Les fêtes de l’indépendance à Madagascar [muet]
Notice
Cérémonie de l'indépendance à Madagascar.
Éclairage
C'est en plusieurs étapes, en juin puis en juillet 1960, qu'est en quelque sorte scénarisée l'accession à l'indépendance de Madagascar. République autonome depuis le 14 octobre 1958 et État-membre de la Communauté, l'île s'émancipe au terme d'un processus qui a porté au pouvoir Philibert Tsiranana, un proche du général de Gaulle.
Le 26 juin 1960, de grandes festivités marquent l'émancipation définitive de la Grande Île ; elles sont tout particulièrement marquées dans la capitale, Antananarivo. La proclamation officielle de l'indépendance est faite dans l'enceinte du stade de Mahamasina où sont assemblés des milliers de spectateurs. Les journaux estiment le nombre des participants à plus de 100 000. D'autres assistent à la cérémonie depuis les hauteurs de la ville : hommes et femmes sont mêlés, les parasols déployés (ils font partie de la panoplie des élégantes de l'époque) et beaucoup ont choisi de porter ce jour-là le lamba, une étole traditionnelle marquant l'affirmation de l'identité nationale. Des artistes, des personnalités se regroupent près du palais du Rova, résidence officielle des souverains avant la colonisation et lieu symbolique du nationalisme malgache. « Un moment de silence absolu suivit le discours du président Tsiranana » avant une salve d'applaudissements à tout rompre, se souvient un reporter de Radio Madagascar chargé de couvrir l'événement (cf. Helihanta Rajaonarison, « Images de fêtes à Antananarivo [...] », in Odile Goerg, J.-Luc Martineau et Didier Nativel (dir.), Les indépendances en Afrique. L'événement et ses mémoires, Rennes, PUR, 2013, p. 253-271).
Pour autant, la liesse populaire – aussi impressionnante à Madagascar que dans les autres territoires parvenus à l'indépendance – ne doit pas faire oublier les affrontements politiques entre deux tendances antagonistes au moment du référendum de 1958 : si le « oui » à la Communauté, prôné par Tsiranana, l'a finalement emporté à 77 % des suffrages, le « non » porté par le maire d'Antananarivo, Richard Andriamanjato, et par son parti, l'AKFM, a été majoritaire dans la capitale. L'annonce de l'indépendance aurait même suscité des sentiments mêlés, selon l'historienne Lucile Rabearimana, chez ceux qui auraient préféré une sortie plus tranchée de l'orbite française. Le 26 juin 1960, les témoignages convergent pour attester d'un enthousiasme réel de la majorité ; pour autant, certains acteurs restent à l'écart : ceux qui jouissaient par exemple de la citoyenneté française, ou certains opposants au président Tsiranana et à son parti, le PSD (Parti Social Démocrate). Quelques semaines après les célébrations du 26 juin, diverses manifestations spontanées sont d'ailleurs l'occasion d'honorer la mémoire et l'histoire des nationalistes malgaches poursuivis durant la colonisation, au premier rang desquels ceux qui avaient été condamnés au lendemain de la grande insurrection de 1947.
Quant à la véritable célébration officielle de l'indépendance, elle se déroule entre le 29 et le 31 juillet 1960. Elle a été conçue pour être à la fois une affirmation politique visant à mettre en scène les autorités du jeune État, mais également pour être festive et intégratrice. Discours, bals populaires, fête des enfants, banquets, concours de chant et de danse, compétitions sportives, etc., ponctuent trois journées destinées à marquer la rupture avec le temps colonial. L'espace de quelques jours, réjouissances populaires et esprit de communion nationale semblent souder la population malgache au-delà de ses clivages politiques pourtant avérés.