Pierre Messmer, gaulliste et député de Moselle
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Résumé
Pierre Messmer s’est engagé dès 1940 pour la France Libre. Il devient ministre des Armées de De Gaulle après 1960 et un acteur clé de sa politique de grandeur. Promu Premier ministre de Georges Pompidou, il fait face à la crise de 1973, puis, après 1974, poursuit son engagement dans l’UDR/RPR et au niveau local, par ses mandats lorrains.
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Date de publication du document :
11 mai 2021
Date de diffusion :
29 août 2007
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Contexte historique
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« Pour le bien et le repos de la patrie, doit-on prendre le risque de perdre son âme ? » Cette phrase prononcée par Pierre Messmer devant l’Académie française dans ce reportage de 2007 traduit à elle seule la personnalité et la force de conviction de cet homme d’exception.
Pierre Messmer naît en 1916 dans une famille privilégiée d’industriels d'origine alsacienne, qui a migré en France en 1871. Il mène des études brillantes à Paris et devient docteur en droit en 1939. Fervent patriote, il a dans sa jeunesse des sympathies de gauche (SFIO).
Son destin bascule avec la Seconde Guerre mondiale qui va en faire un Gaulliste historique engagé pour la Patrie et la République. Son action militaire pour la France libre a une portée politique considérable car elle permet à de Gaulle de conforter la place de la France dans le camp des alliés. Mobilisé en 1939 à 24 ans (sous-lieutenant), il refuse de cesser le combat après la demande d’armistice du 17 juin 1940. Le 18 juin, il rejoint Marseille et y découvre le célèbre appel du Général de Gaulle dans Le Petit Provençal. Il s’embarque pour l’Angleterre et intègre alors les Forces Françaises Libres qui combattent aux côtés des alliés. Il participe en particulier à la bataille de Bir Hakeim (27 mai-10 juin 1942), premier grand fait d’armes des FFL. En 1943, il est affecté à Londres sous les ordres du Général Koenig, le vainqueur de Bir Hakeim, qui dirige les FFI (forces françaises de l’intérieur) et les forces françaises en Grande-Bretagne. Envoyé en Normandie, il participe à la libération de Paris en août 1944. Son action durant le conflit lui valut la légion d’honneur et le titre de Compagnon de la Libération.
Pendant la « traversée du désert » gaullienne (1946-58), il mène une brillante carrière dans l’administration coloniale sous la IVe République. Lors de la crise du 13 mai 1958, il reste légaliste mais approuve de Gaulle. Même s’il n’appartient pas encore au cercle des gaullistes historiques, les barons du gaullisme, il conserve un lien affectif et personnel avec le Général. Cette droiture sera récompensée, puisqu’il deviendra un « inamovible ministre des armées du Général de Gaulle » de 1960 à 1969. Ils collaborent étroitement, la Défense étant un domaine réservé du Président. C’est un poste clé que lui confie le Général aux débuts de la Ve République.
Poste clé parce qu’il met en œuvre la politique d’indépendance nationale gaullienne qui nécessite une capacité de défense autonome. Il contribue aussi à la modernisation du pays qui sera poursuivie par Pompidou. L’armée est réformée, dotée de l’arme atomique en 1960 et quitte le commandement intégré de l’OTAN en 1966.
Poste clé parce qu’il est aussi confronté au règlement du conflit algérien. Il soutient de Gaulle lors du Putsch des généraux d’avril 1961 et contribue à la lutte contre l’OAS (organisation armée secrète), ces inconditionnels de l’Algérie française, en incorporant les jeunes pieds-noirs en métropole ou en Allemagne pour les éloigner d’Algérie.
Après l’élection de Georges Pompidou, il devient ministre d’Etat à l’Outre-Mer puis Premier ministre après la démission de Jacques Chaban-Delmas en 1972. La maladie de Pompidou l’amène à de larges prérogatives après 1973. Il poursuit l’entreprise de modernisation et d’indépendance nationale malgré le choc pétrolier de 1973 qui quadruple le prix de l’or noir et met fin au système économique des Trente glorieuses. L’indépendance énergétique recherchée aboutit au projet nucléaire qui programme la construction de 13 centrales. Il anticipe aussi la fin de l’économie charbonnière dans les vieux foyers industriels et amorce la reconversion des bassins houillers puis sidérurgiques français, et lorrain en particulier.
Pierre Messmer quittera la pouvoir en 1974, après la mort de Pompidou. Après avoir songé à se présenter à l’élection présidentielle, il renonce en faveur de Chaban-Delmas. Il prend alors du recul sur la vie politique et laisse la trace d’un gaulliste fidèle, homme de conviction et de devoir.
Éclairage média
Par
La mort de Pierre Messmer en 2007, à 91 ans, méritait bien une page du journal régional de France 3. Son ancrage politique lorrain le légitimait d’autant plus que malgré ses fonctions nationales, il a toujours été proche de ses électeurs. Maire de Sarrebourg de 1971 à 1989, député de 1974 à 1988, conseiller général, président du conseil régional en 1978-79, il a multiplié les mandats locaux. Les images insistent sur ses contacts avec les Lorrains par ses retours à Sarrebourg en hélicoptère et son travail en mairie. L’extrait de discours sur l’inéluctabilité de la reconversion en Lorraine au début des années 1970 révèle ses fortes préoccupations pour la région.
Mais Pierre Messmer est surtout de ces hommes au parcours hors du commun. Destiné à une carrière de haut-fonctionnaire, les événements en ont décidé autrement. Les journalistes en font « avant tout un compagnon du Général de Gaulle ». Choisir le Général en juin 1940 n’était pas une évidence pendant la Débâcle, alors que Pétain était au zénith de sa popularité. Son patriotisme, le refus de la défaite l’ont transformé en héros discret. Les images d’archives confirment ce sentiment. On le voit dans l’ombre de De Gaulle, sérieux et déterminé. Ses actes de bravoure au combat dans les FFL en Tunisie ou en Libye sont bien connus et cet engagement explique qu’il ait fait partie du cercle des fidèles du Général.
Les images de sa carrière politique révèlent un travailleur sérieux, loyal et de bon conseil. La légende prétend qu’il aurait dissuadé de Gaulle de faire intervenir l’armée en mai 1968. De 1960 à 1969, il exerce ses fonctions de ministre des Armées avec dévouement. On le voit passer les troupes en revue et l’image d’un Super Mystère B2 rappelle son action dans la modernisation de l’armée, outil essentiel de la politique de grandeur gaullienne. En 1962, il sera même contaminé par un accident nucléaire à Béryl dans le Sahara.
Sa nomination en 1972 comme Premier ministre par Pompidou est d’ailleurs destinée à rassurer l’électorat gaulliste. Il incarne un « gaullisme de choc » (Jean Charbonnel) et paraît légitime par son histoire et ses convictions. Les images d’archives de 1972-1974, renforcent la perception de rigueur alors que la France est plongée dans la crise depuis le choc pétrolier de 1973. On l’aperçoit dans l’ombre de Pompidou ou travaillant à Matignon.
Ce portrait passe cependant sous silence le côté obscur de Messmer. Ainsi, son parcours et ses accointances socialistes sous la IVe République sont oubliées alors que des gaullistes historiques comme Foccart les lui reprochaient. La mémoire de la guerre d’Algérie retiendra aussi son inaction lors de l’abandon des harkis, ces supplétifs algériens de l’armée française qui furent massacrés. A la fin des années 1960, au Nigéria, il coordonna le soutien aux sécessionnistes du Biafra par intérêt pour les ressources pétrolières de ce territoire. Sa proposition de loi de 1985 pour la peine de mort pour certains crimes et l’appel au rejet du traité constitutionnel pour l’UE en 2005 nous dévoilent un gaulliste conservateur, peut-être d’une autre époque.
Après 1974, il reste marqué par sa fidélité au gaullisme. Membre fondateur de l’association "présence du gaullisme", il est engagé au sein de l’UDR (Union de défense de la République) puis du Rassemblement Pour la République qu’il présida durant la première cohabitation (1986-1988). Il se retire de la vie politique après sa défaite aux législatives de 1988 et se mue alors en garant spirituel de l’héritage gaulliste. Président de l’Institut Charles de Gaulle en 1992, membre de l’Académie française en 1999, on le voit contribuer à des colloques dans la bibliothèque de l’Académie. Président de la fondation France Libre de 2001 à sa mort, rien ne résume mieux sa vision du monde actuel que son discours de Marseille en 2002 : « Quand nous lisons sur les drapeaux la devise Honneur et Patrie […] nous sommes ramenés à un monde familier aux hommes de ma génération, mais qui semble étranger aux préoccupations contemporaines ».
Transcription
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