Emilie du Châtelet, une femme de science dans les Lumières
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Résumé
Emilie du Châtelet, compagne de Voltaire à Cirey-sur-Blaise, est une actrice majeure des Lumières. A travers une exposition, on apprend son intérêt pour les sciences : traductrice de référence des travaux de Newton, elle est la première femme publiée par l’Académie des Sciences.
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Date de publication du document :
08 déc. 2021
Date de diffusion :
28 avr. 2006
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Contexte historique
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Dans la continuité de l’Humanisme (XVIe s.) qui met en avant l’autonomisation de la pensée et détache ainsi la philosophie et les sciences de leur caractère jusque là presque exclusivement divin, les Lumières est un mouvement multiforme qui se développe en Europe dans la seconde moitié du XVIIIe siècle par le « triomphe de la raison sur la foi ». Dans le domaine scientifique, les découvertes de Copernic (XVIe s.) et de Galilée (XVIIe s.) fondées sur l’observation et la méthode empirique encouragent les expériences entraînant une véritable « révolution scientifique » au XVIIIe s. Les Académies des sciences fondées au XVIIe s. (1662 en Angleterre, 1666 en France) valident, promeuvent et diffusent les connaissances nouvelles. Porté essentiellement par la bourgeoisie et une partie de la noblesse, ce mouvement de renouveau intellectuel et scientifique est encore aujourd’hui incarné par des hommes. Les femmes sont souvent cantonnées dans le rôle de facilitatrices à travers des salons où se retrouvent philosophes, écrivains et scientifiques.
Cependant, plusieurs femmes ont joué un rôle éminent dans les progrès scientifiques du XVIIIe s. : Evangelista Torricelli (inventrice du baromètre), Laura Bassi (première femme à obtenir une chaire de physique à l’université), Marie-Anne Lavoisier (chimiste), Angélique de Coudray (obstétrique), Eva Ekleblad (agronomie)… Ces femmes, certaines de leur vivant mais également dans la postérité, ont longtemps été éclipsées par leurs homologues masculins.
C’est également le cas d’Emilie du Châtelet (1706- 1749). Elle naît à Paris dans une famille noble qui tenait salon où elle reçoit une éducation ouverte, contrairement à la majorité des filles de cette époque. Mariée en 1725 au marquis du Châtelet qui se consacré à sa carrière militaire, elle jouit d’une grande liberté dans son château de Cirey-sur-Blaise (Haute-Marne). Elle rencontre Voltaire, l’aubergiste de l’Europe, en 1734 et le fait venir à Cirey où il reste près de 15 ans. Sous son influence, elle poursuit son travail en sciences (mathématiques, physiques), consulte (Clairaut, Maupertuis, Bernoulli, Buffon…) et traduit Leibnitz et les Principia Mathematica de Newton qu’elle enrichit en 1745 ce qui marque son attachement à la transmission des connaissances scientifiques. Elle participe pleinement aux débats et aux controverses qui animent le monde scientifique. En 1744, son mémoire sur le feu présenté à un concours de l’Académie des sciences est publié. Ses travaux lui permettent d’être admise à l’Académie des sciences de Bologne en 1746. Attirée à la cour de Lunéville par le duc Stanislas Leszczynski en 1748, elle y décède en couche un an après.
L’histoire du genre est un champ relativement récent de l’historiographie. Avec la montée du mouvement féministe dans les années 1970 d’abord aux Etats-Unis puis en Europe, la prise de conscience d’une histoire exclusivement masculine permet l’émergence d’une histoire des femmes impulsée par Joan Scott ou Michelle Perrot avant de s’élargir à une histoire des genres dans les années 1990-2000. La redécouverte de l’œuvre et de l’influence de femmes comme Emilie du Châtelet coïncide à cette évolution de l’écriture de l’Histoire.
Éclairage média
Par
Le journal télévisé de France 3 Champagne a été réalisé à l’occasion de l’exposition présentée de mars 2006 intitulée « Madame du Châtelet, la femme des Lumières » à la Bibliothèque nationale de France à Paris. La reconnaissance nationale d’Emilie du Châtelet par la réalisation de cette grande exposition regroupant instruments scientifiques et écrits de la scientifique ont amené l’antenne régionale à s’intéresser à cette exposition pourtant située hors de l’aire régionale. Cependant, le reportage porte est focalisé sur la période haut-marnaise d’Emile du Châtelet et tout particulièrement des quinze ans qu’elle a partagé dans le château de Cirey avec Voltaire.
Dans une première séquence, la relation de Voltaire et d’Emilie du Châtelet est mise en avant à travers des extraits récités des Mémoires de Voltaire qui loue les qualités scientifiques de celle qui deviendra sa maîtresse. Le choix de commencer le reportage sur les écrits de Voltaire, les portraits et la représentation du château de Cirey permet de rapidement entrer dans le contexte des Lumières (écriture, habillement, château ouvert sur une cour…). Cette accroche permet de comprendre l’importance scientifique de premier plan d’Emilie du Châtelet par le jugement apporté par Voltaire en insistant sur leur influence réciproque.
Après cette introduction, l’interview de la commissaire de l’exposition, Danielle Muserel, au cœur même de celle-ci dont on voit plusieurs plans permettant d’apercevoir des vêtements portés par Emilie du Châtelet, des écrits, des tableaux, des instruments scientifiques conforte la portée du travail de la scientifique et sa singularité. Cirey, présenté comme un « paradis terrestre » ancre localement l’œuvre d’Emilie du Châtelet : la qualité de vie est ainsi mise en relation avec la qualité et la densité du travail de recherches effectué dans tous les domaines. L’énumération des disciplines scientifiques associée à la pluralité des objets présentés amène à comprendre la diversité du champ de recherches d’Emilie du Châtelet. La deuxième partie de l’interview cherche à expliciter les raisons de la redécouverte tardive du travail d’E. du Châtelet attribuées jusqu’à une date récente à des hommes. Le zoom sur les manuscrits de la scientifique évoqués au même instant par la commissaire a pour but de donner force à sa parole chargée de rétablir la vérité historique et de l’inscrire dans un contexte scientifique large.
La deuxième partie de la vidéo est l’interview en duplex d’un spécialiste (journaliste ou historien) chargé de préciser les raisons pour lesquelles ses apports ont été longtemps éclipsés. Par un jeu de questions-réponses, des précisions sont apportées tout en apportant de la nuance aux éléments plus valorisés du reportage. Cela l’amène à recentrer l’action d’Emilie du Châtelet dans le rôle non moins important de la transmission des savoirs et des connaissances. Enfin, la dernière question en guise de conclusion élargit le sujet sur la question du féminisme d’Emilie du Châtelet. Le spécialiste y apporte à nouveau une réponse nuancée tout en revenant au contexte historique d’une femme au siècle des Lumières.
L’ensemble offre une vision rapide appuyée sur des éléments historiques solides (objets, citations de Voltaire et E. du Châtelet, réponses de la commissaire et du spécialiste) favorable à la compréhension du rôle original d’une femme qui a consacré sa vie à la science au siècle des Lumières.
Transcription
(Cliquez sur le texte pour positionner la vidéo)
Intervenant
J’étais las de la vie oisive et turbulente de Paris […].Je trouvai, en 1733, une jeune dame qui pensait à peu près comme moi, et qui prit la résolution d’aller passer plusieurs années à la campagne pour y cultiver son esprit […], c’était la femme de France qui avait le plus de disposition pour toutes les sciences.
Mathieu Caillaud
Ces mots sont les premiers des Mémoires de Voltaire.La femme dont il parle, Emilie du Châtelet, est la campagne celle du château de Cirey-sur-Blaise.Voltaire et Emilie y partagèrent quinze années de bonheur.
Danielle Muserel
On peut dire que Cirey était l’illustration, par exemple, de ce que Voltaire décrit dans Le Mondain, c’est-à-dire une sorte de paradis terrestre.Et de la même façon, dans son Discours sur le bonheur qu’elle écrit probablement à Cirey dans les années 46, 47, Madame du Châtelet exprime, elle aussi, ce même goût hédoniste en fait de la vie.
Mathieu Caillaud
La passion la plus nécessaire à notre bonheur, écrit-elle, est l’amour de l’étude, une source de plaisir inépuisable .A Cirey, Voltaire et Emilie ne cultivent pas autre chose que leur esprit, physique, chimie, mathématiques, astronomie, théâtre, peu de curiosité échappe à leur intérêt.Les deux amants sont des acharnés de travail.Dans son cabinet de physique, Emilie traduit jour et nuit les principes mathématiques de Newton, traduction qui a longtemps fait autorité.
Danielle Muserel
On a redécouvert en fait, assez tardivement, son rôle parce qu’on a longtemps prétendu que c’était Maupertuis ou Clairaut, les grands mathématiciens de l’époque qui avaient été… étaient vraiment les auteurs de ces œuvres, alors qu’en fait, par ces manuscrits qu’elle a donc légués à la Bibliothèque Nationale, on s’aperçoit que c’est elle-même qui a fait ces travaux, et qu’elle a servi réellement de transition entre les théories de Newton sur la gravitation universelle pour arriver jusqu’à la relativité d’Einstein en fait.
Mathieu Caillaud
Emilie du Châtelet tente vainement de s’imposer dans le milieu scientifique, chasse gardée des hommes.En participant au concours de l’Académie des sciences, elle en devient tout de même la première femme à être publiée.
Présentateur
Voilà donc pour cette exposition, Mathieu, pourquoi a-t-il fallu trois siècles pour redécouvrir cette femme de science ?
Mathieu Caillaud
Et bien d’abord parce que Emilie du Châtelet n’a pas élaboré de théorie ni découvert des principes de physique.Elle n’avait pas le génie de Marie Curie ou d’Einstein, et ensuite, et bien probablement parce que c’était une femme.On a commencé à s’intéresser à elle lorsqu’on a commencé à s’intéresser à l’histoire des femmes.Et c’est seulement dans les années 60, au moment où le féminisme est apparu que sa correspondance a été publiée, ce qui a pu mettre au jour son apport à la science.
Samuel Peltier
Elle a vraiment beaucoup apporté à la science ?
Mathieu Caillaud
Elle a surtout contribué grâce à ses traductions et son immense travail de recherche à rapprocher des points de vue divergents à l’époque et notamment sur la question de la gravité.Ensuite, en composant un traité de physique inspiré de Leibniz, c’est elle qui a fait connaître la philosophie allemande du XVIIIème siècle aux intellectuels français, et puis le plus important on vient de le voir, sa traduction Newton qui a été une référence jusqu’à, il y a seulement 6 ans.
Samuel Peltier
Et puis, on parlait de féminisme, c’était l’une des premières féministes non ?
Mathieu Caillaud
Vouloir investir un territoire réservé aux hommes, surtout lorsqu’on a des dispositions pour le faire, cela ressemble évidemment à une démarche féministe, et de manière anecdotique, on sait qu’il lui arrivait de se déguiser en homme, par exemple, pour pouvoir fréquenter certains milieux scientifiques.Mais sa volonté de reconnaissance était plus la marque d’un orgueil personnel qu’une démarche purement militante pour les femmes, et c’était beaucoup plus d’ailleurs une femme des Lumières qu’une féministe, une femme inscrite dans cette philosophie de partage et de propagation du savoir.
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