Les recherches de l’Observatoire océanologique de Villefranche-sur-Mer sur l’acidification des mers

En 2010, l’Observatoire océanologique de Villefranche-sur-Mer dans les Alpes-Maritimes contribue à un programme de recherche, financé par l’Union européenne et le Centre national de la recherche scientifique (CNRS), et visant à mieux connaître les effets de l’acidification des mers et océans sur les écosystèmes marins. Depuis le milieu du XIXe siècle, sous l’effet notamment de l’accélération de l’industrialisation, l’acidité des eaux a augmenté d’environ trente pour cent à l’échelle planétaire. Des projections, réalisées par des scientifiques reconnus, indiquent en outre qu’elle pourrait tripler d’ici 2100.

La diminution du PH de l’eau de mer est liée à l’augmentation des rejets anthropiques de dioxyde de carbone (CO2) dans l’atmosphère. L’industrie, les transports ou la production d’énergie entraînent en effet une importante combustion d’énergies fossiles (pétrole, gaz ou charbon). La moitié du CO2 rejeté reste en suspension dans l’atmosphère et contribue au réchauffement climatique. Un quart est absorbé par les forêts. Le quart restant est pompé par les mers ou océans, soit par le phénomène physique de dissolution du gaz dans l’eau, soit via un procédé biologique lié à la photosynthèse d’organismes végétaux microscopiques. Plus les eaux sont froides et plus la quantité de gaz carbonique dissous dans l’eau est importante. Le CO2 absorbé en surface est ensuite emporté dans les profondeurs par les différents courants pour y être séquestré. Le phytoplancton, pour effectuer sa photosynthèse, a besoin de la lumière du soleil, mais aussi de CO2 et rejette en échange dans l’atmosphère, la moitié de l’oxygène que nous respirons. Le phytoplancton ou les espèces qui le consomment stockent du carbone qui se dépose au fond des océans à leur mort.

Les eaux marines sont donc un important puits de carbone capturant du CO2 et régulant sa présence dans l’atmosphère terrestre. Mais cette quantité grandissante de CO2 stockée dans les mers et océans interroge la communauté scientifique. Une équipe dirigée par l’océanologue Jean-Pierre Gattuso a installé dans la rade de Villefranche-sur-Mer, à une dizaine de mètres de profondeur, des caissons pour isoler des herbiers de posidonie sur une partie desquels est ajouté de l’eau riche en CO2. Certaines plantes et algues profitent certes de cet excès de gaz carbonique pour assurer leur croissance, mais la majorité des espèces souffrent de cette modification du milieu. L’acidification de l’eau s’accompagne en effet d’une baisse de la quantité de carbonate de calcium, indispensable pour l’édification et le maintien des squelettes des coraux ou des coquilles des huîtres et des moules. Dans la rade de Villefranche-sur-Mer un type de corail ne semble cependant pas sensible à cette acidification des eaux. Les chercheurs tentent donc d’en comprendre la raison.   

Les scientifiques de l’Observatoire océanologique de Villefranche-sur-Mer sont les héritiers d’une longue tradition de recherches pluridisciplinaires de pointe remontant à la fin du XIXe siècle. Ils s’intéressent à la protection et à la mise en valeur du milieu marin, en lien avec les questionnements scientifiques et sociétaux les plus actuels. Ils reçoivent ainsi régulièrement des délégations d’hommes politiques pour les sensibiliser à ces enjeux cruciaux pour l’avenir de la planète et les inciter à prendre les décisions indispensables à la protection, à long terme, de l’environnement. Le président du conseil général (devenu conseil départemental) des Alpes-Maritimes rend hommage à l’implication de ces chercheurs. Il indique plus largement son intention de soutenir l’organisme scientifique dans ses futures recherches sur les biocarburants fabriqués à base de micro-algues, mais aussi celles permettant de mieux comprendre le déplacement des méduses. Il s’agit de tenter, à terme, de prédire le risque d’envahissement estival des plages touristiques de la Côte d’Azur par celles qui laissent aux baigneurs de désagréables brûlures.  

Bibliographie

• François-Marie Bréon et Gilles Luneau, Atlas du climat. Face au réchauffement, Paris, Autrement, 2021.  
• Jean-Pierre Gattuso et Lina Hansson (dir.), Ocean acidification, Oxford, Oxford University Press