meusienne se trouve redynamisée par l’envoi depuis le Pas-de-Calais d’une dizaine d’officiers communistes par l’État-major des Francs-Tireurs et Partisans (FTP). Ceux-ci regroupent plus de 1 000 combattants - principalement des réfractaires au Service de travail obligatoire (STO) - dont 250 étrangers, surtout des Polonais et des prisonniers de guerre soviétiques employés comme auxiliaires dans l’armée allemande. Leur conception de la résistance s’oppose à « l’attentisme » gaulliste qu’ils dénoncent : nul besoin d’une aide extérieure pour se libérer de l’oppression allemande, il faut se battre. Le cas de la Meuse est ainsi particulièrement significatif des résistances françaises, de leurs concordances et de leurs divergences.
Néanmoins, c’est surtout après le débarquement du 6 juin 1944 que la Résistance se développe en Meuse. À l’été 1944, le colonel Grandval, chef local des Forces françaises de l’intérieur (FFI) pour les huit départements de l’Est, tente de fédérer les mouvements de résistance sous l’autorité du général de Gaulle afin de préparer la Libération. À l’image de ce que l’on peut remarquer dans d’autres régions, telles que le Limousin ou la Corrèze, les embuscades, les sabotages, et les attaques directes se multiplient, et avec eux, les représailles allemandes. À Clermont-en-Argonne, à la suite d’une escarmouche avec des maquisards, les Allemands encerclent le village et rassemblent 112 personnes qui sont déportées. De même, la 3e Panzergrenadier-Division commet un massacre dans la vallée de Saulx en août 1944 qui coûte la vie à 86 personnes. En tout, 514 personnes ont été déportés depuis la Meuse et environ 200 personnes fusillées.
La Meuse est finalement libérée en septembre 1944 par la 3e armée du général Patton. Les résistants combattent aux côtés des troupes alliées une armée allemande qui se replie. Cinq cents FTP de la Meuse rejoignent le « colonel Fabien » et participent à la campagne du Rhin avec la 1ère armée française.
Éclairage média
ParProfesseur agrégé d’histoire, Doctorant en histoire contemporaine à l’Université de Strasbourg
Ce reportage a été diffusé sur France 3 Lorraine durant l’édition du soir du journal télévisé du 17 juin 2004, à l’occasion des 64 ans de l’appel du général De Gaulle du 18 juin 1940. Mêlant témoignages et récits d’historiens, le reportage se veut être un résumé de ce que fut la résistance dans la Meuse, mais il a tendance à mélanger les faits, les temporalités et les groupes impliqués au détriment de la précision historique. Le média, qui ne distingue pas explicitement les modalités de la résistance meusienne, nous permet de questionner la notion de « résistance ». Définie par l’historienne Ayla Aglan comme « une contre-société porteuse d’un projet de société pour l’après-guerre », elle ne saurait être envisagée comme un bloc monolithique. Dans le cas de la Meuse, il est nécessaire de distinguer le « réseau Thévenon », très précoce, tourné vers les actions de sauvetage et relativement autonome, des FTP communistes qui se développent à partir de 1943 et dont les opérations sont plus frontales, eux-mêmes à distinguer des gaullistes, dont la stratégie est davantage liée à la préparation d’une libération extra-nationale. Ainsi, sous « la résistance » se dessine une multitude de situations complexes que le reportage peine à décrire, comme en témoigne la superposition du Chant des partisans - éminemment communiste - avec une description du réseau Thévenon.
Justement, depuis les années 1990, l’historiographie a montré la nécessité de complexifier notre grille d’analyse. D’un point de vue chronologique d’abord, la résistance de 1940-1941 n’est pas la même que celle de 1944, ne poursuivant pas les mêmes objectifs pour des raisons autant conjoncturelles - l’évolution de la guerre - que structurelles - l’organisation des groupes résistants. Par ailleurs, la résistance est le fait de plusieurs groupes sociaux aux organisations différentes, aux divergences doctrinales et aux modes d’actions différents : les « communistes » et les « gaullistes » sont les plus connus, mais il faut y ajouter les résistances chrétiennes, syndicalistes ou non-affiliées. Sans compter que la résistance active, si elle est le fait d’une minorité, a été largement soutenue par la société environnante dont l’implication est plus difficile à restituer. Enfin, la complexité de la résistance se comprend aussi par son volet spatial. Les espaces concernés sont difficiles à délimiter et parler d’une résistance locale - ici la Meuse - sans considérer les articulations nationales ou même globales ne permet pas de saisir les mécanismes du conflit mondial.
En réalité, ce reportage est surtout le témoin de la construction de « la Résistance » en tant qu’objet mémoriel. En effet, les journalistes ne résistent pas au « résistancialisme », expression de l’historien Henri Rousso, pour qualifier la tendance à dépeindre une France héroïque, unie et massivement résistante. Ce mythe, forgé dès la fin du conflit par les gaullistes et les communistes, s’est affirmé dans l’historiographie d’après-guerre grâce à des historiens eux-mêmes anciens résistants, posant le problème de la superposition de l’histoire à la mémoire. Néanmoins, ce « résistancialisme » a été fragilisé dans les années 1970, notamment avec les travaux de l’historien Robert Paxton sur la France de Vichy, restituant avec finesse la réalité de la collaboration. Le véritable renouvellement historiographique a eu lieu dans les années 1990 grâce aux apports de l’histoire sociale et culturelle. L’objet d’étude « résistance » s’est vu historicisé et la mémoire, dont ce média est le passeur, s’est progressivement détachée des travaux scientifiques ; elle est désormais surtout relayée par les associations locales ou nationales comme celle présentée dans le document. La production testimoniale - dont ce reportage fait usage - se situe dans un entre-deux : il s’agit à la fois d’un matériau majeur pour l’historien en raison du manque de sources et d’un discours accompagnant la construction de l’objet mémoriel.
Transcription
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