L’islam et le droit local d’Alsace-Moselle
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Un colloque sur la laïcité à Metz donne l’occasion à France 3 Lorraine de réaliser un reportage expliquant les particularités du droit local d’Alsace-Moselle dans le domaine religieux et la question de la place de l’islam dans ce système.
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Date de publication du document :
08 déc. 2021
Date de diffusion :
31 mars 2005
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Le reportage est réalisé et diffusé par France 3 Lorraine en 2005, dans un contexte particulier lié aux questions de la laïcité, du « Concordat » en Alsace-Moselle et à l’application de la loi de séparation des Eglises et de l’État (1905). Cette dernière n’est en effet pas appliquée de la même manière sur ce territoire que dans le reste de la France. Sont ainsi questionnées les relations entre l’État et les religions dans le cadre d’une différence législative.
Qu’est ce que le Concordat et pourquoi n’est-il appliqué qu’en Alsace-Moselle ? Dans le cadre des réformes de l’Empire napoléonien, un concordat est signé entre Napoléon Bonaparte et le pape Pie VII. Ce « contrat » est complété ultérieurement, pour les Eglises luthériennes et réformées (Eglises « protestantes »), ainsi que pour le culte israélite (culte juif), par des Articles organiques et un décret.
Instaurant notamment le salariat des ministres du culte (prêtres,...) et la nomination des évêques par le Premier Consul (Napoléon), le concordat de 1801 met en place une Eglise gallicane (l’État contrôle les biens et les nominations des religieux) tout en conservant certains acquis de la Révolution : l’Etat reste laïc (le Code civil n’évoque pas la religion, le catholicisme n’est que la religion « de la grande majorité des Français »,…) et les libertés de conscience et de culte sont reconnues. Cela est à remettre dans le contexte révolutionnaire où ces libertés, énoncées, n’ont pas été partout et tout le temps appliquées du fait de débats importants sur la notion de laïcité (l’Etre suprême, les serments révolutionnaires, la constitution civile du clergé,…) et des guerres. Il s’agit du « premier seuil » de laïcité : si la religion est reconnue comme nécessaire, une pluralité de cultes sont désormais reconnus et des institutions commencent à s’autonomiser (l’école et la médecine). C’est aussi une étape dans la sécularisation, ici entendue au sens d’un transfert à l’État de valeurs, de compétences et de biens religieux.
Suite à la guerre de 1870, l’Alsace-Moselle est annexée à l’Empire allemand. Des dispositions juridiques françaises y sont maintenues, notamment le Concordat. Après la Première Guerre mondiale (retour de l’Alsace-Moselle à la France), ces dispositions juridiques de la période allemande dans le domaine religieux, mais également dans le domaine associatif, foncier ou social sont conservées. Il s’agit du droit local. Il fait l’objet d’intenses débats (en 1924 le Cartel des gauches, une alliance politique, veut le supprimer, par exemple) et évolue (suppression du délit de blasphème en 2017, par exemple).
Dans le même temps, la loi de séparation des Eglises et de l’Etat est votée en France en 1905. La notion de laïcité est toujours très débattue, se superposant pour certains à l’anticléricalisme (opposition au pouvoir voire à l’existence du clergé) : 10 000 écoles catholiques sont fermées en 1903 sous le gouvernement d’Emile Combes. La loi est loin de cette « laïcité intégrale » : les organisations culturelles peuvent se voir attribuer des bâtiments, et doivent alors obéir aux supérieurs de la religion dont elles se réclament. Il s’agit globalement d’un « deuxième seuil » de laïcité : l’utilité publique des religions n’est plus reconnue, chaque individu est libre alors de croire (ou non) et de pratiquer (ou non), ces religions doivent s’organiser comme toute autre association.
La situation en 2005 en Alsace-Moselle est donc celle de l’existence d’une législation particulière, qui entre en résonance avec les débats nationaux. En effet, en 2004 est votée une nouvelle loi, la loi « sur les signes religieux à l’école », suite au rapport de la Commission Stasi. La création de cette dernière est liée à la multiplication « d’affaires » liées au port du voile islamique, affaires médiatiquement relayées.
Cela révèle d’un côté un basculement du débat sur la laïcité : des années 1950 aux années 1980, la place à accorder à l’enseignement privé confessionnel est au centre de luttes importantes (échec du projet de loi Savary), alors qu’à partir de ces mêmes années 1980 les débats sur la laïcité se superposent de plus en plus aux questions liées à l’immigration et à l’intégration des migrants de confession musulmane et de leurs enfants, dans un contexte de fin de croissance économique.
En Moselle, cette évolution est particulièrement apparente, par exemple au travers d’un vote FN très important, dans certains anciens bassins miniers notamment : Jean-Marie Le Pen arrive ainsi en tête au premier tour de l’élection présidentielle de 2002 dans le département.
Éclairage média
Par
Afin de traiter de la question du religieux dans le droit local d’Alsace Moselle, France 3 Lorraine fait appel à trois intervenants. Un « vicaire général » présente les éléments religieux de ce droit local : l’État assure une partie du financement des lieux et des personnels religieux, mais en contrepartie il a un droit de regard sur les nominations.
Un « membre du bureau de la communauté musulmane de Moselle » avance ensuite les arguments d’une intégration du culte musulman à ce droit local : au début du XIXe siècle, l’islam mais aussi le bouddhisme et l’hindouisme (citées par le troisième intervenant) ne sont pas pratiqués (ou de manière très marginale) en France. Leur culte n’apparaît donc pas dans le Concordat et ne relève donc pas des mêmes règles, aujourd’hui, en Alsace-Moselle, que les cultes catholiques, protestants et juifs. L’intégration de l’islam au Concordat serait une forme de reconnaissance de cette existence pour l’intervenant.
On peut rappeler qu’il y a environ 5 millions de musulmans en France, ce qui en fait la deuxième communauté religieuse. Le CFCM et le CRCM sont créés en 2003, organismes devant représenter les musulmans de France, ce qui ne règle pas certains problèmes, comme celui des lieux de culte. L’intérêt du financement par l’État de lieux de culte ainsi que du salaire et de la formation des imams est ainsi souligné par l’intervenant. Un débat important porte sur le financement par des puissances étrangères de la formation des imams ou des lieux de culte, élément problématique puisqu’il permet effectivement à des pays comme le Qatar ou l’Arabie Saoudite (que ce soit par des fonds publics ou privés) de propager une certaine vision de l’islam. Cette thématique est donc non seulement politique, mais aussi géopolitique.
Le troisième intervenant est Jean-Louis Masson, un « sénateur ». Il avance simplement l’argument qu’une évolution du droit local signifierait sa destruction. Il est donc contre toute intégration du culte musulman au droit local. Ce droit local est pourtant, comme cela a été dit précédemment, né de changements pour être, de fait, évolutif. De plus, l’orientation politique de cet intervenant n’est pas indiquée : il est membre de l’UMP jusqu’en 2004. On peut souligner qu’il prend régulièrement position de manière radicale contre l’immigration et l’islam, souvent associés et de manière négative.
Les images sont elles partagées entre des espaces intérieurs et extérieurs. Des gros plans sur des lieux de culte sont réalisés. Cela souligne à nouveau l’importance de leur financement dans les débats sur le droit local. Le choix de faire des gros plans sur le minaret de la mosquée de Farébersviller est surprenant : il n’existe que très peu de minarets en France - une vingtaine. A l’inverse, il existe toujours de nombreux locaux transformés en lieux de culte faute d’aménagements adaptés (appartements, hangars, caves,...). La variété de lieux notamment en fonction des origines géographiques des confessions (existence de mosquées « turques » par exemple) peut également être rappelée.
Concernant les plans d’intérieur, le choix de filmer le représentant catholique, qui s’exprime aisément, dans une bibliothèque, peut être relevé. Des gros plans sur un livre présentant le Concordat sont insérés. Cela donne l’impression que la question du religieux dans le droit local est purement juridique, technique, alors qu’il s’agit, aussi, d’un thème politique. Ce cadre tranche avec celui dans lequel est interrogé le responsable musulman, moins mis en scène.
Cette vidéo souligne donc globalement, par ce qu’elle dit ou ne dit pas, la complexité du droit local mais aussi et surtout son imbrication dans les débats actuels sur la laïcité, ainsi que la difficulté à traiter médiatiquement un tel sujet.
Transcription
(Cliquez sur le texte pour positionner la vidéo)
Hélène Messang
Demain et après-demain se déroule à Metz un colloque national sur la laïcité, un thème d’actualité, d’autant que l’on célèbre cette année le centenaire de la séparation de l’Église et de l’État.Une séparation qui, vous le savez, ne concerne pas l’Alsace-Moselle, concordat oblige.Un régime spéciale dont est exclu l’islam, devenu pourtant la deuxième religion de France.C’est le thème du dossier de ce soir.Il est signé Marie-Christine Lang et Benoît Bour.
Marie-Christine Lang
Dans la France laïque depuis 1905, il existe un régime particulier.En Alsace-Moselle, le concordat instaure une collaboration entre les Églises et l’État.
Jean-Marie Stock
Comme dans tout concordat, c’est-à-dire tout contrat, il y a des avantages d’un côté et des obligations de l’autre.Les avantages, c’est évidemment le traitement des ministres du culte, quels qu’ils soient.En même temps, comme avantage, l’aide des municipalités en cas de besoin et en cas de manque pour l’entretien des bâtiments des cultes.Les obligations, c’est évidemment un certain contrôle de l’État, aussi bien sur les finances que sur la formation, que sur le comportement disons public des ministres du culte.
Marie-Christine Lang
Le concordat s’applique aux cultes catholiques, protestants et israélites.Mais l’islam, devenue deuxième religion de France, n’entre pas dans le droit local.En Moselle, il y a près de 60 000 musulmans, 40 salles de prière et une mosquée à Farébersviller.Mais aujourd’hui, on peut se déclarer imam sans contrôle, et en France, aucune formation n’est prévue, tout se passe à l’étranger.
Salah Ztouti
Soit dans un pays natal, soit en pays natal, ou ailleurs, comme l’Égypte ou l’Arabie Saoudite, ou… il y a, tous les pays musulmans ont des instituts spéciaux pour devenir imam.
Marie-Christine Lang
Dans l’islam, avec tous les courants différents, difficile de parler au nom de tous, mais certains souhaiteraient bénéficier du concordat.
Salah Ztouti
C’est pour aider un peu les frais généraux, et l’imam sera payé par l’Etat, et on sent que l’islam, il est reconnu.
Marie-Christine Lang
Des politiques ont envisagé cette solution pour une meilleure intégration des musulmans et pour lutter contre l’intégrisme, mais pour d’autres, les conséquences pourraient être très négatives.
Jean-Louis Masson
Je suis partisan du maintien du droit local, mais si demain on disait, en Alsace-Lorraine, on va intégrer les bouddhistes, on va intégrer les musulmans, on va intégrer les hindouistes… à ce moment-là, ce n’est plus la préservation du droit local, c’est la création du droit local.Donc, c’est quelque chose de tout à fait différent, qui n’a plus rien à voir avec le droit local.Et je le dis bien, si on veut faire disparaître le droit local, alors, à ce moment-là, il faut continuer comme ça.
Marie-Christine Lang
Mais aujourd’hui, la question n’est plus à l’ordre du jour.Le ministre de l’intérieur et les grandes fédérations de mosquées ont un autre projet : la création d’une fondation pour financer l’islam de manière transparente et pour former de nouveaux imams.
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