La première bataille de la Marne : quand la France faillit perdre la guerre en un mois
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Résumé
Mondement-Montgivroux fut au cœur de la bataille de la Marne en septembre 1914. C’est depuis ce site que le reportage revisite la bataille au cours de laquelle la France, envahie en quelques semaines par les Allemands, décide selon le mot de Joffre de mourir sur place mais de ne plus reculer. Des milliers de Français sont morts pour ne pas reculer, et empêcher la défaite du pays.
ParProfesseur certifié d'histoire-géographie au collège François Legros de Reims
La montée des tensions en Europe était très forte depuis les années 1880, sur fond de crise économique et de mesures protectionnistes, de rivalités coloniales et de revendications nationalistes multiples qui agitent les empires multinationaux comme l’Autriche-Hongrie. C’est dans ce contexte que sont mis en place deux systèmes d’alliance dont l’Allemagne est le pivot : la Triple Alliance réunit ses alliés (Autrichiens et Italiens), alors que le Triple Entente unit ses ennemis (Royaume-Uni, France et Russie). Il est vrai que l’Empire allemand de Guillaume II est au cœur de toutes les préoccupations, tant sa puissance croissante depuis l’unification de 1871 menace les équilibres européens.
Chaque camp a son plan pour la guerre. Au Plan XVII des Français qui prévoit une offensive sur le Rhin répond le Plan Schlieffen des Allemands qui pense la guerre sur deux fronts, côté Ouest et côté Est face aux Russes. Quand l’été 1914 approche, chacun est prêt à en découdre ; pourtant, l’engrenage de la guerre surprend les Européens : c’est l’assassinat de l’héritier de l’Empire austro-hongrois qui entraîne le reste de l’Europe dans la guerre par le biais des alliances.
Les déclarations de guerre et les ordres de mobilisation se succèdent : l’ordre de mobilisation générale de la France est promulgué le 2 août, le 3 l’Allemagne lui déclare la guerre et le 4 elle envahit la Belgique et le Luxembourg. Fin août 1914, la situation des armées françaises est catastrophique. Le Plan XVII a échoué : non seulement, les Français n’ont pas percé à l’est, mais en plus, ils n’ont pu, malgré l’aide des Anglais, empêcher les Allemands de prendre la Belgique et d’avancer sur leur territoire. Les Allemands ont forcé les troupes françaises à battre en retraite dans un grand désordre durant deux semaines. Ce sont les semaines de la guerre qui causent le plus de pertes humaines : l’armement, notamment l’artillerie, est devenu plus létal alors que les soldats ne sont pas aguerris aux combats et que les États-majors sacrifient inutilement des vies humaines. Finalement, le front se stabilise sur la Marne, vers le 25 août. Les Allemands sont aux portes de Paris et de la victoire. L’objectif allemand est d’abord de prendre à revers les troupes françaises venant de l’Est, pour couper en deux les armées ennemies, avant de se tourner vers Paris. Mais l'État-major hésite et les Français en profitent pour se réorganiser et stopper l’offensive ennemie.
Le front s’étend alors sur plus de 200 km, de Verdun à l’est à Meaux à l’ouest. 2 millions d’hommes sont face à face. L’armée française est au bord de la rupture, épuisée et abasourdie par la puissance allemande, l'État-major est divisé et plusieurs généraux sont limogés par Joffre. Mais le repli sur la Marne lui offre un répit et la possibilité de recevoir des renforts et de se réorganiser. Le 6 septembre, Joffre publie son célèbre ordre du jour, gravé sur le monument de Mondement : les armées doivent reprendre l’offensive et à défaut de pouvoir progresser, elles ont ordre de ne pas reculer et de mourir sur place s’il le faut. La France, et Joffre le sait, est au pied du mur, sans alternative. La bataille de la Marne est en fait une succession de plusieurs batailles le long des 200 km du front, dont l’une se joue aux portes de Mondement, dans les marais de Saint-Gond. Le 9 septembre, la bataille est gagnée : les lignes allemandes sont percées, notamment par la IXe armée de Foch et les Anglais, et Von Moltke, le chef d’État-major allemand ordonne le repli au nord de Reims. Les Français ne sont pas capables de poursuivre la contre-offensive.
La France a repoussé l’ennemi. L’Europe est entrée dans le cycle de la guerre totale : en quelques jours, 500.000 soldats des deux camps sont morts ou blessés. A la guerre de mouvement succède très vite la guerre des tranchées et ses nouvelles formes de mort de masse.
Éclairage média
ParProfesseur certifié d'histoire-géographie au collège François Legros de Reims
Pendant le centenaire de la Première Guerre mondiale, les rédactions régionales de France 3 ont réalisé une série de reportages sur la Première Guerre mondiale. C’est un épisode de cette série que France 3 Champagne-Ardenne nous propose ici : la première Bataille de la Marne en septembre 1914. Les reportages sont tous construits sur le même modèle : on part d’un lieu de mémoire pour raconter ce qui s’est passé. Ils alternent donc entre images actuelles et images d’archives, issues du Service cinématographique des armées, et permettent de s’immerger dans la guerre.
Le journaliste nous emmène cette fois à Mondement-Montgivroux, au sud-ouest de la Marne. C’est là qu’a été érigé dans les années 1930 le Monument national de la victoire de la Marne. Le monument lui-même est une borne de 35 mètres de haut, en béton teinté de rose et recouvert d’éléments décoratifs qui permettent de connaître la bataille : on y a une fresque des généraux dirigeant les armées françaises et anglaises, avec au centre le maréchal Joffre, le vainqueur de la Marne, plusieurs inscriptions qui jalonnent l’histoire de la bataille, dont le célèbre ordre du jour du maréchal le 6 septembre et les noms et lieux de combats des unités. Qu’est-ce que la première Bataille de la Marne nous apprend de la Première Guerre mondiale ?
Au travers du reportage, plusieurs éléments peuvent être mis en avant qui donnent à connaître la guerre.
Les images permettent de s’arrêter sur les formes de la guerre avec un passage très net entre le début et la fin du reportage de la guerre de mouvement (des images d’offensives de fantassins allemands) à la guerre de tranchées dont les prémices se font jour dès la fin de l’été 1914. On comprend que le changement de stratégie est largement improvisé : les soldats ne sont pas du tout équipés pour creuser les premières tranchées que les images montrent et celles-ci, une fois creusées, sont des plus rudimentaires, simples fossés de terre nue.
On voit aussi l’équipement des soldats et nombre d’images montrent des effectifs très élevés. On voit ainsi que l’on est encore dans une guerre où la question des effectifs prime sur celle des moyens avec une mobilisation massive d’hommes (8 millions de Français sont ainsi mobilisé durant la guerre), équipés pour l’essentiel d’un fusil (le fameux Lebel pour les Français, dont on ne voit pas la baïonnette, une arme qui prendra toute son importance dans les combats des tranchées).
A l’équipement individuel des soldats, les images permettent d’ajouter le mortier et le canon. Les quelques canons montrés sont de petite taille, du type canon de 75 (75 millimètres : le diamètre de l’obus), soit une artillerie de campagne, mobile et donc adaptée à la guerre de mouvement de l’été 14.
L’importance du commandement dans la guerre est notable au travers de la représentation de l'État-major français sur le monument de Mondement, mais aussi sur les images d’un défilé devant le maréchal Joffre. C’est en effet lui qui est passé à l’Histoire comme le vainqueur de la Marne. Chef d’État-major à la veille d’une guerre, il est donc chargé de mettre en œuvre le plan XVII, un échec total, et celui qui sauve de justesse la France sur la Marne, en partie du fait des atermoiements allemands. Si la mémoire nationale fait de lui un héros de la Marne, elle est plus discrète sur la suite de sa carrière militaire : il perd son commandement en 1916 face à l’impasse de la guerre de position et des grandes offensives aussi meurtrières qu’inefficaces. Il est ainsi associé au sacrifice inutile de centaines de milliers de soldats, dont la vie semble lui avoir été peu précieuse.
Le reportage donne enfin à réfléchir sur la mémoire de la guerre. A Mondement, il s’agit de mémoire nationale : on y célèbre un lieu où s’est joué un peu de l’Histoire nationale et on y héroïse un homme comme un sauveur, une figure classique de l’histoire des nations. A l’inverse, la place des simples soldats semble peu importante dans ce lieu de mémoire.