Le PNR des Ballons des Vosges, laboratoire de développement durable

La politique de préservation des espaces naturels est récente en France. Il faut attendre la loi du 22 juillet 1960 pour que les premiers Parcs Nationaux voient le jour (Yellowstone, 1872) et un décret de 1967 aboutit à la création des Parcs Naturels Régionaux ou PNR dans une démarche de protection et de valorisation des milieux par une action sur l’aménagement du territoire. Leur fédération nationale créée en 1971 (présidée par un Lorrain, Michael Weber) rassemble 54 PNR en 2020 dont 6 en Grand Est.

Le PNR des Ballons des Vosges est piloté par un syndicat mixte composé de collectivités territoriales : communes, EPCI, villes-portes. Sa charte est valable 12 ans (jusqu’en 2027). Elle engage les signataires et est approuvée par la région, le principal financeur. Ce PNR fut créé à l’initiative des régions Grand Est et Bourgogne Franche-Comté (1989). C’est le plus grand de la région : il couvre 197 communes, 2921 km² et comptait 252 707 habitants en janvier 2018. 

Ses actions visent à la protection de l’environnement forestier (2/3 du territoire) et de la biodiversité (protection des espèces comme le Grand Tétras) pour limiter l’impact des activités humaines sur le milieu avec l’appui des départements, de la région et de l’UE (trame verte et bleue). On y trouve 22 sites Natura 2000. Les interventions paysagères corrigent les atteintes environnementales (restauration de la forêt mixte des versants). La politique de réouverture des paysages a ainsi éliminé la forêt de pins implantée après-guerre ("Schéma paysages et biodiversité" depuis 1995-96). 18 secteurs éco-paysagers sont concernés, en travaillant avec les communes ou les acteurs économiques locaux (agriculteurs, forestiers) pour préserver ce patrimoine paysager qui détermine l’identité locale. D’autres PNR mènent ce type d’actions (restaurations de cours d’eau ou de la forêt ripisylve dans les Vosges du Nord).

Le PNR a aussi une politique d’urbanisme pour juguler la pression urbaine dans les espaces ruraux. Il contrôle l’étalement urbain pour préserver les forêts. L’extension des stations de ski est limitée. Le parc a un rôle de conseil auprès des communes sur le plan architectural et favorise l’éco-rénovation (transition écologique : Maison de l’Habitat et de l’Energie en Déodatie).

La valorisation du territoire concilie protection et activités économiques. Comme bien des espaces ruraux, Le territoire du PNR a subi l’exode rural et une désertification. Les enjeux démographiques sont importants (maintien de la population, vieillissement). Le développement du territoire est donc capital. L’agriculture est soutenue, en particulier l’agriculture traditionnelle qui ménage le milieu et engage des mutations répondant aux nouvelles attentes des consommateurs (production sur des circuits courts, agriculture bio : éleveurs, filière bois). Un label "marques valeurs parc" appuie les entreprises engagées dans une démarche de développement durable : granit de La Bresse, eaux minérales de Wattwiller. Le maintien des activités et de la population s’appuie sur le tourisme (valorisation de la route des crêtes, patrimoine matériel et immatériel, 350 sites classés, réseau de musées, accompagnateurs "valeurs parc") qui permet une diversification des fonctions productives. L’écotourisme est encouragé et apporte un complément de revenus aux agriculteurs avec 47 fermes auberges tenues par des marcaires (éleveurs et fromagers).

Le PNR appuie aussi la création culturelle indispensable à la vie sociale (Théâtre du peuple de Bussang).  Enfin, il mène une action d’éducation au territoire avec des opérations auprès du grand public (rencontres citoyennes) et des projets avec l’Education Nationale (manger local).

Le PNR des Ballons des Vosges agit pour préserver l’environnement et pour faire de son territoire un espace de vie. Les actions menées sont essentielles mais elles se heurtent aux réalités économiques (financements limités pour un héritage pourtant indispensable).

Le reportage sur le PNR des Ballons des Vosges est un extrait d’un décrochement local de France 3 Lorraine du 23 mai 2016. Il s’adresse donc à un public régional qui s’informe sur l’actualité de son espace vécu.

Le sujet est construit à partir de deux exemples situés dans le PNR : la commune de La Grande Fosse et une ferme-auberge à Munster. Les témoignages d’acteurs locaux et de décideurs (élus, agriculteurs, directeur du PNR, Conseil Régional) permettent de cerner les actions du Parc avec des projets et réalisations concrètes en matière d’environnement, d’économie, d’urbanisme et d’éducation. Ces entrevues sont entrecoupées de vues panoramiques commentées qui mettent en valeur les paysages forestiers, montagneux et les activités (tourisme, agriculture, sports d’hiver). Elles permettent de découvrir les atouts de ce territoire pour ceux qui y vivent et pour ceux qui le visitent (gastronomie, randonnée, cyclotourisme).

Cependant, les enjeux et les difficultés à surmonter apparaissent au fil des témoignages. Ainsi, le territoire est confronté au risque de déprise agricole. Le maintien d’une agriculture traditionnelle dans son périmètre est difficile malgré l’action du PNR. Il doit aussi faire face aux pressions économiques. Il est difficile de concilier protection et développement des activités, notamment face aux velléités des stations de sports d’hiver qui souhaiteraient étendre leur domaine. Enfin, le PNR dispose de moyens financiers limités pour mener à bien ses missions multiples. La Région n’envisage pas de les augmenter et les projets de création de deux nouveaux PNR en Grand Est pourraient même diminuer les budgets et donc l’efficacité des actions entreprises.

Enfin, ces informations régionales s’inscrivent dans un contexte politique national. La loi du 16 janvier 2015 a procédé à un redécoupage des régions de 1972. La région Grand Est, née de la fusion des régions Alsace, Champagne-Ardenne et Lorraine, est un immense territoire de 57 433 km² et 5,5 millions d’habitants, s’étendant de l'Île-de-France à l’Allemagne. Le propos de France 3 est donc dans un premier temps de faire découvrir cette « nouvelle région » sur un plan purement informatif et s’inscrit vraisemblablement dans le cadre d’une série de reportages thématiques.

Cependant, la création du Grand Est a suscité nombreux débat sur les différences culturelles et socio-économiques entre ses territoires. Les résistances ont parfois été fortes en Alsace, territoire à forte identité, ses détracteurs les plus virulents considérant qu’il s’agissait d’une "construction artificielle". Par conséquent, la présentation du PNR des Ballons et l’évocation des 6 PNR de la région vise aussi à mettre en relief les atouts de tous les territoires régionaux. Le choix des PNR paraît donc judicieux, attractif et séduisant de par leur intérêt environnemental et 
patrimonial, afin de permettre à tous les habitants du Grand Est de s’approprier et de s’identifier à ce nouveau territoire.

Les 6 PNR du Grand Est ont un rôle fondamental à jouer dans la construction de cette « identité régionale » marquée par la diversité des paysages, des traditions et des activités.  Le 7 juin 2017, ils ont créé l’association des Parcs Naturels Régionaux du Grand Est. Cette association met en œuvre une coopération, les PNR travaillant de concert lors de séminaires inter-Parcs. Ils cherchent notamment à mobiliser des projets communs, non seulement dans le cadre de leurs missions, mais aussi dans le but d’aider les générations futures à mieux appréhender leur nouvelle région. Ils portent ainsi un programme d’échanges scolaires entre PNR du Grand Est afin que chacun puisse mieux se connaître, avec ses points communs et ses spécificités.

Échanger, protéger, développer, partager : les PNR ont un rôle important à jouer dans la construction d’une « identité Grand Est ».