Jean-Pierre Ponnelle au Festival de Salzbourg

24 août 1981
05m 52s
Réf. 01107

Éclairage

Jean-Pierre Ponnelle, né en 1932 à Paris, et mort en 1988 à Munich, reste comme l'un des metteurs en scène d'opéra les plus importants du XXe siècle. Comme nombre de créateurs français, il fait carrière essentiellement à l'étranger, et en particulier Outre-Rhin, où il a débuté comme décorateur - participant entre autres aux créations du Roi Cerf et de Boulevard Solitude de Hans Werner Henze à Berlin - puis comme metteur en scène (Tristan et Isolde de Wagner en 1962 à Düsseldorf). Vite remarqué grâce à une production de La Clémence de Titus de Mozart à Cologne avec le chef Istvan Kertész - spectacle emblématique repris plus tard à Londres, Munich, Salzbourg - il est invité partout... Mais très rarement en France, où seul l'Opéra de Strasbourg lui offre sa scène de façon récurrente à partir de 1965, en particulier pour des cycles Mozart et Puccini qui ont fait date. Jean-Pierre Ponnelle ne réalise qu'une seule mise en scène à l'Opéra de Paris, Cosi fan tutte de Mozart, de 1974 à 1980, et sa production de la Cenerentola de Rossini, conçue pour La Scala de Milan, n'y est invitée, à titre posthume, qu'en 2011, soit 23 ans après son décès ! Le Théâtre des Champs Elysées produit pour lui et pour Daniel Barenboïm un cycle Mozart Da Ponte à partir de 1982.

Parmi les productions emblématiques du metteur en scène, il faut citer son Tristan de Bayreuth de 1981 à 1987 avec Barenboïm, son Hollandais volant de Wagner à San Francisco, son Ring de Wagner à Stuttgart, son Pelléas et Mélisande de Debussy et son Lear d'Aribert Reimann, écrit pour Dietrich Fischer-Dieskau, tous deux à Munich, un autre de ses ports d'attaches réguliers. Citons également Zurich, où son cycle Monteverdi avec Nikolaus Harnoncourt fit l'Histoire à la fin des années 70, comme ses productions des opéras seria de Mozart (Lucio Silla, Mitridate ...) avec le même chef dans les années 80.

C'est en 1968 que le Festival de Salzbourg l'invite à monter Le Barbier de Séville de Rossini avec Claudio Abbado : le succès est immense, et Ponnelle devient l'un des piliers du Festival. Suivent Cosi fan tutte en 1969 avec Seiji Ozawa, Les Noces de Figaro de Mozart en 1972 avec Herbert von Karajan (production reprise jusqu'en 1988), La Clémence de Titus en 1976 avec James Levine, Don Giovanni de Mozart avec Böhm (et des décors pour le Sant'Alessio de Landi mis en scène par August Everding) en 1977, La Flûte enchantée en 1978 (reprise jusqu'en 1987), Les Contes d'Hoffmann d'Offenbach en 1980, Idomenée de Mozart en 1984, Moïse et Aaron de Schönberg en 1987, toutes ces dernières productions avec Levine.

Attentif à mettre en scène la musique d'abord et à faire ressortir les vertus dramatiques des partitions, créant ses décors pour assurer l'unité d'un propos scénique d'une grande liberté sans pour autant bousculer les partitions, Ponnelle est l'un des maîtres qui ont assuré le renouveau de la tradition opératique dans ce qu'elle a de plus abouti, dans les années 1960-1980. Captivé par les techniques audiovisuelles, il laisse plusieurs films de ses productions, en particulier Le Barbier de Séville, Les Noces de Figaro, La Clémence de Titus, Rigoletto, Mme Butterfly, La Cenerentola, Carmina Burana de Orff, en sus des nombreuses captations de ses spectacles en scène.

Le reportage, qui donne une rapide image économique et artistique du Salzbourg festivalier permet, au delà des commentaires lucides d'Alain Schneider et de Carl de Nys et d'une trop brève interview de Jean-Pierre Ponnelle, de voir quelques courts instants de deux de ses productions : Les Contes d'Hoffmann avec Placido Domingo et Edda Moser, à laquelle participe également la mezzo française Jocelyne Taillon, et La Flûte enchantée, avec le Papageno de Christian Boesch et la Pamina de Lucia Popp. Quelques instants du Jedermann annuel de Hugo von Hofmannsthal, et d'un concert du pianiste Alfred Brendel complètent le tableau de la diversité artistique du festival le plus considérable du monde.

Pierre Flinois

Transcription

Présentateur
Mais revenons à vos préoccupations de vacances, si vous avez encore la chance d’être en vacances, avec les images d’un des plus prestigieux festivals d’art lyrique, le festival de Salzbourg. Traditionnellement durant le mois d’août, on présente dans la ville natale de Mozart des spectacles d’une qualité exceptionnelle. Cette année, six opéras dont la Flûte enchantée et les Contes d’Hoffmann mis en scène par Jean-Pierre Ponelle. Un reportage d’Alain Schneider.
(Bruit)
Journaliste
Salzbourg, un décor de théâtre naturel qui a vu naître Mozart il y a plus de 200 ans, une ville que le compositeur n’aimait pas car elle lui fut hostile mais qui s’est, aujourd’hui, rachetée.
(Bruit)
(Musique)
Journaliste
Salzbourg a récupéré Mozart pour le bien-être moral certes, mais aussi et surtout financier de ses habitants. Mais il faut reconnaître que le nom du musicien n’est pas exploité de façon outrancière. Bon nombre de commerçants préfèrent d’ailleurs louer un bon prix leurs vitrines aux maisons de disques qui vont y exposer des portraits des grandes vedettes de l’art lyrique. Parmi les touristes que l’on rencontre dans la journée, très peu de festivaliers.
(Musique)
Journaliste
17 heures 30, c’est l’heure à laquelle apparaissent ceux qui sont venus à Salzbourg pour une seule et unique raison, le festival. Entre une minorité de gens très riches au goût musical douteux et une autre de passionnés, peu fortunés mais voulant s’offrir ça une fois, une grande majorité de mélomanes, conscients qu’on voit et qu’on entend ici des choses incomparables. Les meilleures places dans la grande salle coûtent 700 francs, les moins chères 130. Pour Les Contes d’Hoffmann présentés ce soir, on peut, si l'on a oublié de réserver sa place dès le mois de janvier et si l'on a de la chance, trouver une place au marché noir pour 1000 francs.
(Musique)
Carl (de) Nys
On voit ici des distributions, en particulier dans le domaine du théâtre parlé et du théâtre lyrique surtout, qui sont uniques au monde. On voit réunis tous ceux dont on rêve que les contrats leur permettent de faire ensemble un disque. Et puis, on voit le plus grand nombre d’œuvres différentes et qui sont toutes soignées de la même manière comme s’il s’agissait d’une très grande première pour l’inauguration d’un théâtre d’opéra international.
Jean-Pierre Ponnelle
Les conditions de travail sont également absolument extraordinaires. Le chœur est à notre disposition entièrement à Salzbourg, ils n’ont pas d’autres spectacles en même temps. Les chanteurs n’ont pas des disques à faire, à prendre l’avion et autres. Ce sont des conditions de travail vraiment, professionnellement parlant, uniques.
(Musique)
Journaliste
Placido Domingo triomphe dans Les Contes d’Hoffmann , de Jacques Offenbach, sous la direction brillante de James Levine dans une mise en scène superbe de Jean-Pierre Ponnelle.
(Bruit)
Jocelyne Taillon
C’est une carte de visite, c’est très important. Lorsque vous avez chanté à Salzbourg, vous êtes vraiment, enfin, disons un chanteur international. Vous pouvez vous présenter après dans n’importe quelle ville, n’importe quel festival.
(Musique)
Journaliste
L’entracte, 2000 personnes en tenue de soirée déambulant pendant un quart d’heure devant le Palais du festival, c’est aussi l’un des spectacles uniques qu’offre Salzbourg.
(Musique)
Journaliste
Six opéras au programme mais aussi des concerts, les fameuses matinées Mozart, des récitals d’interprètes prestigieux, Alfred Brendel.
(Musique)
Journaliste
Les places sont chères, certes, mais le festival s’autofinance à plus de 70%, limitant les subventions à quelques 25%. Si Salzbourg n’est pas uniquement un festival Mozart, ce n’est pas non plus uniquement un festival de musique. Des pièces de théâtre y sont également présentées, dont le traditionnel Jedermann dont la mise en scène est, d’année en année, sans cesse renouvelée. Mais l’art lyrique reste quand même l’essence même du festival de Salzbourg. Un festival unique au monde où passe parfois un courant qui fait frôler la perfection, comme cette année dans La Flûte enchantée.
(Musique)
(Bruit)