Les Huguenots de Metz et la révocation de l’édit de Nantes en 1685
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La communauté protestante de Metz, importante au XVIIe siècle, a dû choisir entre la conversion, le « désert » ou l’exil au moment de la révocation de l’édit de Nantes en 1685. Une grande partie d’entre eux est partie vers Berlin où ils ont joué un rôle majeur dans l’essor de la ville.
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Date de publication du document :
08 déc. 2021
Date de diffusion :
28 févr. 2007
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Contexte historique
ParProfesseur agrégé d’histoire au Lycée international Jeanne-d’Arc, Nancy
Après les guerres de religion (1562-1598), l’édit de Nantes de 1598, signé par Henri IV, avait permis une coexistence entre les confessions catholique et protestante (essentiellement calviniste ou « réformée ») dans le royaume de France. Au cours du XVIIe siècle, Louis XIII puis Louis XIV allaient mener une politique de remise en cause de cet édit, en lien avec l’affirmation de leur pouvoir. Avant même la révocation, de nombreuses mesures restreignent la liberté de culte. Pour forcer les conversions, la monarchie décide d’organiser dans les terres où les protestants sont nombreux des « dragonnades » (Poitou, Languedoc, Normandie, Dauphiné). Les habitants doivent héberger chez eux des soldats, les dragons, qui ont le pouvoir de les soumettre à toutes les brimades et humiliations jusqu’à leur abjuration. Beaucoup cèdent. Autre mesure décidée en 1681, la possibilité pour les enfants de protestants de se convertir au catholicisme dès 7 ans, considéré comme « l’âge de raison ». Il s’agit de détacher les enfants de leurs parents protestants.
Enfin en 1685, Louis XIV signe à Fontainebleau l’édit qui révoque celui de Nantes. Les protestants (ceux de la « religion prétendue réformée » pour reprendre la terminologie officielle), n’ont plus le droit de pratiquer leur religion. Ils doivent se convertir au catholicisme ou être condamnés aux galères. L’exil est interdit. Tous ceux qui vont fuir les persécutions le feront donc de manière clandestine vers de nombreuses destinations (Angleterre, Provinces Unies, Empire germanique, sud de l’Afrique, Amérique). Seuls les pasteurs, dont l’autorité est crainte par le pouvoir royal, doivent quitter le royaume. Après 1685, les protestants qui souhaitent continuer à pratiquer leur foi dans le royaume de France le font donc secrètement. C’est l’époque dite du « désert ». Les cultes sont célébrés en cachette en plein air comme dans les Cévennes.
La ville de Metz a été arrachée à l’Empire depuis 1552 (en même temps que les deux autres évêchés de Toul et Verdun) dans un Duché de Lorraine toujours indépendant. Cette conquête a été reconnue en 1648 lors de la paix de Westphalie qui met fin à la guerre de Trente-ans. Une importante communauté protestante calviniste vit à Metz et ses environs (Courcelles, Montoy) avant la révocation. Elle s’est développée dès le milieu du XVIe siècle grâce notamment à Guillaume Farel (1489-1565), figure majeure de la réforme francophone. La ville compte un pasteur calviniste dès 1558. La nouveauté de la domination française à Metz y incite les autorités à une certaine prudence vis-à-vis des protestants. Le charisme de certains des pasteurs messins contribue au rayonnement de la communauté protestante de la ville. Au milieu du XVIIe siècle, le pasteur Paul Ferry (1591-1669) dialogue par écrit avec un jeune prêtre local du nom de Bossuet, futur évêque de Meaux. Un autre pasteur, David Ancillon (1617-1692), mène la controverse de vive voix contre les réformateurs catholiques inspirés par le concile de Trente (1545-1563).
Malgré tout, la communauté protestante messine est considérablement moins nombreuse à la veille de la révocation qu’en 1630. Elle est passée d’un tiers à un cinquième de la population, en raison des persécutions ayant entrainé des conversions, et des maladies. Dès la révocation d’octobre 1685, le temple de Metz est détruit. Mais les dragonnades n’y frappent les protestants qu’en août 1686. Elles poussent ceux qu’on appelait, au départ péjorativement, les Huguenots à s’exiler, solution facilitée par la proximité des Etats allemands. 70 % vont partir, en majorité vers Berlin et le Brandebourg mais aussi vers la Hesse-Cassel. En 1700, les Huguenots (dont ¼ de Messins) constituent ¼ de la population du « refuge » berlinois. En tout, 170 à 200 000 protestants (soit 1% de la population totale mais ¼ des calvinistes) quittent alors le royaume de France.
Éclairage média
ParProfesseur agrégé d’histoire au Lycée international Jeanne-d’Arc, Nancy
Le reportage est réalisé à l’occasion de l’exposition organisée en 2006-2007 à Metz : « Huguenots. De la Moselle à Berlin, les chemins de l’exil ». Cette exposition a été coproduite par le Musée historique allemand (DHM) de Berlin et le conseil général de la Moselle. Elle se déroule dans un lieu symbolique, que l’on aperçoit au début et à la fin du sujet, le Temple Neuf réformé, construit en style néo-roman à l’instigation de Guillaume II en 1901-1905, lors de l’annexion, époque où le protestantisme a retrouvé droit de cité.
Le propos est centré sur les quelques mois qui entourent la révocation de 1685. La récente intégration de la ville au royaume de France est avancée pour expliquer la relative prudence des autorités vis-à-vis de la ville, dont une partie importante de la population est protestante. Le nombre de protestants de Metz est estimé à 4500 à la veille de la révocation. Le caractère forcé et contraint des 1200 conversions qui s’opèrent à partir d’août 1686 est illustré par la mention des dragonnades. Précisons que les dragons sont déjà à l’œuvre dans le reste du royaume dès 1681. Ces dragonnades conduisent les Huguenots à devoir choisir entre plusieurs options très difficiles : conversion, rameur sur les galères ou exil. Elisabeth Gagne, chef de projet de l’exposition, évoque le « désert » dans les Cévennes et à Ludweiler, aujourd’hui en Sarre. Ce village, peuplé de calvinistes français dans les décennies précédentes, a en effet servi de lieu de rassemblement secret après 1685 pour les protestants messins qui souhaitaient continuer à pratiquer leur foi sans quitter définitivement la ville. Un sentier des Huguenots a été inauguré en 1994 entre Courcelles, village protestant à l’est de Metz, et Ludweiler. L’exil vers Berlin et le Brandebourg, qui constituent un aspect important de l’exposition insistant sur l’importance de l’apport des Huguenots à l’essor de la ville, est rapidement évoqué. Le nom du pasteur David Ancillon est mentionné. Son installation à Berlin a sans doute joué un rôle déterminant dans l’importance de cette destination parmi les Huguenots messins.
De nombreuses images et objets issus de l’exposition illustrent le propos. Elles sont parfois en concordance avec les faits évoqués mais doivent être remises en contexte. La plupart d’entre elles n’ont néanmoins pas de rapport direct avec ce qui est dit par la journaliste. Les dragonnades sont ainsi illustrées par un détail de l’œuvre de François Dubois intitulée « Le Massacre de la Saint-Barthélemy », réalisée un siècle plus tôt. L’exil est abordé par une image montrant une assemblée du « désert » dans la région de Nîmes en 1780-1785. On peut en revanche utilement faire usage de certaines images comme le plan de Metz de 1645 de Jean Boisseau qui montre le cimetière protestant près de la tour au diable et de la porte Sainte-Barbe. Les bibles montrées sont nombreuses, permettant de rappeler la centralité des textes traduits dans les langues vernaculaires au sein du protestantisme. L’une d’entre elles, une « bible de chignon » que les femmes cachaient dans leur chevelure, insiste sur cet aspect au temps des persécutions et du « désert ». L’un des aspects qui distinguaient alors protestants et catholiques était l’interdiction pour ces derniers, lorsqu’ils n’étaient pas prêtres, d’accéder directement au texte biblique dans leur langue. Lire la bible traduite en français trahissait donc une pratique protestante.
Enfin le tableau représentant l’abjuration d’Henri IV à Saint-Denis en 1593, qui sert d’arrière-plan à l’interview d’Elisabeth Gagne, peut permettre de faire le lien avec la fin des guerres de religion. Ainsi le document aborde à la fois les réformes protestantes et catholique et l’affirmation de l’Etat et du pouvoir monarchique en France en lien avec les conflits religieux.
Transcription
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