La Lorraine et le Luxembourg

La Lorraine et le Grand-Duché de Luxembourg ont une géographie et une histoire commune, avec des liens forts et étroits dans de nombreux domaines. 

Ce reportage datant de 1972 illustre parfaitement, au travers notamment d’une interview du premier ministre luxembourgeois Pierre Werner et d’un micro-trottoir dans les rues de Luxembourg-Ville, ces relations qui se sont renforcées à mesure que le travail frontalier s’est développé (principalement au début des années 90) et que la frontière s’est peu à peu effacée avec les traités constitutifs de l’Union européenne. 

Ce sujet est tourné deux jours avant la venue du président Georges Pompidou au Grand-Duché de Luxembourg pour une visite diplomatique préparatoire à des négociations européennes. Celle-ci se tiendra le 4 mai 1972 et réunira sur la photo officielle le président de la République française (lequel présentait alors déjà des signes de la maladie de Waldenström qui allait l’emporter moins de deux années plus tard), son ministre des Affaires européennes Maurice Schumann, le Premier ministre luxembourgeois Pierre Werner et son ministre des Affaires étrangères Gaston Thorn, lequel deviendra président de la Commission européenne en 1981. 

En 1972, comme indiqué dans le reportage, le Grand-Duché de Luxembourg, petit « pays-royaume » situé dans le prolongement du plateau nord lorrain (Gütland) et coincé entre la Belgique et l’Allemagne (entre Ardennes et Eiffel – Pays de l’Oesling), ne compte guère que 350 000 habitants. Un peu moins de 50 ans plus tard, sa population a quasiment doublé du fait d’une immigration très importante, sous l’impulsion notamment de la communauté portugaise. Il s’approche désormais des 650 000 habitants, avec des projections laissant à penser que le cap du million d’habitants pourrait être atteint d’ici 2050. Toutes les régions autour du Grand-Duché, dans ce que l’on appelle désormais « la Grande Région » connaissent, à l’exception de la Wallonie, des évolutions démographiques inverses, en particulier la Sarre et la Rhénanie Palatinat. 

L’histoire partagée (expression de l’historien lorrain François Roth) entre la Lorraine et le Grand-Duché de Luxembourg est longue et entremêlée. De l’époque romaine à aujourd’hui, et tout particulièrement depuis le Moyen-Âge, cet espace géographique connaît batailles, partages, moments de gloire mais aussi de malheurs. D’après la géographe Christiane Arbaret-Schultz, le Grand-Duché de Luxembourg est d’ailleurs l’unique reste de la Lotharingie, terre d’entre deux, constamment tiraillée entre l’Est et l’Ouest , et de manière plus contemporaine entre « l’enclume et le marteau » des trois conflits franco-allemands. En cela, des liens historiques très anciens et très forts unissent la Lorraine devenue région française et le Luxembourg devenu royaume puis État indépendant.     

Sur le plan industriel, la Lorraine et le Grand-Duché de Luxembourg partageaient également un même ancrage autour des mines de fer et de leur débouché sidérurgique. L’ancienne Arbed (Aciéries Réunies de Burbach-Eich-Dudelange), aujourd’hui intégrée au groupe leader mondial de la production d’acier ArcelorMittal, a longtemps été le fer de lance de l’économie luxembourgeoise qui, par rapport à la Lorraine, s’est davantage diversifiée, en particulier dans le domaine bancaire et financier.    

Cette histoire et ce vécu commun ont aussi généré de nombreuses familles rassemblant les deux nationalités. Le premier ministre Pierre Werner évoque dans le reportage le plus illustre d’entre eux, Robert Schuman, dont Jean-Majérus dans un article de la revue historique des Annales de l’Est se demande s’il est un Lorrain luxembourgeois ou un Luxembourgeois lorrain ? .