Metz : l’édit de Nantes avant l’heure

La ville de Metz a une situation particulière au cours du XVIe s : elle est le carrefour entre la France catholique et des Etats protestants. De plus, ville faisant juridiquement partie du Saint-Empire germanique, elle passe sous la protection du roi de France en 1552. Malgré un courant francophile existant au sein de la population, la ville souhaite préserver son indépendance politique. Cependant, la république messine reposant sur un régime oligarchique est progressivement détruite par le pouvoir royal français.

Par ailleurs, la ville devient un enjeu particulier dans les guerres de religion. En effet, un tiers de la population est protestante. La religion réformée a touché certains membres du clergé, des intellectuels et s’est surtout répandue au sein de la bourgeoisie de négoce et de robe. Dans les années 1520, des prédicateurs, dont Guillaume Farel, viennent dans la ville pour y prêcher. Au fur et à mesure, des temples et des écoles protestantes voient le jour à Metz et dans les environs suite à la reconversion de catholiques et à l’arrivée de protestants fuyant les persécutions qui se pratiquent dans le royaume de France. La religion protestante est rapidement interdite. 

En devenant roi, Henri IV prend conscience que la ville de Metz oscille entre l’influence germanique et l’influence française. Afin de la garder sous influence française et pour la dissuader de se tourner vers le Saint-Empire germanique plus favorable à la religion protestante, le roi décide de lui accorder des privilèges. C’est ainsi qu’en 1592, il accorde une « lettre patente » qui garantit aux protestants la liberté de culte. Henri IV accorde des privilèges aux protestants messins. En effet, le roi évite que les Messins se tournent vers leur voisin germanique.

Après 36 ans de guerre, entrecoupés de périodes de paix fragile et six ans après les privilèges accordés aux protestants messins, l’édit de Nantes est signé en 1598, qui concerne l’ensemble du royaume. En effet, Henri IV, devenu roi de France en 1589 et ayant renoncé au protestantisme pour la religion catholique, rétablit la paix civile et l’ordre en France. En effet, le catholicisme est rétabli dans tout le royaume tout en accordant la liberté de culte et l’égalité civile aux protestants. L’édit de paix de 1598 prévoit aussi des places fortes à ces derniers afin d’assurer leur sécurité. En accordant des privilèges aux protestants, il cherche à asseoir son autorité et rétablir l’ordre dans le royaume. Il est donc signé au nom d’une raison politique puisque le bien public passe avant la morale religieuse. De même, en instaurant cette coexistence pacifique entre ces communautés religieuses en conflit, Henri IV met fin au contrôle d’un Etat affaibli par des familles nobles rivales, cherchant à imposer leur religion. Enfin, au cours de l’époque Moderne, les rois affirment leur pouvoir dans le royaume de France et étendent les territoires soumis à l’autorité royale. 

L’édit de Nantes a été commémoré à plusieurs reprises. En 1998, de nombreuses manifestations sont organisées dans l’ensemble du pays. Le président de la République de l’époque, Jacques Chirac, rappelle l’importance de l’Etat pour consolider la paix car c’est le seul garant du vivre ensemble pour tous. Il rattache le texte d’Henri IV à la tolérance religieuse, qu’il considère comme un des fondements de notre République. Cette commémoration permet donc de marquer le droit à la différence et de souligner l’intégration d’une minorité religieuse, qui peut être alors un parallèle avec l’Islam en cette fin du XXe s. Pour Michel Rocard, l’édit est aussi un modèle à suivre pour faire la paix comme à Belfast, où catholiques et protestants signent des accords de paix. 

De plus, de nombreux spécialistes, comme l’historien Jean Delumeau, rappellent que l’édit de Nantes est une ouverture sur l’autre et un pas vers le respect d’autrui. Mais, d’autres historiens, comme Denis Crouzet, rappellent aussi qu’il ne faut pas juxtaposer cet édit de pacification à la situation de la fin du XXe s. Ils considèrent qu’il faut réfléchir et expliquer ce texte de manière apaisée en lui ôtant son caractère confessionnel pour montrer que c’est un édit de pacification permettant la coexistence imposée entre deux groupes religieux au sein d’un même royaume. Enfin, cette commémoration divise les protestants puisque certains y voient un rappel de l’oppression faite à leur communauté.

Le reportage est diffusé au journal télévisé le 26 mai 1998, à l’occasion des 400 ans de la signature de l’Edit de Nantes sous l’angle de l’exemple messin. Il est principalement tourné dans le Temple neuf, temple protestant de Metz, qui a été construit à l’époque où Metz était allemande sous Guillaume II. Les journalistes ont fait le choix de donner la parole au pasteur Freddy Van Weddingen, membre de l’Eglise réformée d’Alsace Lorraine, qui évoque l’histoire des protestants à Metz et le choix d’Henri IV d’apporter plus de libertés aux protestants messins. La prise de parole du pasteur domine le reportage et permet de comprendre facilement les enjeux religieux et politiques à Metz à la fin du XVIe s. En effet, la ville possède un statut de ville libre puisqu’elle a une certaine autonomie vis-à-vis de l’Empereur et elle est dominée par quelques riches familles de paraiges. Cet aspect est toutefois peu développé dans le reportage. Par ailleurs, un tiers de la population était protestante en cette période de guerre de religion, ce qui pourrait expliquer le choix du reportage. 

Malgré le décalage entre la période étudiée et la construction du Temple Neuf, les vues intérieures permettent d’aborder l’austérité des lieux de culte protestants, qui se distinguent clairement des églises catholiques. A partir de la vidéo, il est possible d’évoquer les courants luthérien et calviniste et d’en montrer les dogmes à travers les décors épurés des temples. En effet, aucun tableau n'orne les murs du lieu, seuls quelques vitraux sobres et quelques statues assez simples, ce qui montre bien que l’image ne joue aucun rôle dans la piété protestante. Il est aussi important de souligner que les temples protestants construits au XVIe s. ont disparu ou ont été récupérés par l’Eglise catholique. Le portrait de Calvin permet d’illustrer l’évocation de ce dernier ainsi que celle de Luther. Enfin, le reportage se termine par les vues du temple protestant de Montigny-lès-Metz dans lequel le décor simple rappelle celui des premières vues du reportage. De plus, un plan du temple montre l’organisation de l’espace intérieur autour de la chaire et de la table de communion, essentiels pour les protestants. 

Enfin, à la fin du reportage, il est montré qu’une exposition a lieu au temple de Montigny-lès-Metz autour du thème du protestantisme et de la question de la tolérance religieuse. Le choix du reportage n’est peut-être pas anodin puisqu’il permet donc de promouvoir cette exposition intitulée « La tolérance d’hier à demain », évènement proposé et organisé autour de conférences et d’animations culturelles à Metz jusqu’au 2 juin 1998.