Claude Le Lorrain au Louvre : le dessinateur face à la nature
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Le Louvre consacre en 2011 une rétrospective à l’un des plus grands peintres du XVIIe siècle, Claude Le Lorrain, spécialisé dans le paysage et connu pour ses recherches sur la lumière.
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08 déc. 2021
Date de diffusion :
03 mai 2011
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La peinture de paysage qui a fait la célébrité du Lorrain est devenu un genre pictural à part entière assez tardivement. Les autres genres que sont le portrait, la peinture religieuse, mythologique ou d’histoire, la scène de genre, la nature morte ou le trompe-l’œil l’ont longtemps éclipsé.
Pourtant, le paysage existe depuis l’Antiquité, que l’on songe aux fresques égyptiennes, à l’instar de celles figurant dans le tombeau de Sennefer, situé en face de Louqsor, datant de -1400 avant J.-C., qui montre des vignes et des jardins. Les Grecs et les Romains ont, également, dans leurs peintures et mosaïques, exalté la nature et les jardins tout en développant le genre grâce à leur maîtrise de la perspective et des trompe-l’œil. C’est ce qu’ont révélé les fresques des villas de Pompéi et d’Herculanum ou des maisons découvertes à Rome comme celles de la via Graziosa que l’on date du Ier siècle avant J.-C.. Construite sur l’Esquilin, elle est ornée de fresques représentant les paysages de L’Odyssée d’Homère.
La disparition de l’empire romain, les périodes tourmentées qui suivent ont, pour un temps, fait disparaître le genre. Le Moyen Age, longtemps considéré de manière négative, privilégie dans le domaine de l’art les scènes religieuses dans lesquelles le paysage n’est souvent qu’un décor, un cadre, d’où des éléments naturels simplifiés et réduits à leur plus simple expression, un rocher ou un arbre. Cependant, il existe de grandes nuances selon les espaces, la périodicité et les artistes. Ainsi le Trecento italien voit Giotto (1266 ou 1267- 1337) insuffler du naturalisme dans ses œuvres, ce dont s’inspireront, au XVe siècle, les Frères de Limbourg dans les Très riches Heures du duc de Berry. En Flandre, les artistes portent un grand intérêt aux scènes de genre et au paysage. Il sert de cadre général aux scènes mythologiques ou historiques, parfois à travers une fenêtre, un motif très en vogue comme chez Van Eyck (1390-1441). Que l’on songe à La Vierge du chancelier Rolin vers 1435. Le paysage est très présent aussi chez Dürer (1471-1528) en particulier dans ses dessins et esquisses. Il en a laissé plus de deux mille et une centaine d’aquarelles représentant des paysages très précis autour de Nuremberg comme La Tréfilerie sur la Pegnitz datant de 1489-90. Elle est considérée comme la première aquarelle et illustre un paysage d’automne. Ces primitifs flamands ont largement inspiré les Italiens, en particulier pour les scènes de genre
A partir du XVIe siècle, le paysage devient un genre pictural de plus en plus prisé par les artistes. C’est dans les fresques ornant les palais italiens tels le palais Magnani à Bologne que le paysage prend une autre dimension et commence à compter pour lui-même. Même si, dans l’espace flamand, Pieter Brueghel l’Ancien (1528-1569) joue un rôle considérable dans son essor. Son tableau, La Chute d’Icare (1558) est à ce titre très intéressant. Le titre du tableau étant en quelque sorte contredit par le paysage qui occupe tout l’espace.
Les historiens de l’art considèrent que c’est Annibal Carrache ou Annibale Carrachi (1560-1609) qui serait l’inventeur du paysage classique. Cet artiste, originaire de Bologne, avait fondé, avec son frère et son cousin, en 1585, une Académie en réaction aux excès du maniérisme. Il avait pour objectif de promouvoir un retour au naturel. Il est à l’origine du paysage idéal, un genre dans lequel les éléments naturels, architecturaux et humains constituent un ensemble harmonieux. Ses tableaux utilisent le paysage pour raconter une histoire comme dans son Paysage fluvial (1590-1599) qui représente un bord de rivière, envahi par la végétation et sur laquelle glisse une barque emportant un couple tandis qu’à l’arrière-plan, ceint d’un lac plus vaste, une cité se détache de la brume. L’artiste insiste sur l’éphémère, le fugace car il saisit la barque avant qu’elle ne disparaisse derrière la végétation.
Sous l’influence des sciences, de la botanique et de l’engouement pour les jardins, le paysage finit par acquérir une place centrale. Avec Nicolas Poussin (1594-1665) et surtout Le Lorrain (1600-1682, il connaît son apogée. La nature, omniprésente dans les tableaux, est idéalisée. On la qualifie d’arcadienne, pour signifier son caractère sauvage mais pur. Si Nicolas Poussin peint des paysages héroïques qui sont le théâtre de scènes mythologiques, Le Lorrain préfère le paysage pastoral. Le cadre est délimité avec soin et doit représenter la scène dans son entièreté. Les compositions sont très maîtrisées et travaillées, révélant un étagement subtil de plans, des effets de perspective et un souci du détail sans parler des jeux de lumière. Le Lorrain est reconnu comme le maître incontesté de la lumière, capable d’en saisir toutes les nuances, de la lumière matinale au soleil couchant. Il en enregistre les variations au gré des heures et des saisons, lui qui peignait en extérieur, dans la campagne romaine, une pratique peu commune à l’époque. Il a été l’un des premiers peintres à mettre la lumière au centre de ses œuvres.
L’influence du Lorrain a été très importante sur les peintres paysagistes et en particulier en Angleterre où il est appelé par son prénom, Claude. William Turner a reconnu la dette qu’il avait envers lui et comment la découverte des tableaux du Lorrain l’avait bouleversé, au point d’en pleurer. Le peintre anglais a fini par dépasser son maître, en poussant toujours plus loin le rendu de la lumière par des fondus lumineux et des reflets dans l’eau. Dans les Flandres et en Italie entre le XVIIe et XVIIIe siècles, se développe le védutisme autour de la figure, à Venise, de Canaletto (1697-1768) et de Vermeer (1632-1675) à Delft. Il s’agit pour ces peintres de réaliser un véritable panorama très précis d’un paysage comme Vue de Delft de Vermeer datant de 1660.
Le paysage ne va cesser d’être une préoccupation pour les peintres et donner lieu à des interprétations diverses, romantique pour les uns, impressionniste au XIXe siècle, réaliste ou abstraite et expérimentale au XXe siècle.
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Le journal de France 3 Lorraine choisit de proposer dans la page Culture du 12/13 un reportage sur un enfant du pays, Claude Gellée, plus connu sous son surnom du Lorrain. En effet, ce dernier est né dans les Vosges, dans le petit village de Chamagne, situé sur la rive droite de la Moselle. Sa maison natale y est d’ailleurs toujours visible et classée aux Monuments historiques. Même s’il a quitté la région très tôt, dès la mort de ses parents survenue vers 1616, son patronyme et signature le rattachent à sa région d’origine, ce que tendent à prouver les images filmées, de même que son goût pour la nature et le paysage.
La séquence se déroule sur fond de musique classique en voix off, entrecoupé d’une interview du commissaire de l’exposition Carel Van Tuyll, Chef du département des Arts graphiques du Louvre depuis 2005. Ce dernier, spécialiste des dessins italiens, est l’ancien conservateur du musée Teyler de Harleem qui a coorganisé l’exposition et prêté de nombreuses œuvres, rarement exposées jusqu’à lors.
On peut y suivre pour la première fois l’intégralité de sa carrière. Tandis qu’il éclaire le parcours de l’artiste, issu d’une famille modeste et à l’origine apprenti pâtissier ou peut-être ornementiste d’après ses biographes, la caméra tourne et montre la scénographie conçue pour la rétrospective ainsi que de nombreuses œuvres, tant des tableaux que des dessins, souvent moins connus. On y apprend son parcours, sa découverte de l’Italie grâce au fameux tour d’Italie, étape majeure de la formation de tout apprenti peintre. On sait que le Lorrain n’a pas bénéficié d’une éducation très poussée et que c’est la fréquentation assidue de peintres et la découverte de Rome et de sa campagne qui ont contribué à sa formation. Dans la capitale italienne, il rejoint un groupe de peintres nordiques et est formé par deux maîtres de la peinture de paysage, Goffredo Wals et Agostino Tassi. En une vingtaine d’années, il acquiert la maîtrise de son art et devient un peintre célèbre, travaillant aussi bien pour la noblesse ou la papauté que pour le roi d’Espagne.
Les images permettent de par leur qualité et le nombre de tableaux présentés de voir le travail de l’artiste, la minutie et le sens du détail évoqués par Carel Van Tuyll mais aussi de mesurer l’évolution des thématiques. Aux paysages traditionnels, pastorales et scènes de genre, succèdent les sujets issus de La Légende dorée de Jacques de Voragine tels le Port avec embarquement de Sainte Ursule datant de 1641 ou mythologiques comme Paysage avec Enée à Délos (1672). On n’y trouve pas de scènes violentes telles celles évoquant la décollation de Jean-Baptiste ou la mort d’Holopherne. Sa série des ports et des marines comme Le Port de Gênes vu de la mer (1627-1629), loin de s’inscrire dans la tradition védutiste flamande ou italienne - car trop marquée par l’artificiel et le manque de réalisme -, doit son succès au traitement de la lumière et au raffinement du dessin. Ils expliquent le succès du Lorrain en Angleterre et dans les Flandres, où ses œuvres étaient très prisées par la bourgeoisie marchande des XVIIe et XVIIIe siècles.
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