Assises du cinéma à Hyères

21 juin 1980
02m 10s
Réf. 00203

Notice

Résumé :
Jack Lang organise des Assises Européennes du cinéma à Hyères afin de rapprocher François Mitterrand des professionnels du cinéma.
Date de diffusion :
21 juin 1980
Source :
TF1 (Collection: JT 13H )

Éclairage

En 1979, au congrès de Metz, Jack Lang est désigné délégué à la culture du Parti socialiste. Il a plusieurs missions. Il doit élaborer le programme culturel du futur candidat des socialistes. Il doit aussi rajeunir l'image du Parti et rapprocher François Mitterrand des créateurs, jusqu'alors davantage tournés vers le Parti communiste.

Jack Lang organise alors plusieurs rencontres entre socialistes et artistes, comme les Assises Européennes pour le cinéma et l'image à Hyères en juin 1980. Ces Assises permettent de réunir pendant trois jours, socialistes et professionnels du cinéma issus de 11 pays européens. Le sud-est de la France sert d'écrin de luxe à cette rencontre (soleil, jardin, lunettes de soleil, cocktails). Des réalisateurs sont conviés : Marguerite Duras (India Song), Marco Ferreri (La Grande bouffe), Joris Ivens (Les 400 Millions). Des interprètes sont également présents : Daniel Gelin (Rendez-vous de Juillet), Nicole Garcia (Le Cavaleur), Bulle Ogier (L'Amour fou), Laura Betti (Théorème). Des personnalités proches du cinéma sont également invitées : Georges Kiejman (avocat des Cahiers du cinéma et de la Nouvelle vague), Paul Guimard (écrivain), Marie Cardinal (écrivaine), Alain Bombard (série télévisée Au-delà de l'horizon), Henri Laborit (dont les travaux ont inspiré Mon oncle d'Amérique de Resnais).

François Mitterrand présente sa vision d'une politique culturelle appliquée au cinéma. Cette politique passe par un renforcement du rôle de l'État, des modifications des systèmes d'aides, l'amélioration des relations entre le cinéma et la télévision, le contrôle du prix des places [1]. François Mitterrand se pose ici en rupture avec la politique culturelle de ses prédécesseurs. En effet, depuis André Malraux, le Ministère de la Culture cherche avant tout à démocratiser l'accès à la culture. Or, cette politique ne semble pas avoir obtenu les résultats escomptés : les investissements semblent toujours bénéficier plus aux catégories sociales favorisées qu'aux défavorisées. Malgré l'attachement de nombreux acteurs du secteur à cet idéal de démocratisation, François Mitterrand, sur les conseils de Jack Lang, axe sa politique sur la réconciliation entre culture et économie. Ils veulent développer des industries culturelles capables de faire face, selon François Mitterrand (cité par le journaliste), "aux lois implacables du capitalisme multinational". Ils voient dans la culture, un secteur créateur d'emplois afin de faire face à la crise économique.

Enfin, François Mitterrand dénonce la domination culturelle américaine et les pressions européennes pour une suppression des aides nationales au cinéma. Ces pressions internationales, venues d'institutions qui cherchent à imposer le libre-échange (GATT, CEE), obligent la France à développer un nouvel argument : "l'exception culturelle française". Cette expression sert de slogan au pouvoir socialiste afin de défendre l'intervention de l'Etat dans le secteur culturel. Ce slogan va souvent de pair avec l'idée que "la culture n'est pas un produit comme les autres", chère à Jack Lang. Après plusieurs contentieux, la Cour de Justice des Communautés Européennes arbitre en faveur de la législation française. Jack Lang cherche alors à promouvoir le modèle français en Europe.

[1] Jean-François Polo, "La politique cinématographique de Jack Lang. De la réhabilitation des industries culturelles à la proclamation de l'exception culturelle", Revue Politix, n°61, pp. 123-149, 2003. Consultable en ligne sur le site Persée.
Félix Paties

Transcription

Jean-Claude Bourret
François Mitterrand a ouvert à Hyères les assises européennes du cinéma, un colloque de trois jours entre responsables politiques de Gauche et personnalités du cinéma. Ce colloque devrait déboucher sur l’adoption d’une charte européenne de l’image qui sera transmise aux différents parlements et au Parlement Européen, un reportage de Bruno Masure.
Bruno Masure
La politique et le cinéma, deux mondes qui se croisent parfois mais se rencontrent rarement. Et c’est pour prendre le temps d’un véritable échange constructif que Jack Lang, le délégué du PS à la culture a invité autour de responsables politiques de la Gauche européenne un certain nombre de têtes du septième art. Des réalisateurs, Marguerite Duras, Marco Ferreri, Joris Ivens ; des interprètes, Daniel Gélin, Nicole Garcia, Bulle Ogier, Laura Betti ; mais aussi des personnalités aux lisières du cinéma. Juriste, Georges Kiejman, écrivains, Paul Guimard, Marie Cardinal ou des scientifiques Alain Bombard ou le Professeur Laborit. Objet de cette rencontre, organiser la bataille pour sauvegarder et renouveler chaque patrimoine culturel, lutter contre l’effet Goldorak . Sur l’échiquier mondial, le cinéma américain est le roi, les cinémas européens ont de plus en plus l’impression d’être de simples pions ballotés par les grandes sociétés internationales de production et de distribution. Le Septième Art est une industrie et donc soumise comme telle, estime François Mitterrand, aux lois implacables du capitalisme multinational ; la patrie de Méliès ou des frères Lumière ne doit pas devenir une colonie américaine.
François Mitterrand
Je ressens très profondément le besoin de contribuer au développement d’un cinéma français. Qui mérite ce titre, il y en a bien un, mais il est pour l’instant tenu en lisière par des productions étrangères. Moi, je suis naturellement pour les échanges internationaux, je crois qu’il faut sauver le cinéma français.
Bruno Masure
Ces débats studieux vont s’achever dimanche par l’adoption d’une charte européenne de l’image qui fera aux autorités politiques un certain nombre de propositions concrètes afin de préserver l’identité culturelle du cinéma européen. On connaît depuis quelques années l’Europe verte, on connaîtra peut-être bientôt l’Europe en technicolor.