Nestlé Waters dans les Vosges : l’enjeu de l’eau
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Entre directive européenne, intérêts économiques et préservation de la ressource et de l’environnement, le conflit autour de la gestion de l’une des nappes phréatiques qui alimente l’embouteillage de Nestlé Waters à Vittel est emblématique des tensions existantes autour d’une ressource qui se raréfie, mais aussi du jeu des différents acteurs pour faire prévaloir des points de vue divergents.
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Date de publication du document :
08 déc. 2021
Date de diffusion :
07 juin 2018
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Contexte historique
ParProfesseur agrégé d’histoire-géographie au collège Elsa Triolet à Thaon-les-Vosges
L’exploitation des eaux minérales dans l’Ouest vosgien existe depuis la seconde moitié du XIXe siècle, à Vittel comme à Contrexéville. Au début des années 1990, l’industriel suisse Nestlé achète successivement Vittel à la famille Bouloumié puis Contrex alors propriété du groupe Perrier. En 2002, la société Perrier-Vittel est rebaptisée Nestlé Waters et forme la filiale « Eaux » du géant de l’agroalimentaire.
Pour répondre à une demande croissante d’eau minérale - 1,5 milliard de bouteilles sont produites par an sur les deux sites -, les forages se sont multipliés, d’abord dans la nappe aquifère supérieure des Muschelkalk, puis dans celle des Grès du Trias inférieur (GTI), un réservoir d’eau faiblement minéralisée située à 100 m de profondeur. Dès les années 1970, une surexploitation est constatée dans certains secteurs, engendrant des tensions préoccupantes à plus d’un titre. D’une part, le secteur sud-ouest des GTI alimente à la fois trois villes (Vittel, Contrexéville et Bulgnéville) et trois industries (les embouteillages de Nestlé Waters et une fromagerie) : 47% de l’eau prélevée est destinée à un usage industriel et 44% à un usage domestique. D’autre part, alors qu’environ trois millions de m3 sont prélevés, la nappe ne peut être rechargée à même hauteur par les eaux de pluie et présente un déficit qui a pu atteindre annuellement un million de m3. Pour Nestlé Waters, l’enjeu est considérable car la société embouteille quatre eaux : Contrex, Hépar, Grande Source et Bonne Source, cette dernière, puisée dans les GTI, étant vendue exclusivement à l'export, notamment en Allemagne qui constitue un important marché.
Pour remédier à cette situation a été instaurée en 2010 une commission locale de l'eau composée d’élus des collectivités, de représentants de l’État et d’organismes publics, et d’usagers. Son objectif est d’élaborer un Schéma d'aménagement et de gestion des eaux à l’échelle d’un bassin versant et de son cours d’eau en tenant compte de la protection du milieu, des contraintes économiques et de l’équilibre entre les différents usagers. En 2018, la commission a décidé que Nestlé Waters pourrait continuer à puiser 750 000 m3 par an dans les GTI mais que l’eau à usage domestique devrait être prélevée dans des captages de surface puis acheminée par des canalisations dans les agglomérations consommatrices. Pour les associations de défense de l’environnement et des consommateurs regroupées dans le Collectif Eau 88, cette solution est inacceptable. Elles dénoncent la priorité donnée à l’industriel sur la population - véritable privatisation d’une ressource de bien commun - d'autant plus que des communes rurales déjà soumises à des restrictions d'eau l'été devraient partager leurs captages de surface pour compenser le déficit des GTI. Le collectif appelle à la baisse des quotas octroyés à Nestlé Waters et à réfléchir à des procédés industriels moins consommateurs d’eau. Pour les élus, l’arbitrage est complexe car les intérêts économiques sont importants pour ce territoire largement rural : Nestlé Waters emploie un millier de salariés et reverse annuellement aux collectivités locales 7 millions d’euros de surtaxe.
En octobre 2019, l’Agence de l’Eau Rhin-Meuse fait savoir qu’elle s’oppose aussi au transfert d’eau à usage domestique et demande la révision du projet pour privilégier une baisse des prélèvements sur la période 2020-2027. Si Nestlé Waters a accepté cette proposition, la question n’est pas pour autant réglée. En effet, l’État l’a autorisée à prélever 305 000 m3 d’eau supplémentaire dans la nappe des Muschelkalk, un réservoir déjà puisé pour la marque Grande Source. Par ailleurs, la question de l’équilibre de la ressource est renvoyée à 2027 or, depuis la loi sur l’eau de 2006, transposant une directive cadre européenne, cet équilibre devait être atteint en 2015.
Ce conflit d’usage dans les Vosges est loin d’être isolé car il a fortement interpellé la presse allemande qui s’en est fait l’écho au point de susciter outre-Rhin le lancement du hashtag #boycottnestle. On retrouve enfin des problématiques similaires dans le Puy-de-Dôme autour de l’exploitation de la source Volvic par Danone, autre multinationale de l’agroalimentaire.
Éclairage média
ParProfesseur agrégé d’histoire-géographie au collège Elsa Triolet à Thaon-les-Vosges
Diffusé à l’été 2018, le reportage de France 3 Lorraine propose un éclairage sur un conflit écologique et économique qui vient d’éclater sur la place publique, celui des ressources en eau de la nappe des grès du Trias inférieur (GTI) qui fournit, entre autres, Bonne Source, l’une des marques que Nestlé Waters embouteille à Vittel.
Les premières images sont tournées dans la campagne aux alentours de Vittel, plus précisément au col du Poirier, à 433 m d’altitude, un point de vue offrant un vaste panorama « vert » à la caméra et un cadre idéal à la direction de Nestlé Waters, qui a donné rendez-vous à la presse pour une vaste opération de communication. L’Italien Maurizio Patarnello, directeur général adjoint et chef de Nestlé Waters depuis janvier 2017, s’est lui-même déplacé pour rassurer ses interlocuteurs. On remarque que ses propos concernent la mise en place d’une politique visant à éliminer les intrants chimiques dans les pratiques agricoles afin d’obtenir une eau de qualité, mais que rien n’est dit sur la question centrale des prélèvements dans la nappe phréatique des GTI qui pose des problèmes de recharge depuis de nombreuses années.
Images de l’embouteillage de Vittel et schéma animée à l’appui, le reportage rappelle bien que l’enjeu actuel n’est pas la qualité de l’eau mais la quantité disponible. La question d’un épuisement de la ressource en 2050 est ainsi évoquée. Interrogé, Marc Benoît, directeur de recherche à l’Institut national de la Recherche agronomique, qui fut aussi président du comité scientifique du Bassin Rhin-Meuse, note que les efforts devront être portés par les industriels comme par les consommateurs.
Quant au projet de transfert d’eau par canalisations pour alimenter la population vitteloise, Jean-François Fleck s’y oppose formellement. Ancien conseiller régional de Lorraine Les Verts (2004-2010), il préside Vosges Nature Environnement (affiliée à France Nature Environnement), l’une des quatre associations membres de la Commission locale de l’Eau (avec Oiseaux-Nature, l’UFC Que choisir et l’Association de Sauvegarde des Vallées et de Prévention des Pollutions) qui se sont regroupées au sein du Collectif Eau 88 pour contester l’orientation prise par les pouvoirs publics dans la gestion de ce dossier. Au-delà des questions liées à la préservation de la ressource, il conteste le fait de faire peser le coût d’investissement et les frais de fonctionnement d’un tel système - même avec une participation de Nestlé Waters - pour assurer les profits à court terme de la multinationale.
Le reportage se clôt sur l’opération de communication de Nestlé Waters, cette fois-ci à Vittel même, avec Maurizio Patarnello animant une réunion entouré de journalistes. Les dernières images suivent le dirigeant dans la Grande galerie des thermes de Vittel, celle-là même érigée sur des plans de Charles Garnier dans les années 1880.
Transcription
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