Conférence de presse après le sommet européen de Fontainebleau

26 juin 1984
05m 59s
Réf. 00042

Notice

Résumé :
A l’issue du sommet européen de Fontainebleau, qui se tient du 25 au 26 juin 1984, François Mitterrand évoque les mesures adoptées pour mettre fin au problème de la contribution britannique à la Communauté.
Type de média :
Date de diffusion :
26 juin 1984
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Éclairage

Le sommet européen de Fontainebleau, qui se tient les 25 et 26 juin 1984, est un moment crucial dans l’histoire de la construction européenne. A cette occasion, les Dix trouvent enfin la solution à un problème qui hante la Communauté depuis le milieu des années 1970 et qui en bloque tout développement vers un approfondissement ultérieur des politiques communautaires : celui de la contribution britannique, aussi connu comme "l’affaire du chèque britannique" ou encore le contentieux agro-budgétaire.

Cette dernière définition est particulièrement intéressante pour mettre en évidence le nœud de la question. Sur la base de la politique communautaire relative aux ressources propres, chaque État a le devoir de verser une contribution, qui servira à financer les politiques de la CEE, et le droit de recevoir une indemnisation à la contribution versée, si à la fin de l’exercice budgétaire il reste un excédent. Depuis son entrée dans la Communauté en 1973, Londres constate une discordance excessive entre sa contribution et les bénéfices qu’elle reçoit des politiques communautaires. Surtout, elle ne s’estime pas assez indemnisée par la redistribution de l’excédent qui est faite à la fin de chaque exercice. D’où la demande de revoir à la baisse la contribution initiale. « I want my money back » dit Margaret Thatcher le 30 novembre 1979, juste après le sommet européen de Dublin, le deuxième auquel elle participe.

Certes, il ne faut pas non plus réduire la question du « chèque britannique » à la seule question de la contribution de la Grande-Bretagne à la Communauté. Par sa requête, Londres entend lancer avant tout une révision de la politique de gestion du budget communautaire, ce qui se transforme rapidement en une critique adressée aux tenants de la PAC car elle absorbe la plus grosse partie des dépenses du budget. Ainsi, plusieurs Conseils européens sont consacrés à ce problème, comme le rappelle François Mitterrand dans sa conférence de presse : Stuttgart (17-19 juin 1983), Athènes (4-6 décembre 1983) et Bruxelles (19-20 mars 1984) n’avaient été que les derniers, tous permettant des petites avancées, mais pas de nature à exaucer les requêtes de la Dame de Fer.

Fontainebleau est alors la dernière chance pour en finir avec cette question et lancer après, avec ou sans la Grande-Bretagne, des projets bien plus ambitieux voués à la mise en place d’une véritable intégration politique européenne.
Ilaria Parisi

Transcription

François Mitterrand
D’abord, nous avons examiné la situation internationale, cela a occupé l’essentiel de la matinée d’hier, autour d’un rapport, celui de Madame Thatcher qui présidait la conférence de Londres qui réunissait les pays industrialisés, laquelle conférence avait traité de nombreux sujets d’ordre économiques, traité de certains problèmes politiques, en particulier dans les relations avec le tiers-monde. Et sur la base de cette relation faite par Madame Thatcher, quelques précisions ont été apportées par les autres participants, ils étaient quatre, plus le président de la Commission, donc cinq, de Londres, afin de connaître l’opinion des autres membres de la communauté qui n’étaient pas présents à Londres. Cela a donné l’objet à un certain nombre d’échanges de vues qui ont été utiles. J’ai également relaté ce qui me paraît devoir être l’essentiel de mon propre voyage en Union Soviétique. Après quoi, nous avons abordé les contentieux; on sait qu’il en restait, puisqu’à Bruxelles, la plupart avaient été résolus. Mais plusieurs avaient été tenus en l’état par la non résolution du problème communément appelé la contribution britannique. S’est ajoutée en cours de route une discussion sur une proposition allemande tendant à faire varier la TVA, pour la production agricole, de ce pays, j’entrerais, si vous voulez, dans le détail dans un instant. Sur la contribution britannique, la discussion a abouti à un accord; l’essentiel de cet accord, je vais vous le donner tout de suite. En 1984, un forfait d’un milliard d’écus, en 1985, ou à partir de 1985, un pourcentage sur le déficit britannique sans que soient décomptés les prélèvements agricoles et les droits de douane. Je ne sais si vous vous souvenez que ce débat avait déjà eu lieu à Bruxelles autour d’une somme totale estimée par le Royaume-Uni à deux milliards d’écus, et comprenant, comme c’était le cas depuis 1980, c’était l’accord de 1980, les droits de douane et les prélèvements agricoles. D’où un débat de fond qui s’était engagé déjà depuis quelques temps, un certain nombre de pays dont la France estimant qu’il s’agissait là de ressources communautaires qui n’avaient pas à être décomptées en plus de la TVA, elle, ressource nationale. Ce qui ramenait le total à quelque chose autour d’un milliard six cent millions, bien entendu, un pourcentage appliqué à une somme réduite ne donne pas le même résultat qu’un pourcentage appliqué à la somme totale. Donc, sans prélèvement, ni droit de douane. Ce pourcentage étant de 66%. Vous savez que les demandes initiales étaient, comme il convient dans toute discussion, nettement plus élevées, et que finalement, on en est arrivé à une donnée qui nous laisse treize ans de ça; des accords initiaux de 1980 qui aboutissent, parce que chacun y a mis du sien, à une somme jugée raisonnable par l’unanimité de la conférence. Une telle décision comporte diverses conséquences, en particulier, elle débloque le problème des ressources propres. L’augmentation des ressources propres à 1,4 est donc non pas décidée, c’était fait à Bruxelles, mais peut désormais entrer en application en 1986, mais la décision a désormais le champ libre. En même temps, elle débloque les sommes accordées à la Grande-Bretagne à Stuttgart, c’était, je crois, 750 millions d’écus. Bref, le paquet, le fameux paquet dont on avait commencé à parler à Stuttgart est désormais entièrement dénoué, et tous les objets, et toutes les parties comprises dans ce paquet sont désormais acquises. Il n’y a pas une seule des questions ébauchées à Stuttgart, étudiées à Athènes, débloquées pour partie à Bruxelles qui reste aujourd’hui à discuter, tout a été décidé sur tous les points. Il s’était greffé, vous ai-je dit, une discussion sur une proposition allemande, cette proposition allemande tendait à une compensation, une compensation nationale.