Le Retable d'Issenheim, grand format et hors normes
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Après deux ans de travaux, le Musée Unterlinden à Colmar ouvre ses portes au public. Agrandi et repensé, il offre un écrin idéal au Retable d’Issenheim, œuvre phare du musée et chef d’œuvre de la Renaissance germanique.
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Date de publication du document :
08 déc. 2021
Date de diffusion :
09 déc. 2015
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Contexte historique
ParProfesseur agrégée d’histoire-géographie au Gymnase Jean Sturm à Strasbourg
Le 23 janvier 2016, soit quelques semaines après la diffusion du reportage, le président de la République François Hollande vient inaugurer le nouveau Musée Unterlinden à Colmar qui accueille le public à nouveau après deux ans de chantier. Les travaux de réaménagement et d’extension, orchestrés par les architectes Jacques Herzog et Pierre de Meuron, ont été l’occasion d’un examen approfondi du retable d’Issenheim par le Centre de recherche et de restauration des musées de France et d’une nouvelle présentation muséographique de ce chef d’œuvre du XVIe s.
Réalisé entre 1512 et 1516 par Matthias Grünewald pour les panneaux peints et par Nicolas de Haguenau pour les sculptures, il porte ce nom parce qu’il était destiné à l’église de la commanderie des Antonins d’Issenheim, un ordre constitué au XIIIe s selon une règle inspirée des Augustins. A cette époque Issenheim se situait dans le Saint Empire romain germanique, un territoire déjà agité par les questions religieuses et sociales à la veille de la publication des quatre-vingt-quinze thèses de Martin Luther en 1517. Ces interrogations, sur la foi, l’au-delà et les moyens d’assurer son salut tourmentent les esprits et se retrouvent sous le pinceau de Grünewald.
En l’absence de contrat, il est difficile de cerner le lien précis entre la commande et les artistes. On sait aujourd’hui que Grünewald n’est pas le véritable nom de l’auteur du retable. Il s’appelait en réalité Mathias Gothart Nithart dont il reste les monogrammes mais peu d’archives et de témoignages. On ne connaît ni ses origines ni sa formation. L’essentiel de sa création se limite à la région du Main et du Rhin. Il a travaillé pour l’Eglise mais aussi pour des laïcs et a collaboré avec Dürer à un retable commandé par le négociant Jacob Heller à Mayence. Il a aussi, comme de nombreux artistes en son temps, eu des activités d’ingénieur hydraulicien. Son commanditaire le plus important reste probablement le cardinal Albrecht von Brandenburg, archevêque de Mayence et de Magdebourg, prince électeur du Saint Empire romain germanique et mécène qui a également commandé des œuvres à Cranach et Dürer. On n’en sait guère plus et Nithart dit Grünewald serait mort en 1528 quelque part, à Halle-sur-la-Saale…
Le sculpteur Nicolas de Haguenau, qui n’a intéressé que tardivement les historiens de l’art, nous est mieux connu. Il a acquis le droit de bourgeoisie en 1493 comme tailleur d’images à Strasbourg. Il a réalisé de nombreuses sculptures en prière et en bois qui ont disparu au moment de la vague iconoclaste durant la Réforme. Il a également conçu le retable du maître autel du chœur de la cathédrale de Strasbourg démonté au XVIIe s.
Le retable est dédié à saint Antoine, saint tutélaire des Antonins, à l’origine de la commande. La vie du saint a été racontée, entre autres, dans la Légende dorée de Jacques de Voragine écrite vers 1260. Antoine serait né en Égypte au IIIe s. et se serait retiré dans un ermitage où Satan et ses créatures maléfiques l’auraient soumis plusieurs fois à la tentation. Saint thaumaturge, il guérit les malades et accomplit force miracles. Ses reliques, retrouvées en Égypte, auraient été transférées à Constantinople au VIIIe s., puis, selon la tradition, rapportées dans le Dauphiné au XIe s. Elles auraient à leur tour permis de nombreuses guérisons. En ce temps, les épidémies faisaient des ravages réguliers et la commanderie d’Issenheim s’efforçait de soigner ceux qui étaient atteints du mal des ardents et qu’on appelait justement le feu de saint Antoine. Des baumes et décoctions leur étaient administrés et une prière devant leur retable pour invoquer saint Antoine, le Christ et la Vierge, constituait un passage obligé.
Éclairage média
ParProfesseur agrégée d’histoire-géographie au Gymnase Jean Sturm à Strasbourg
Le reportage insiste sur l’aspect spectaculaire, monumental du retable. Rappelons qu’il reste, en dépit de ses dimensions, entièrement démontable et ce afin qu’il puisse voyager. D’ailleurs il a été probablement réalisé à Strasbourg et pas sur place à Issenheim. Il a été démonté à plusieurs reprises, pendant la guerre de Trente Ans et en 1917 pour être exposé à Munich. Il est revenu en France en 1919 pour être à nouveau démonté en 1939 afin d’être mis à l’abri dans le Périgord. Une série de tribulations jusqu’à son retour définitif à Colmar en 1945.
La vidéo propose aussi une analyse de l’iconographie et de la fonction du retable. Apparu au XIIIe s. le retable, qu’il soit peint ou sculpté est en général installé sur l’autel ou à l’arrière. A l’origine, le retable d’Issenheim devait d’ailleurs être placé en hauteur, ce qui accentuait son caractère impressionnant, et derrière un jubé. Il fait face aux fidèles et à l’officiant qui leur tourne le dos : il a ainsi, de par sa position, une fonction à la fois liturgique et pédagogique. Le retable permet de transmettre le message de l’Eglise et d’ailleurs des théologiens en codifient l’organisation. Au fil du temps les retables deviennent de plus en plus grands et complexes avec de multiples panneaux : à ce titre le retable d’Issenheim est un polyptique.
Le retable d’Issenheim, que l’on contemple aujourd’hui de manière presque simultanée, ce qui peut en fausser la lecture, pouvait combiner trois présentations distinctes qui suivaient le calendrier liturgique. Le reportage a d’ailleurs l’excellente idée de restituer les dispositions possibles et originelles des panneaux.
Fermé, le retable donnait à voir la Passion du Christ. La directrice du musée et conservatrice Pantxika De Paepe souligne l’intensité exceptionnelle, unique, de cette scène qui se détache sur un fond sombre et hostile. Le Christ en croix, représenté plus grand que les autres figures dont le nombre est inhabituellement limité, vient retenir l’attention du spectateur par l’expression de sa souffrance. La contemplation des blessures, minutieusement peintes, et de l’agonie, terrible, devaient amener les pèlerins malades à la communion et à la contrition.
La première ouverture du retable, quant à elle, invitait à l’espoir par l’accomplissement de la nouvelle Loi avec l’Annonciation et la Résurrection, scène dont l’iconographie rompt à nouveau avec la tradition : un Christ grandiose et irradiant que le commentaire qualifie de « psychédélique » vient s’élever au-dessus les corps lourds et avachis des soldats.
Enfin, la seconde ouverture qui associe sculptures et peintures illustre des épisodes de la vie de saint Antoine représenté au centre avec ses attributs. Sur un des panneaux (et non une toile comme le commentaire l’affirme) figure l’agression de saint Antoine par les démons, dont les trognes et la violence auraient inspiré d’autres créations, celles de John Howe, illustrateur canadien formé à l’Ecole des Arts Décoratifs de Strasbourg et célèbre pour avoir créé l’univers visuel du Seigneur des anneaux.
Le reportage aborde ainsi, mais très brièvement, la question de l’influence qu’a exercée le retable. Il signale aussi Dali mais en oublie bien d’autres. Dans le contexte de la montée du nationalisme et de l’annexion de l’Alsace à l’Empire allemand, Grünewald est devenu une source d’inspiration majeure pour les artistes germaniques du tournant du XXe s. tels que Beckmann, Nolde, ou Dix. Une fortune critique qui a depuis lors continué, se jouant des frontières et des époques.
Transcription
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