Les risques miniers : la prise en compte des victimes des affaissements miniers d’Auboué et de Moutiers
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Les affaissements miniers dont la commune de Moutiers a été victime en 1996 constituent une catastrophe à plusieurs titres : la destruction ou l’affaiblissement de près de 20 % des maisons mais aussi les problèmes juridiques et la question plus large des risques miniers liés à l’arrêt de l’exploitation minière en Lorraine interpellent les élus locaux et poussent l’Etat, par l’entremise de Christian Pierret, à intervenir au Parlement. Les risques industriels, et en particuliers miniers, sont au cœur des préoccupations des anciens bassins ferrifères lorrains, à mesure que les catastrophes se succèdent.
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Date de publication du document :
11 mai 2021
Date de diffusion :
27 janv. 1998
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Le bassin ferrifère de Lorraine se situe essentiellement à l’Ouest d’une ligne Thionville-Metz-Nancy et couvre plus de 2 545 km2 de surface. Le minerai de fer y est exploité de manière industrielle depuis le début du XIXe siècle jusqu’à 1997 avec la fermeture de la mine des Terres Rouges à Audun-le-Tiche. 252 concessions avaient permis d’exploiter la « minette » de Lorraine, un minerai dont la teneur en fer est relativement faible. Pour des raisons techniques et économiques, seules deux couches étaient exploitées. Pendant l’exploitation, mais plus encore depuis la fin de l’exploitation, les risques miniers se sont accrus. Les 40 000 km de galeries creusées à différentes strates du sous-sol ont créé un vide résiduel estimé à 500 millions de m3.
Avec la mondialisation et la crise industrielle engagée dès les années 1970, l’exploitation des mines est progressivement devenue de moins en moins rentable en Europe pour les compagnies minières. L’activité de nombreuses communes minières mais aussi leur organisation sociale (forte présence de logements miniers) s’est trouvée profondément perturbée par l’arrêt de l’exploitation et le désengagement voire la disparition des compagnies minières. Après plusieurs catastrophes, devant les problèmes juridiques et politiques posés mais également la présence d’un aléa toujours important, Christian Pierret, secrétaire d’Etat à l’industrie, a été chargé en 1997 d’apporter une réponse politique aux préoccupations et aux enjeux liés aux risque miniers.
Les risques industriels, liés aux activités humaines, sont apparus récemment en comparaison aux risques naturels. Ils sont la combinaison d’un aléa (probabilité qu’un évènement surgisse) et d’une vulnérabilité (liée en grande partie à la présence humaine) et se mesure en terme d’enjeu. Parmi les risques industriels, les risques miniers sont une catégorie à part. Souvent pensés le temps de l’exploitation (risques d’effondrement, coups de grisou…), les aléas se sont transformés avec l’arrêt de l’exploitation minière et provoquent de nouveaux risques qui posent la question des responsabilité et l’enjeu de la sécurité collective.
Les risques miniers posent aujourd’hui d’importants problèmes en raison de la nature du sol plus ou moins meuble, du vieillissement des piliers résiduels (dont la capacité de résistance a été sous-estimée), de la technique d’exploitation de mines et la qualité des foudroyages (exploitation totale du minerai à l’aide d’un coffrage marchant) mais aussi en raison de l’ennoyage des mines par la remontée des nappes phréatiques dont l’eau fragilise les piliers.
Plusieurs phénomènes miniers peuvent alors apparaître : un phénomène d’affaissement progressif souvent lié à des techniques de foudroyage (comme c’est le cas à Jarny dès 1932, à Crusnes en 1977 ou à Auboué et Moutiers en 1996-1997), un phénomène de fontis avec l’apparition d’un trou en forme d’entonnoir (comme à Moyeuvre-Grande en 1998 et 2002), un phénomène d’effondrement brutal (comme à Audun-le-Tiche en 1902, Escherange en 1919 ou Rochonvillers en 1974), enfin des mouvements résiduels avec de petites mouvements de terrain.
Les risques d’affaissements miniers existent depuis les débuts de l’extraction minière et la prise en compte du risque est ancienne : inconstructibilité sur des terrains dont les sous-sols ont un taux de défruitement dépassant 50 % et même dépassant 30% à partir de 1976, pompage des eaux d’exhaure pour limiter l’ennoyage. Toutefois, avec la désindustrialisation, les compagnies minières ont progressivement réduit puis stoppé l’entretien des mines, rendu ensuite impossible en raison de leur ennoyage.
Cependant, les catastrophes deviennent une affaire de l’Etat car se pose la question des responsabilités, en particulier avec l’arrêt de l’exploitation minière (entre 1964 et 1998 en Lorraine). A la fin de la production, l’exploitant doit rendre à l’Etat la concession du sous-sol qui lui a été concédée, le processus se terminant par la promulgation d’un arrêté ministériel de fin d’exploitation soustrayant à l’exploitant la responsabilité des dégâts causés par les désordres du sous-sol. Or, lors des évènements d’Auboué et de Moutiers, l’arrêté ministériel de cessation des mines exploitées par la société Loremines n’avait pas encore été pris, ce qui créait une incertitude juridique : l’exploitation s’estimait dégagé de ses responsabilités, l’Etat pas encore responsable.
Cette incertitude, et la mobilisation au moment de ces affaissements, conduit au vote d’une loi de compromis en 1999 : l’exploitant restant responsable des dégâts du sous-sol mais l’Etat se chargeant de l’indemnisation des victimes potentielles. Cette loi déboucha également sur la mise en place de PPRM (Plans de Prévention des Risques Miniers) qui visent à mieux connaître l’aléa, la vulnérabilité et ainsi réduire les risques miniers dans les régions concernées.
Éclairage média
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Diffusé le 27 janvier 1998 au journal télévisé de France 3 Lorraine, le reportage fait écho à une annonce politique que Christian Pierret (secrétaire d’Etat à l’industrie du gouvernement Jospin et conseiller régional de Lorraine depuis 1998) doit faire au Conseil des Ministres préparant la réalisation d’un projet de loi pour réglementer les problèmes juridiques liés aux effets des affaissements miniers d’Auboué et Moutiers en Meurthe-et-Moselle.
Le reportage commence par des représentations traditionnelles du passé minier de Moutiers (wagonnet de mine, statue de mineur…) évoquées comme consubstantielles à l’existence de cette commune. Cependant, l’image suivante présente un café de la commune, volets fermés, barrières de sécurité enserrant une partie du bâtiment avec un zoom assez large sur une fissure qui explique les mesures de précaution et l’abandon de ce lieu de vie. Tout cela permet de faire le lien entre la présence des mines et les fissures touchant le bâtiment. Un affaissement a touché certaines parties de la commune en 1997 et l’interview du maire de Moutiers, Monette Cascinelli (maire de 1996 à 2008) permet d’entrevoir les difficultés de l’après-mine et des risques miniers. Elle décrit un processus long et perçu comme lent dû aux expertises mais aussi à l’ampleur des dégâts (143 maisons touchées) et l’état d’esprit de la population qui prend conscience de l’impact sur leurs vies de ce phénomène d’affaissement : 20% des maisons ne pourront pas être reconstruites, 10 familles déjà évacuées.
Le reportage met en parallèle cette situation à celle d’Auboué, commune limitrophe de Moutiers, qui a connu un affaissement minier un an auparavant en 1996. Les images d’archives laissent entrevoir l’évacuation en urgence de certaines maisons avec la présence de pompiers et d’hommes portant des casques de protection. Une rue entière composée de cités minières volets fermés semble touchée et évacuée avec la présence de camions de déménagement tout au long de la rue. 82 familles avaient alors dû être relogées. Le parallèle sert également à expliquer que deux ans après l’affaissement, 90% des dossiers ont été traités en indiquant les problèmes qui ont pu freiner le processus : responsabilités (entre exploitant et Etat), clauses de vente, reconstruction, aménagement du territoire. En effet, en plus des enjeux liés aux responsabilités, la question du logement minier pèse sur le règlement des indemnités. Le statut du mineur de 1946 instituait le logement gratuit aux mineurs actifs et retraités (art. 23). La fin de l’exploitation a amené les compagnies minières à vendre leur patrimoine immobilier, celles-ci revendant les logements miniers à leurs occupants à faible coût. Mais jusqu’en 1994, les contrats de vente incluaient une clause de non responsabilité des propriétaires-exploitants en cas de désordres liés à des mouvements du sol ou du sous-sol. Cette clause restrictive rendait d’autant plus compliquée l’indemnisation des victimes devenues propriétaires de ces logements miniers.
C’est pourquoi, face aux difficultés d’indemnisation des victimes, 90 communes concernées par le risque des bassins miniers (sel, mines, charbon) de Lorraine, ont alors créé un Collectif présidé par Colette Goeuriot, députée communiste et maire de Joeuf qui a permis une plus grande publicité des problèmes liés à l’insécurité juridique qui touchent les victimes et risques qui concernent près de 230 000 habitants. Son interview a pour but de présenter les attentes du collectif en termes d’information des populations mais aussi réclame la mise en place d’un plan de prévention des risques afin de limiter la vulnérabilité aux risques. Il se mobilise également pour l’indemnisation totale des victimes (particuliers et communes). Cette demande semble avoir porté ses fruits avec l’annonce de l’intervention de Christian Pierret au conseil des Ministres et les cinq projets de lois proposés à la lecture des deux assemblées ce qui aboutit à la loi de 1999 réglant les questions d’indemnisation, de responsabilités mais gelant toute construction dans ce communes.
Aujourd’hui, le problème des affaissements miniers n’est pas entièrement résolu. Si le Collectif a pu mettre à son crédit les avancées qu’il a pu pousser à apporter, le problème de la cartographie des espaces à risques fait toujours débat. En effet, la difficulté de mesurer les aléas par la DRIRE (Direction Régionale de l’Industrie, de la Recherche et de l’Environnement) à partir des dossiers d’arrêt d’exploitation pose des problèmes en raison de l’inaccessibilité de certaines chambres ou de leur ennoyage qui ne permettent pas de mesurer l’état des piliers. Certaines rues d’Auboué (rue de Metz et de Coinville) qui ont été touchées par l’affaissement de 1996 ont ainsi progressivement été déclassées pour être placées dans la catégorie « hors risque minier » et les constructions ont pu reprendre par l’attrait de terrains à faibles coûts. Dans le même temps, à Moutiers, 87 maisons intactes ont été démolies en raison d’un risque avéré d’effondrement brutal.
Transcription
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