L'ouverture de la conférence d'Evian

24 mai 1961
01m 57s
Réf. 00226

Notice

Résumé :

Après plusieurs mois d'âpres discussions entre les émissaires du gouvernement français et les délégués du FLN, la conférence d'Evian s'ouvre le 20 mai 1961.

Date de diffusion :
24 mai 1961
Date d'événement :
20 mai 1961

Éclairage

Des contacts ont été pris depuis le mois de février entre les émissaires du gouvernement français et les délégués du FLN. Malgré une évidente volonté d'aboutir de part et d'autre, les obstacles sont de taille. Le FLN entend borner les discussions à la mise en œuvre de l'autodétermination. Il se refuse à accepter comme le lui demandent les Français un cessez-le-feu dès l'ouverture des négociations et des garanties pour les Français d'Algérie. Il exige en outre, préalablement à toute discussion, la reconnaissance du caractère algérien du Sahara. Le 8 mai, de Gaulle annonce la reprise des pourparlers avec le FLN. "Il nous faut régler l'affaire algérienne", lance-t-il résolument. L'annonce de l'ouverture à Evian provoque une recrudescence du terrorisme du FLN. L'OAS n'est pas en reste. Elle veut retourner l'opinion en sa faveur, persuadée que les pourparlers d'Evian ne peuvent aboutir. Plusieurs dizaines de bombes au plastic explosent entre le 8 et le 19 mai.

C'est dans ce contexte que commencent le 20 mai 1961 les négociations d'Evian, après que le général de Gaulle a fait savoir qu'il renonçait à son exigence d'un cessez-le-feu à l'ouverture des négociations. A Evian, la délégation française est dirigée par Louis Joxe, ministre des Affaires algériennes, assisté de Robert Buron et Jean de Broglie. Côté algérien, c'est Krim Belkacem, ministre des Affaires étrangères du Gouvernement provisoire de la République algérienne (GPRA), qui mène la délégation. Il est accompagnée d'Ahmed Francis, ministre des Affaires économiques, de Mohammed Ben Yahia, directeur du cabinet de Ferhat Abbas, de Tayeb Boulahrouf, de Ahmed Boumendjel, de Saad Dhalab et des commandants Mendjel et Slimane.

Il s'agit bien selon Bernard Droz et Evelyne Lever d'une "rencontre historique, où l'on voit deux mondes s'affronter : celui des bureaux feutrés du quai d'Orsay et celui des hommes du djebel plus habitués à la guérilla qu'aux joutes oratoires, redoutant par dessus tout d'être bernés". [1] Les négociations seront interrompues le 13 juin, le FLN refusant de céder sur la question du Sahara (dont la France souhaite garder le contrôle en raison des richesses pétrolières) et sur la question de la double nationalité et de la reconnaissance d'un statut particulier aux Européens d'Algérie.

Le traitement de l'arrivée de la délégation du FLN se veut aussi neutre que possible. Ainsi, nulle musique pour accompagner la descente de l'avion et un commentaire qui s'en tient à une plate description. Le commentaire est factuel, il ne dit mot des enjeux de la conférence, des exigences des Français comme des revendications du FLN. Tout se passe comme si le commentateur, conscient du caractère explosif de la situation, pesait chacun de ses mots pour ne pas provoquer d'étincelle. Bien que divisé en différentes tendances, représentées ici par les trois membres de la délégation, le FLN a su s'imposer comme le représentant unique du peuple algérien. Aussi les Actualités Françaises le traitent-elles non pas en ennemi, mais en partenaire politique. La diplomatie est de mise, malgré le terrorisme qui fait rage au dehors.

[1] Bernard Droz, Evelyne Lever, Histoire de la guerre d'Algérie, Paris, Seuil, 1982.

Eve Bonnivard

Transcription

Commentateur
Pour la conférence d'Evian, un avion a amené à Genève les membres de la délégation FLN conduite par Monsieur Belkacem Krim et qui comprend Messieurs Boumendjel et Ahmed Francis, qui résument à eux trois toutes les tendances du FLN. Et, à sa descente d'avion, Monsieur Belkacem Krim a évoqué le sens général des revendications FLN.
Krim Belkacem
Comme nous avons eu l'occasion de le déclarer, l'Algérie veut accéder à la vie internationale, sans complexe, avec le désir sincère de coopérer avec tous les peuples et d'apporter sa modeste contribution au progrès humain.
Commentateur
C'est dans une villa genevoise, la villa du Bois (?) transformée en camp retranché et sévèrement gardée par l'armée et la police helvétique que la délégation FLN a établi son quartier général.
(Silence)
Commentateur
C'est de là que le matin du samedi 20 mai les délégués se sont envolés à bord de trois hélicoptères pour joindre Evian.
(Silence)
Commentateur
Evian, l'hôtel du Parc. La police fait toujours aussi bonne garde ; Monsieur Louis Joxe, ministre d'Etat pour les affaires d'Algérie, chef de la délégation française, arrive le premier.
(Silence)
Commentateur
Journalistes et caméras sont parqués à distance respectueuse. La délégation FLN pénètre à son tour à l'hôtel du Parc ; nous ne verrons rien de plus. Mais en même temps un grand fait s'est produit : la France a ordonné en Algérie un cessez-le-feu unilatéral. Du côté français les armes se taisent, sauf cas de légitime défense. Conférence d'Evian, cessez-le-feu français : sommes-nous enfin en vue de l'aboutissement ?