Colombey-les-Deux-Églises entre croix de Lorraine et Mémorial Charles-de-Gaulle

La grandeur, tel est le titre de l’ouvrage de Maurice Vaïsse publié en 1998 et consacré à la politique étrangère du président Charles de Gaulle. Ce terme sied parfaitement à l’impression qui se dégage de ce reportage placé sous les auspices de cette croix de Lorraine monumentale en granit rose, haute de 44 mètres et inaugurée en 1972. Une visiteuse dit ainsi : Nos yeux ne sont pas assez grands pour tout voir ! Un spectateur confesse avoir appris des bribes de son histoire qui font que c’était vraiment un grand homme.

Cette croix est inaugurée moins de deux après le décès du chef de la France libre. L'initiateur et président de la Ve République en avait eu la prémonition. En 1954, il déclare à André Malraux : Voyez cette colline. C’est la plus élevée. On y édifiera une croix de Lorraine quand je serai mort. Avant d’ajouter sur un ton dubitatif et selon la simplicité qui le caractérisait : Personne n’y viendra… sauf les lapins pour y faire de la résistance… Charles de Gaulle n’avait pas imaginé que plus de 400 000 personnes se recueilleraient au pied du monument dès la première année.

Trente-six ans plus tard, en octobre 2008, soit à l’occasion du cinquantième anniversaire de l’adoption de la Constitution de la Ve République (4 octobre 1958), la mémoire gaullienne entre dans une autre dimension avec l’ouverture du Mémorial Charles-de-Gaulle. Ce centre d’interprétation unique propose sur 1 800 m² d’exposition permanente et temporaire de (re)découvrir l’homme sous toutes ses facettes, à la fois combattant et père de famille, écrivain et fondateur de la Ve République. La visite permet aussi de prendre la mesure de l’époque : la montée des périls totalitaires dans les années 1930, les difficultés de la reconstruction de l’après-guerre, la société de consommation des années 1960, l’époque yéyé... Finalement, par une approche immersive, grâce à des décors (tranchée de la Grande Guerre, rues pavées de Paris en 1968…), et interactive, le Mémorial Charles-de-Gaulle constitue un réel rendez-vous avec l’histoire du XXe siècle (de 1890 à 1970).

Aujourd’hui, encore près de 70 000 personnes visitent chaque année le Mémorial, dont une part non négligeable de scolaires, car le service éducatif du musée met à disposition des outils pédagogiques en lien avec les programmes d’histoire, de géographie et d’enseignement moral et civique de collège et des lycées (général, technologique et professionnel). Des programmes qui abordent chronologiquement la Première Guerre mondiale, la mise en œuvre des régimes totalitaires, la Seconde Guerre mondiale, la France libre, les IVe et Ve Républiques, la modernisation de la France et l’aménagement du territoire, la présence de la France dans le monde, la crise sociale et politique de 1968,... mais aussi la notion de l’engagement et bien évidemment les valeurs de la République.

Même si Charles de Gaulle n’est pas né en Grand Est (il est originaire de Lille), il est très intimement lié à la région. Il traverse les Ardennes dans les premiers jours de la Grande Guerre avant d’être blessé à Dinant. À son retour au front, de Gaulle est promu capitaine sur le front de la Marne ; il est laissé pour mort sur les champs de bataille du Verdunois avant d’être fait prisonnier. Quand il est promu lieutenant-colonel en 1933, il sait que ses affectations le conduiront dans la région et il se met en quête d’une résidence familiale : ce sera la Boisserie à Colombey-les-Deux-Eglises sur la route de Paris à Bâle. Effectivement il dirigera le 507e Régiment de chars de combat à Metz, puis supervisera la formation des troupes blindées de la 5e armée à Wangenbourg. Après le second conflit mondial, il rentre en France et la résidence familiale de Colombey-les-Deux-Eglises reste son lieu de villégiature principal. Il y décède le 9 novembre 1970.

Début juillet 2015, Maxime Meyer intègre dans la série « Un été dans l’Est » un reportage sur Colombey-les-Deux-Eglises comme destination touristique. Il insiste sur la croix de Lorraine et sur le Mémorial Charles-de-Gaulle inauguré en octobre 2008 par le président de la République Nicolas Sarkozy et la chancelière allemande Angela Merkel. Cette série consiste à intégrer dans les journaux télévisés du soir (19/20) des reportages assez longs sur des sujets culturels, touristiques, etc. Ils permettent d’entrer davantage dans le détail que la majorité des autres reportages du JT, généralement assez brefs. Celui-ci dure près de cinq minutes.

Bien évidemment, l’objectif est de présenter aux habitants des trois régions Alsace, Lorraine et Champagne-Ardenne une destination touristique locale pour leur été 2015. C’est pour cette raison que certains éléments sont aujourd’hui dépassés. L’exposition temporaire « Les premières dames, de l’ombre à la lumière », présentée par Matthieu Geagea, n’est, comme l’indique le terme « temporaire », plus d’actualité. La programmation annuelle du Mémorial Charles-de-Gaulle, comme celle des structures muséales en général, change régulièrement. Quant au son et lumière « De Gaulle en Grand », qui figure dans le reportage (2015) et qui était raconté par Robert Hossein, il a été remplacé les deux années suivantes par « Génération de Gaulle », avec la voix d’Alain Delon. Ces spectacles son et lumière ne sont désormais plus présentés (2021) et divers événements leur ont succédé. Le reportage permet aussi de visualiser quelques espaces scénographiques du centre d’interprétation de 1 800 m². Sa scénographie, qui date de 2008, est tournée vers les innovations technologiques et intègre plus de 1 000 photographies, films et bandes sonores, mais aussi des bornes interactives...

Le reportage en lui-même est bien fait : divers espaces scénographiques sont mis en avant et la voix du journaliste complète l’information en présentant la philosophie générale du parcours. Il y a toutefois un manque important : Colombey-les-Deux-Eglises, et notamment le parcours mémoriel gaullien dans ce village, ne se limite pas à la croix de Lorraine (visible à plus de 15 km à la ronde) ni au Mémorial Charles-de-Gaulle. Le journaliste n’évoque pas le cimetière où repose Charles de Gaulle et son épouse « tante » Yvonne (sans oublier leurs deux filles et leur gendre), mais surtout, il fait totalement l’impasse sur la Boisserie, la résidence privée et personnelle de la famille de Gaulle. Achetée en viager habitable en 1934, la demeure avait nécessité d’importants travaux de rénovation. Elle est toujours la propriété de la famille de Gaulle. Il est vrai que l’amiral Philippe de Gaulle (fils d’Yvonne et Charles) et Yves de Gaulle (fils de Philippe et depuis peu responsable de la gestion de la Boisserie) refusaient au moment de la réalisation de ce reportage assez systématiquement les prises de vues. Néanmoins, même si des images ne pouvaient être produites, le fait de ne pas citer la maison familiale reste un manque criant et dommageable pour la qualité générale de ce reportage.