Stocamine : le risque industriel et ses enjeux
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Résumé
Stocamine est une filiale de la société des Mines de Potasse d’Alsace qui a stocké des déchets toxiques dans l’ancienne mine de sel de Wittelsheim entre 1999 et 2002. Un incendie, qui a duré deux mois en 2002, a révélé des insuffisances dans la gestion des risques et malgré la condamnation du directeur en 2009, l’inquiétude des riverains pour leur cadre de vie demeure. Ils exigent la fermeture du site.
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Date de publication du document :
08 déc. 2021
Date de diffusion :
18 avr. 2018
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L’histoire de Stocamine, filiale de la société des Mines de Potasse d’Alsace (MDPA) interpelle sur le rapport des sociétés à leur environnement.
Cette enquête concerne d’abord la reconversion des vieux foyers industriels. Le site est une ancienne mine du bassin potassique alsacien exploitant de la potasse, du brome et du sel gemme de 600 à 1150 m de profondeur. Ce gisement découvert en 1904 à Wittelsheim permit l’exploitation d’un bassin de 203 km² dès 1910. De 1945 à 2002 les MDPA employèrent jusqu’à 9 000 personnes. Plus de 68 millions de T furent extraites (1912-86), produisant des engrais chimiques pour l’agriculture. Chaque puits ouvrait sur un réseau de galeries en forme de grille, ce qui permit de transformer rapidement ce site en centre d’enfouissement technique (CET).
Le développement industriel est aussi vecteur de risques. Les accidents d’AZF à Toulouse (2001) ou de Lubrizol à Rouen (2019) renvoient à la vulnérabilité des territoires face aux aléas et aux catastrophes industrielles. Des mesures de prévention existent comme la directive européenne Seveso (1982-2012) sur les sites industriels dangereux. Stocamine permet d’interroger la sécurité des sites de matières toxiques. Ce CET fut créé en 1991 à Wittelsheim pour stocker des déchets ultimes de classe 1 et 0 hautement toxiques impossibles à inerter. Ce type d’enfouissement était réversible. 42 011 T des déchets conditionnés en fûts métalliques et big bags furent acheminées dans les galeries (1999-2002).
La gestion des risques s’orienta sur la prévention de la population dans la presse locale et la présence du personnel et de pompiers. L’accident de 2002, un incendie de déchets toxiques durant près de 2 mois, montre les limites de ces stratégies. Les employés qui tentèrent de maîtriser l’incendie sans équipement adapté furent exposés à des émanations toxiques. L'évacuation de la mine fut décidée.
Des protocoles établis par les pouvoirs publics et les entreprises doivent prévoir les réactions face aux catastrophes, de l’intervention de la sécurité civile à l’évacuation de la population. Ainsi, le préfet déclencha le plan Dicamine le 10 septembre par l’intervention de 10 pompiers spécialisés, 10 sauveteurs des HBL et une surveillance par caméras thermiques. Malgré l’inefficacité des lances à incendie des pompiers, 3 barrages permirent d’étouffer le feu qui ne fut maîtrisé que le 21 novembre. La combustion avait endommagé les galeries, produit des émanations toxiques et pollué les sols (dioxines).
Cette catastrophe industrielle était évitable. Le bloc incendié était réservé aux matériaux incombustibles et l’erreur humaine fut prouvée : 450 T de produits phytosanitaires venant d’un entrepôt incendié de l’entreprise Solupack (pesticides, engrais agricoles) s’y trouvaient. Le procès de 2009 prouva la responsabilité du directeur qui connaissait ces anomalies. Le site ferma en 2004. Un suivi basé sur des études (2008-12) décidèrent les autorités à un retrait partiel pour préserver la nappe phréatique d’Alsace. Un budget de 100 millions d’euros fut dégagé pour l’enfouissement définitif, le scellement et la surveillance du site.
Les dégâts environnementaux posés par cette catastrophe interrogent sur la protection des espaces anthropisés. Les acteurs de l’aménagement doivent prioriser la sécurité. Mais certains choix créent des conflits d’usage et/ou environnementaux. A Wittelsheim, la mobilisation des collectifs de citoyens et des associations pour le déstockage total montre qu’ils veulent participer aux décisions. Mais les experts ont rejeté cette solution du fait des coûts et des risques pour le personnel. 93% des déchets mercurés furent néanmoins extraits. L’activité de Stocamine cessa en 2014 mais le site reste légalement utilisable, signe de la primauté des enjeux économiques. En 2018, N. Hulot, ministre de la transition écologique, demanda une étude pour un possible retrait restée sans suites. Les 42 000 T sont toujours enfouies…
Éclairage média
Par
Ce reportage de 2018 aborde des inquiétudes contemporaines à travers l’exemple de Stocamine. Le problème des déchets non recyclables d’origine industrielle ou nucléaire, est devenu une préoccupation environnementale majeure de nos sociétés.
Le principe de stockage de Wittelsheim s’inspire du site allemand d’Herfa-Neurode (Hessz), le plus grand d’Europe, dont les galeries forment des artères de stockage. Les images le montrent avec d’immenses galeries, une centaine au total, mesurant 5,5m de large, 2,8m de haut et 72 à 230m de long. On voit le stockage des déchets conditionnés en big bag ou fûts métalliques et leur transport sur palettes par des engins diesel. Néanmoins, les journalistes ne cherchent pas à vanter la sécurité du site : les gros plans sur des fûts toxiques rappellent que plus de la moitié des déchets sont dangereux dont 19 000 tonnes très dangereuses de classe 0 (sols pollués, pesticides, mercure, amiante). Ils y restent stockés malgré l’incendie de 2002.
C’est surtout l’inertie des pouvoirs publics qui est dénoncée. Le site choisi est contestable. Situé sur le rift rhénan, il présente des anomalies : risques d’éboulement, méthane (risque d’explosion), degré de géothermie trop élevé (55°C). L’air y est très sec (incendies) et toute fuite d’eau peut provoquer la corrosion des fûts (sel). Ce site exigeait des précautions drastiques.
Les CET accueillent des déchets de 4 classes dont les classes 2 et 3 relativement inoffensives (déchets inertes). Les classe 1 et 0 stockées à Wittelsheim étaient pour partie hautement toxiques. Le système fut sécurisé par des mesures de prévention. En 1996, les critères de stockage s’appuyèrent sur une étude de sécurité chimique doublée d’une étude d’impact. Le stockage souterrain profond garantissait la sûreté du site. La cohabitation entre des déchets pouvant générer des réactions chimiques fut interdite. Les déchets étaient préalablement analysés et leur traçabilité (cartographie et historique du stockage) permettait de les retrouver grâce à un échantillon-thèque. Mais cela n’empêcha pas l’accident…
La colère des citoyens se reflète au travers des fûts et sacs libellés danger toxique, mercure ou eau pure Stocamine exposés sur la voie publique. Ces habitants qui veulent être acteurs de l’aménagement veulent faire pression sur les autorités. Des collectifs (Déstocamine) ou des associations (Alsace Nature) militent pour la fermeture du site, mais en juin 2019 le Tribunal Administratif les a déboutées. Cela ne les arrête pas pour autant : 500 personnes ont défilé à Wittelsheim en novembre 2019, dont des opposants à l’enfouissement de déchets nucléaires à Bure. Une convergence des luttes pour l’environnement se dessine en France.
Enfin, le reportage interroge sur la mémoire du passé industriel alsacien. Les images récurrentes du chevalement rappellent celui de Wittenheim (65 m de haut) construit en 1958. Ces infrastructures témoignent ainsi de la renaissance alsacienne après-guerre. Les acteurs locaux veulent préserver ce patrimoine. A Wittenheim, l’Association pour la sauvegarde du chevalement Théodore a obtenu son classement aux monuments historiques depuis 1995. Il complète les deux terrils qui témoignent de l’ère minière. Un mémorial liste les noms de plus de 800 travailleurs décédés dans les mines. Mais ce passé est menacé. Les communes des vieux bassins miniers veulent faire disparaître les friches industrielles pour des considérations tant économiques qu’écologiques. Leur attractivité en dépend : à Wittenheim une coulée verte, un complexe commercial, un collège et des habitations ont effacé les friches industrielles.
Qu’en sera-t-il à Wittelsheim ? L’accident de 2002 a-t-il définitivement compromis le site ? Ce précédent ne cesse de nous rappeler que développement, environnement et mémoire ne font pas toujours bon ménage.
Transcription
(Cliquez sur le texte pour positionner la vidéo)
David Marcelin
Alors, pour bien comprendre pourquoi 40 000 tonnes de déchets ultimes sont encore enfouies dans des galeries de mines de potasse, à plusieurs centaines de mètres de profondeur, revenons sur l’histoire de ce site, avec Vincent Ballester.
Vincent Ballester
C’est en 1999 qu’un puits des mines de potasse est converti en site de stockage.Ici sont enfouis, ce qu’on appelle, des déchets ultimes.Dans ces sacs et fûts, des résidus qui ne peuvent plus être traités et contiennent parfois de l’amiante et du mercure.
(Bruit)
Vincent Ballester
3 ans plus tard en 2002, un incendie se déclare à 500 mètres sous terre.Il va durer deux mois et provoquer avec lui la fermeture du site et la fin des mines.A l’origine du sinistre, des déchets qui n’auraient jamais dû se trouver là.C’est pourquoi en 2009, la justice condamne le directeur du site pour non-respect de la réglementation.Se pose désormais la question de l’avenir des déchets.En novembre dernier, 2 300 tonnes des déchets mercuriels, les plus dangereux, sont retirés.Le Préfet considère alors que le confinement est possible, mais cette décision intermédiaire ne convainc pas et inquiète riverains et associations.
Inconnue
En plus, on va enfermer dans des barrages de béton cette bombe, alors ça va faire comme une cocotte-minute.
Vincent Ballester
Les opposants au confinement craignent une contamination de la nappe phréatique.Crainte entendue par Nicolas Hulot, qui vient d’ordonner une étude de faisabilité pour un déstockage.L’avenir des déchets de StocaMine n’est pas encore scellé.
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