La cristallerie Daum, un savoir-faire artisanal

La maison Daum est une cristallerie installée en Meurthe-et-Moselle, à Nancy. Elle a été créée en 1878 par Jean Daum, un ancien notaire de Bitche. L’entreprise sera rapidement reprise par son fils, Auguste et met en avant un savoir-faire transmis de père en fils, pratiquement depuis la naissance de la maison. C’est Auguste et son frère Antonin, qui donneront un réel tournant à la maison, en l’orientant vers la création artistique de verrerie. C’est lors d’une exposition universelle américaine, celle de Chicago en 1893, qu’elle sera désormais considérée comme une industrie d’art.

La cristallerie Daum utilise un procédé qui existe depuis 5000 ans avant J.-C., mêlant la pâte de verre et la pâte de cristal. La maison redécouvre et exploite la pâte de verre à partir de 1904, pour pleinement l’exploiter en 1968. Dès lors, la maison Daum participe à de nombreuses associations avec des artistes, notamment des artistes de l’école de Nancy que Jean Daum fonda avec Emile Gallé, ou encore avec Majorelle, Arman ou Dali. En presque 140 années d’existence, la maison aura signé des contrats avec 350 artistes reconnus.

En 2007, la maison Daum va être labellisée Entreprise du Patrimoine Vivant (EPV) qui est un label de l’Etat français permettant de distinguer et de promulguer les entreprises françaises qui détiennent un savoir-faire spécifique, artisanal et industriel d’excellence. 
Le label s’obtient en remplissant des critères spécifiques. Il faut tout d’abord avoir un patrimoine économique spécifique issu d’une expérience manufacturière, c’est-à-dire détenir un outillage, une technique rare ou un droit de propriété industrielle. Détenir un savoir-faire rare qui repose sur des techniques traditionnelles ou de haute technicité, ce savoir-faire est détenu par peu d’entreprise et permet de justifier cette valeur ajoutée. Il n’est possible de se former qu’au sein de l’entreprise ou en contact avec des salariés qui ont ces compétences collectives. Le savoir-faire spécifique est également déterminé par son implantation géographique, sa notoriété ou sa responsabilité sociale permettant de promouvoir et de protéger ce savoir-faire.

La Lorraine a une ancienne tradition industrielle et son essor économique du début du XIXe siècle se fait principalement sur la sidérurgie, la houille et le textile dans les vallées vosgiennes, mais également dans la manufacture du verre et du cristal. La maison Daum s’intègre dans cette tradition industrielle puisque de nombreuses verreries, cristalleries ou faïenceries sont implantées en Lorraine, dont certaines aussi célèbres que Baccarat ou encore la verrerie de Saint Louis-lès-Bitche, qui n’aura pas le même prestige mais sera racheté par Hermès en 1929.

Néanmoins, à partir des années 1970, la région est en plein mouvement de désindustrialisation suite aux crises boursières et, malgré des projets de reconversion dans les années 1990, les usines nouvellement créées sont insuffisantes pour pallier à l’absence d’emploi. Ainsi, avoir des usines reconnues EPV va contribuer à valoriser cette culture de tradition industrielle et d’artisanat d’art.

Cet extrait a été diffusé en janvier 1965 et permet de porter un regard d'époque sur la cristallerie et les méthodes de fabrication utilisées, en comparaison à nos années contemporaines. Le journaliste met en avant la filiation de la maison en nommant les différents successeurs de la cristallerie : Jean, Antonin, Paul, Henri et Michel Daum. Cette filiation est une tradition particulièrement importante dans le domaine de l’artisanat, et de nos jours un défi, pour faire perdurer ces savoirs.

Au début de l’extrait, les ouvriers doivent changer le pot du four destiné à la fusion, étape particulièrement importante puisque c’est justement le pot qui va contenir la matériau en fusion, c’est-à-dire le cristal en l'occurrence, qui est changé. Le cristal est en fusion à la même température que l’acier : 1500 degrés. Il est donc primordial d’avoir un pot en bon état pour pouvoir assurer la production ainsi que la sécurité des artisans verriers. Ce four permet de réaliser le matériel de base de création pour l’ensemble de la production : la pâte de cristal. Pour pouvoir réaliser la pâte, la composition doit passer par quatre étapes qui sont réalisées de manière successive dans le « four à pot » : la fusion (le passage de la matière à l’état liquide), l’affinage (les gaz qui composent la matière sont éliminés), la phase d’homogénéisation de la masse avant de terminer avec le conditionnement thermique, donc abaisser la pâte à la température qui permettra le formage.

La maison Daum travaillait encore avec un four à pot, alors que depuis 1952, le four à bassin a été inventé et est largement utilisé par les industries. Contrairement au four à pot, le four à bassin permet de produire davantage de verre et de manière plus simple.

On observe les différentes étapes de réalisation d’un coq en verre, afin d'illustrer les réalisations du département d’art de la manufacture de verre, instauré par Antonin Daum dès 1891. La conception et la réalisation d’une sculpture se fait par équipe puisque différentes personnes interviennent sous la direction d’un guide : le chef de place. Une partie de l’équipe réalise le corps du coq et un deuxième le socle qui a son importance, comme le souligne la voix off.

De nombreuses vues permettent d’apprécier les outils nécessaires pour le métier : les ciseaux (pour rogner, étirer ou retirer les impuretés du cristal), les fers (qui permettent d’ouvrir les cols, de carafe par exemple), les mailloches (une spatule, cuillère ou cube de bois, qui, gorgées d’eau, permettent de lisser le verre en fusion), les pinces, les castagnettes (qui permettent de former les pieds des verres) ainsi que les pontils et les ferrets (qui ces deux outils, permettent de saisir le verre). La technicité et les gestes sûrs du maître verrier prouvent sa dextérité et son savoir d’artisan. Le maillage consiste en une opération de frappe ou de lissage en utilisant une mailloche, outil spécifique du métier. Pour finir, l’extrait se clôture par la fabrication d’un verre réalisé par soufflage.

Cet extrait permet de comprendre aussi les conditions de travail des artisans dans les années 1960 : ils n’ont aucun EPI (Equipement de Protection Individuel) comme les gants, les masques ou les tabliers. Ces EPI sont indispensables et obligatoires aujourd’hui lors de la manipulation des pots ou lors de l’entretien des fours qui montent à une température allant jusqu’à 1500 degrés.