Le viol est un crime ! Plaidoyer de Gisèle Halimi
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Résumé
Interview de Gisèle Halimi en 1977 lors du débat sur le statut du viol dans la justice française. L'avocate défend ses propositions de loi pour le requalifier et dénonce la campagne menée contre l'emprisonnement des violeurs alors même que les victimes, elles, sont anéanties.
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Date de publication du document :
01 déc. 2023
Date de diffusion :
26 mai 1977
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Contexte historique
ParProfesseure certifiée d'histoire-géographie au Lycée Marc Bloch de Bischheim
Publication : 01 déc. 2023
L’année où elle accorde cette interview, Gisèle Halimi (née en 1927 à Tunis et décédée à Paris en 2020) est déjà une figure en France. Avocate et militante féministe depuis la fin des années 1940, elle a remporté deux premiers procès fortement médiatisés en faveur de causes qu’elle a défendues toute sa vie : la dénonciation de la torture et du viol, la répression de l’avortement. Issue d’une modeste famille juive traditionnaliste, elle s'est engagée très tôt pour la défense des droits des femmes et a rapidement réalisé une carrière juridique lui permettant de mener son combat.
Ainsi, en pleine guerre d’Algérie (1954-1962), elle prend la défense de la jeune Djamila Boupacha, militante algérienne du Front de libération nationale (FLN), torturée et violée en détention par des soldats français. Avec la philosophe et romancière Simone de Beauvoir, elles médiatisent le procès qui se déroule en France afin de dénoncer les exactions de l’armée française. Elle obtiendra l'amnistie puis la libération de la militante en 1962.
En 1971, elle s’engage personnellement pour le droit à l’interruption volontaire de grossesse en signant dans Le Nouvel Observateur un appel de 343 femmes. Celui-ci recueille les signatures de femmes très célèbres mais également d’anonymes. Toutes reconnaissent publiquement avoir eu recours clandestinement à l’avortement. Cet aveu collectif constitue un acte de défiance vis-à-vis du pouvoir français à l’heure même où l’avortement est un délit (application de la loi de 1920). Les signataires réclament l’accès libre à la contraception et à l’avortement. C’est dans ce contexte qu’est créée l’association Choisir (la cause des femmes) visant à défendre les signataires en cas de poursuite. Gisèle Halimi en devient, avec Simone de Beauvoir, l’une des principales protagonistes en prenant en charge en 1972 le retentissant procès de Bobigny. L’avocate y défend une jeune fille de 16 ans, jugée pour avoir avorté à la suite d’un viol, et parvient à obtenir sa relaxe. En quelques semaines, l’affaire de Bobigny crée un mouvement d’opinion irréversible qui aboutit à la révision de la loi de 1920 et à l’adoption en 1975 de la loi Veil autorisant les interruptions volontaires de grossesse.
Progressivement, les objectifs du mouvement Choisir s'étendent au statut général de la femme dans la société : lutte contre le viol, les violences physiques et morales, les schémas culturels sexistes, mais aussi lutte pour l’égalité professionnelle et une égale représentation des hommes et des femmes dans la vie publique.
C’est dans ce contexte qu’intervient l’interview de Gisèle Halimi en 1977 par la chaine France 3. Dans une société française alors déchirée par de violents débats sur le féminisme, c’est un plaidoyer pour réclamer la criminalisation du viol jusqu’alors assimilé à un délit, ainsi que la suppression du huis clos pour ce type de procès. Elle dénonce la culpabilisation faite de la victime et l'indulgence accordée aux violeurs. Le retentissant procès d’Aix-en-Provence à l’encontre de trois violeurs en 1978 marque une nouvelle victoire. La loi reconnait désormais le viol comme un crime passible des assises et supprime le huis clos.
Le combat de Gisèle Halimi s’est poursuivi au fil des décennies avec de nombreux procès pour défendre l’indépendance économique des femmes, leur droit à l’emploi et à l’égalité professionnelle, mais avec un succès moindre. C’est en s’investissant dans la vie politique aussi à l’échelle régionale, nationale, européenne et même mondiale qu’elle a continué à œuvrer en faveur de la parité femmes-hommes.
Éclairage média
ParProfesseure certifiée d'histoire-géographie au Lycée Marc Bloch de Bischheim
Cette interview a été diffusée en mai 1977 sur France 3 Reims lors d’une des plages de décrochage régional. France 3, créée en 1972, est la troisième chaîne française . Même si les émissions sont proposées en couleur depuis 1967, celle-ci est en noir et blanc. Gisèle Halimi est filmée seule en plan rapproché, avec quelques mouvements de zoom, probablement chez elle dans un intérieur bourgeois, sans que jamais le journaliste qui dirige l’entretien ne soit montré. Ce plan permet de faire ressortir le visage de l’avocate, ce qui aide les téléspectateurs à saisir ses émotions mais sert aussi la stratégie de médiatisation judiciaire mise en œuvre par Gisèle Halimi. Aucun bruit ni musique ne vient interrompre ses propos mises à part les questions du journaliste, renforçant ainsi la gravité du discours de l'avocate.
Transcription
(Cliquez sur le texte pour positionner la vidéo)
Gisèle Halimi
Quand une femme est violée, on commence par dire : "Mais elle n’avait qu’à pas porter un jean collant, elle n’avait qu’à pas sourire, elle n’avait qu’à pas sortir, elle n’avait qu’à pas… elle n’avait qu’à pas…" À la limite, elle n’avait qu’à pas exister en tant que femme.Et à la cour d’assises, nous demandons, c’est une des propositions de loi que Choisir va déposer incessamment sur le bureau du garde des sceaux et à l’Assemblée nationale, qu’il n’y ait pas de huis clos, c’est-à-dire, sauf bien entendu, la seule réserve, si la jeune femme violée le réclame elle-même.Nous voulons donc la publicité, cour d’assises et publicité, parce que nous pensons que, une chose pour un homme est de violer, et autre chose est de vouloir qu’on le sache dans son village, dans son travail, dans les journaux.Donc, la publicité peut jouer comme un moyen de dissuasion.Mais je le répète, nous ne sommes pas répressives. Chaque fois qu’on nous a demandé des mises en liberté provisoire de violeurs, Choisir a dit "Banco".Ça veut dire que nous n’avons pas pensé, nous n’avons jamais pensé que la prison pouvait être une bonne thérapeutique.Mais ce que nous trouvons suspect et inadmissible, c’est que la campagne se fasse contre l’emprisonnement des violeurs.Elle ne se fait pas ailleurs.C’est un signe important, ça veut dire : violer une femme, ce n’est pas grave au point qu’on mette des hommes en prison.En revanche, voler dans un drugstore ou faire un chèque sans provision, la prison oui.Alors nous disons : si vous voulez supprimer la prison pour tout le monde comme système, nous signons dès demain.Mais si vous commencez à la supprimer uniquement quand il s’agit de viol, eh bien c’est une indication qui est grave et qui signifie que vous considérez que c’est une chose banale, anodine.En fait, une femme violée, c’est une femme cassée, c’est une femme éclatée, c’est une femme qui ne s’en remettra, à mon sens, jamais.Elle entre dans une espèce de coma, en tout cas une partie d’elle-même entre dans une espèce de coma.Et elle survit, je crois, d’une espèce d’autre vie.Et quand elle se bat, elle a véritablement un courage, parce qu’elle sait que ça n’est pas pour elle.Elle, s’en remettre, je ne sais pas si elle le peut, mais qu’elle le fait justement pour que les autres femmes ne passent pas par les épreuves qu’elle a subies.
Journaliste
On dit souvent que les violeurs sont des immigrés, sont des obsédés sexuels, des fous.
Gisèle Halimi
Oh !!!
Journaliste
En fait, pour vous, le viol est surtout une torture ?
Gisèle Halimi
Moi, je lutte personnellement, parce que j’ai un passé si je puis dire.J’ai beaucoup lutté contre la torture où qu’elle se pratique et je continuerai.Et j’ai remarqué qu’il y a peu de frontières, la frontière n’est pas claire entre la torture que l’on inflige à quelqu’un, et le viol, il y a l’élément sexuel.Mais dans une affaire que je vais plaider bientôt devant une cour d’assises, le viol a été pratiqué par quatre, pas du tout prolétaires ni immigrés hein, des ingénieurs, architectes, des gens bien de chez nous.Le violeur moyen commun est un mot français tristement ordinaire, pas psychopathe et pas immigré.
Journaliste
Vous pensez que les hommes tout de même, un jour, violeront de moins en moins ?
Gisèle Halimi
Vous savez, moi, si je mène ces luttes, c’est que je dois être optimiste, autrement je ne les mènerais pas.Je pense qu’en tout cas l’enjeu est très important.Vous savez ça n’est pas un procès de viol l’enjeu, ce n’est pas une condamnation ou un acquittement.L’enjeu, c’est changer les rapports fondamentalement entre les hommes et les femmes.Il ne peut pas y avoir de société où le couple, au plan de l’amour, soit basé sur un rapport de force physique.Je dis que c’est quasiment du fascisme.
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