Le microcrédit, un mode de financement alternatif pour les exclus du système bancaire
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Dans le cadre de la semaine du micro-crédit, Romain Streit, conseiller territorial de l’Adie en Champagne-Ardenne est invité sur le plateau du journal télévisé du 1er février 2016 pour présenter le fonctionnement et les effets concrets du microcrédit.
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Date de publication du document :
08 déc. 2021
Date de diffusion :
01 févr. 2016
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Contexte historique
ParProfesseur agrégé d’histoire-géographie en CPGE au lycée Montaigne à Mulhouse
Le microcrédit constitue un mode de financement bancaire alternatif des activités économiques. Comme son nom l’indique, il s’agit d’un mode de financement intermédié (finance externe indirecte) par lequel un emprunteur obtient un prêt d’un créancier en contrepartie de la promesse d’un paiement différé, majoré d’un taux d’intérêt, qui constitue le coût du crédit et l’évaluation du risque du crédit. C’est une offre de crédits de petites sommes d’argent destinée à des agents économiques en situation de fragilité financière et qui ont des difficultés à accéder aux services et aux crédits bancaires traditionnels (ou qui en sont exclus) pour financer des projets visant à l’insertion sociale et professionnelle. La microfinance recouvre à la fois le microcrédit mais également une gamme de produits financiers d’épargne, d’assurance ou de transferts d’argent. Le microcrédit ne relève donc ni de la philanthropie ni de la charité.
Muhammad Yunus, économiste bangladais né en 1946, est le pionnier du microcrédit. Il a reçu en 2006 le prix Nobel de la Paix, conjointement avec la Grameen Bank (dont il est le fondateur), pour avoir favorisé le développement économique et social des populations pauvres. C’est originellement une innovation financière destinée aux populations pauvres des pays en développement et particulièrement aux femmes. Le microcrédit repose sur l’idée selon laquelle c’est le manque de moyens qui bride le dynamisme entrepreneurial des populations pauvres : Muhammad Yunus le pense comme un instrument de lutte contre la pauvreté (en permettant de créer des activités génératrices de revenus) mais aussi comme un instrument d’émancipation individuelle. Dans cette perspective, c’est bien par le marché et par l’esprit d’entreprise que les populations pauvres peuvent sortir de la pauvreté. Cependant, si le microcrédit est né dans le contexte des pays des Suds, cet économiste a encouragé sa diffusion dans les pays développés, notamment en France, où Maria Nowak, une économiste de formation, a créé avec son soutien l’Adie (l’association pour le droit à l’initiative économique) et le « réseau européen de la microfinance » en 2003. L’Adie est, à l’instar de la Grameen Bank, une institution de microfinance (IMF).
Si dans les pays en développement, le microcrédit se veut un instrument de lutte contre la pauvreté, il est davantage pensé dans les pays développés comme un levier d’inclusion bancaire et d’insertion sociale ou professionnelle. Il peut prendre deux formes en France : le microcrédit professionnel qui vise la création ou le maintien d’une petite entreprise et le microcrédit personnel qui finance des projets d’insertion socio-professionnelle (en termes de mobilités en finançant l’achat d’un véhicule ou l’acquisition du permis de conduire, en termes d’accès à des formations professionnalisantes ou de tout autre bien et services améliorant la situation de l’emprunteur).
Si le nombre d’institutions de microfinance et de projets financés augmentent dans le monde, le bilan du microcrédit comme levier de développement reste mitigé dans les pays des Suds. Esther Duflo conteste deux postulats de Yunus sur le microcrédit : faire du microcrédit (donc du marché) la solution à la sortie de la pauvreté et voir derrière chaque individu un entrepreneur en puissance. Elle y voit également trois risques : le caractère rentable du microcrédit pour les organisations de microcrédits, le risque du surendettement pour les emprunteurs et le risque de désengagement des gouvernements envers les politiques d’assistance. Ces problématiques des effets de l’usage du microcrédit ne sont toutefois pas les mêmes dans les pays développés.
Éclairage média
ParProfesseur agrégé d’histoire-géographie en CPGE au lycée Montaigne à Mulhouse
L’entretien avec le conseiller territorial de l’Adie de Champagne-Ardenne, Romain Streit, permet d’expliciter ce qu’est le microcrédit en se plaçant du point de vue des acteurs en France, dans un pays développé : les acteurs qui organisent ce dispositif de financement et les acteurs qui en sont les bénéficiaires.
L’organisation du microcrédit en France est très spécifique et très encadrée : elle repose sur une intervention conjointe des acteurs publics, associatifs et bancaires. Le demandeur d’un microcrédit ne s’adresse pas directement à une banque mais à un réseau d’accompagnement social qui joue le rôle d’intermédiaire. C’est le cas de l’Adie, qui est une association sans but lucratif, reconnue d’intérêt publique depuis 2015. Son rôle est de financer et d’accompagner les créateurs d’entreprises qui n’ont pas accès au crédit bancaire. Comme d’autres réseaux d’accompagnement social (des associations comme les Restaurants du Cœur, le Secours Catholique, mais aussi des banques comme le Crédit Municipal de Paris ou des établissements publics comme un Centre communal d’action sociale), elle étudie la viabilité du projet. Il n’y a pas de critères de revenus, ni d’activité économique, ni de statut juridique de l’entreprise mais un critère de projet de création d’entreprise ou d’insertion socio-professionnelle (formation, mobilité…). Elle négocie également avec les banques un crédit pour ensuite proposer un prêt au demandeur. Un Fonds de cohésion sociale (FCS), géré par la Caisse des Dépôts et Consignations, a été créé en 2005 : ce dispositif est le pivot du microcrédit. Il propose un mécanisme de garanties de l’Etat afin de sécuriser les opérations bancaires dans le cadre d’un microcrédit et les projets financés. Cependant seules les banques agréées par le FCS peuvent participer à ce dispositif. L’Adie assure également un rôle d’information sur le fonctionnement du microcrédit par des opérations de promotion (semaine du microcrédit) ou par des formations dans leurs antennes (8 dans la région Grand Est).
En effet, le microcrédit est principalement destiné aux personnes exclues du crédit bancaire classique (faibles revenus, bénéficiaires du RSA, chômeurs). En 2019, le rapport d’activité de l’Adie permet de dresser le profil sociologique des souscripteurs d’un microcrédit : 38% des demandeurs d’un microcrédit perçoivent les minima sociaux, 28% vivent sous le seuil de pauvreté, 24% sont sans diplôme, 47% sont des femmes, 21% vivent dans les quartiers prioritaires de la politique de la ville (QPPV) et 23% en zone rurale. Un reportage (sous la forme de vidéos sans son) illustre cette situation en mettant en scène « un ex-ouvrier » (implicitement un chômeur) qui a eu recours à un microcrédit (et à l’Adie) pour financer une friterie (un food truck). A l’instar de cet exemple, la plupart des projets d’entreprises financés par microcrédit relève du secteur tertiaire (dans la restauration, dans le commerce ou dans les services à la personne).
La journaliste interroge l’efficacité du microcrédit. Le conseiller territorial de l’Adie met en évidence les résultats positifs du microcrédit en France dans un contexte de chômage structurel élevé : il estime que 10% des créations d’entreprises sont financées chaque année par microcrédit (sur les 500 000 créées annuellement en moyenne à la fin des années 2010). L’Adie se place ainsi dans la perspective de Muhammad Yunus : il s’agit bien de favoriser par le microcrédit l’entreprenariat (création d’entreprise) et de valoriser le développement du capital humain (les capacités des travailleurs par le microcrédit personnel) comme levier de lutte contre le chômage et contre l’exclusion sociale. Si Romain Streit insiste sur le taux d’insertion de 80%, les 2/3 des entreprises créées par le microcrédit restent fragiles car elles ne génèrent pas suffisamment de revenus pour être pérennes à long terme.
Transcription
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