La maison Lalique à Wingen-Sur-Moder
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Le reportage nous emmène du petit village de Wingen-Sur-Moder dans les Vosges du Nord, berceau des talentueux ouvriers verriers de père en fils, au travail virtuose de René Lalique et à son parcours d’exception (maître-orfèvre de l’art nouveau puis maître-verrier) qui a permis la survivance de cette maison prestigieuse.
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Date de publication du document :
08 déc. 2021
Date de diffusion :
23 nov. 2008
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Lalique : ce nom prestigieux se rapporte à plusieurs générations d’artistes issus d’une même famille. René Lalique naît en 1860 en Champagne mais sa famille s’installe peu de temps après à Paris. C'est là qu'il commence, dès l’âge de seize ans, son apprentissage chez Aucoc, un bijoutier parisien, après avoir suivi les cours des Arts Décoratifs à Paris et effectué un séjour de deux ans en Angleterre. Au moment du décès de son père, en 1885, René Lalique entre comme apprenti dans la maison Aucoc, où il apprend les techniques de la bijouterie-joaillerie. Puis il s'illustre comme dessinateur de bijoux pour les maisons Jacta, Cartier et Boucheron, avant de fonder sa propre maison en reprenant l’atelier du joaillier Jules Destapes, place Gaillon à Paris.
Emile Gallé, fondateur de l’école de Nancy, industriel, maître - verrier, ébéniste et céramiste, voit en lui ”l’inventeur du bijou moderne”. De fait, ces deux artistes contemporains, emblématiques de l’Art nouveau en valorisent toutes les caractéristiques, notamment le goût pour le mélange de matériaux nobles et moins nobles : la corne, l’ivoire, l’émail, les pierres semi-précieuses, le verre… L’observation de la nature est pour eux centrale, d’où cet acronyme des 3F (faune, flore, femme), triade qui suffit à résumer la démarche de l’artisanat d’art de la période Art nouveau. Mais Lalique abandonne le bijou dès le début du XXe siècle, car trop copié et plus suffisamment innovant à son goût. C’est à ce moment, après un bref passage à Combs-la-Ville où il ouvre un premier site verrier en 1913, qu’il vient installer une nouvelle usine plus vaste au cœur des anciens sites verriers d’Alsace, à Wingen-Sur-Moder, en 1921.
C’est aussi la rencontre décisive avec le parfumeur François Coty, dès 1907, qui favorise cette mue. Prolongeant la démarche initiée par l’Art nouveau, il s’agit de produire en série des flacons de parfum dans une volonté de démocratisation de l’artisanat d’art. Cette collaboration va révolutionner l’industrie du parfum : chaque flacon dessiné par Lalique est une œuvre d’art mais aussi un objet industriel fabriqué dans les manufactures comme celles de Wingen-Sur-Moder. De maître-joaillier du bijou Art nouveau, Lalique va devenir maître-verrier du mouvement Art décoratif.
Aux confins de la Lorraine et de l’Alsace, la tradition verrière est déjà solidement installée lorsque René Lalique décide d’y implanter ce qui reste encore l’unique manufacture Lalique au monde, à Wingen-Sur-Moder. Dès le Moyen Âge, en effet, l’activité verrière est importante au sud de la Lorraine à la frontière entre la Champagne et la Franche-Comté, en raison de la présence importante des massifs boisés, matière première essentielle au travail du verre par le biais de la combustion. L’activité baisse à la fin du Moyen Âge en Lorraine car les relations entre les gentilshommes verriers et les ducs de Lorraine se tendent. Mais dès le XVe siècle l’activité d’ouvriers verriers est à nouveau attestée dans les Vosges du Nord, notamment au pays de La Petite-Pierre. Cependant la guerre de Trente ans et la pénurie de bois marquent un temps d’arrêt, de 1618 à 1648, pour cette industrie en Alsace. A la fin du XVIIe siècle, une nouvelle impulsion est donnée au verre en Alsace, plus particulièrement dans les Vosges moyennes, à l’est de Sarrebourg, et surtout dans les Vosges du Nord, au pays de Bitche. C’est incontestablement Wingen-sur-Moder qui en est le fleuron : entre 1707 et 1714, deux verreries y sont ainsi créées.
Par ailleurs, peu avant la Révolution, le secret de la fabrication du cristal, qui jusque-là était l’apanage exclusif des Anglais, s'éventa. Les verriers de la région ajoutèrent à leur tour de l'oxyde de plomb au verre, profitant du point de fusion inférieur de ce matériau, ce qui le rend plus facile à travailler et donne davantage d'éclat à l'objet. Ainsi, l’essor de cette industrie favorisa l’émergence de grands noms de l’industrie du luxe, du cristal et du verre. Outre Lalique, on peut évoquer Daum, Baccarat mais aussi Saint-Louis.
La présence des verreries de la région s'explique par plusieurs raisons. D'abord, la volonté de valoriser les massifs forestiers au service d’une industrie. Mais aussi la présence d'autres matières nécessaires à la fabrication du verre : de la silice (fournie par le sable du grès des Vosges), de l’eau, du salin (potasse) comme fondant. Enfin, soulignons que René Lalique profita également des avantages fiscaux similaires en Alsace à cette époque à ceux d’une zone franche.
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Le reportage date de 2008 et marque la modernisation et l’agrandissement du site Lalique de Wingen-Sur-Moder, racheté par le groupe suisse “Art et Fragrances”, dirigé par Silvio Denz. Le groupe souhaite développer la capacité de production de la cristallerie et inaugure un nouveau four à bassin dès 2010. Le musée Lalique ouvre ses portes deux ans plus tard, en 2010, à Wingen-Sur-Moder, et on peut également noter la valorisation du site par l’inauguration, en 2016, d’un hôtel restaurant étoilé à la Villa Lalique, dans la propriété familiale construite en 1920. Le sujet commence au cœur de l’usine sur les images spectaculaires de l’art du verre qui se pratique sur un matériau en fusion (à plus de 1 000 degrés) et nécessite donc rapidité et dextérité avant que le verre ne se fige. On rend hommage à trois ouvriers verriers issus de la famille Staub : Victor, son frère jumeau Joseph, et Raymond, le frère cadet, graveur. Tous trois oknt été sacrés meilleur ouvrier de France en 1968 et 1978 pour la réalisation virtuose d’une carafe et d’une assiette ciselée. Ce titre prestigieux existe depuis 1929, date de création de l’association nationale des meilleurs ouvriers de France. Son objectif est de valoriser ces savoir-faire et mettre en relation des professionnels de haut niveau dans des champs disciplinaires variés. Les photographies en noir et blanc illustrent la transmission de ce savoir-faire de père en fils sur plusieurs générations.
Le travail se fait d’abord à partir des dessins, comme au temps de René Lalique, qui dessinait ses pièces mais ne les fabriquait pas. Le reportage montre d’ailleurs quelques dessins originaux de Lalique, dessins très précautionneusement exposés au musée Lalique de Wingen car très fragiles. Les images insistent sur la féerie créative des bijoux : chauve-souris, libellules et matériaux étonnants défilent à l’écran. Mais le tournant de la carrière de Lalique, c’est aussi le passage, avec le cristal, à la fabrication de flacons de parfum d’abord puis d'arts de la table.
La dernière partie du reportage se consacre à la pérennité de cette maison de prestige en se centrant sur l’atelier de conception parisien. On voit alors à l’œuvre différents corps de métier : sculptrice, dessinateurs et peintres, mais également l’usage plus récent des nouvelles technologies au service de la modélisation en trois dimensions. Le délicat passage des maquettes au cristal est alors évoqué dans toute sa difficulté tant le matériau reste imprévisible. Actuellement, les ateliers conçoivent encore deux collections par an. Le reportage offre donc à la fois l’exemple d’une entreprise familiale pérennisée sur trois générations, depuis son créateur, René Lalique en passant par Suzanne Haviland-Burty, sa fille et son fils Marc, tous deux au service de la maison et de sa diversification à la moitié du XXe siècle. Marc Lalique travaille plus particulièrement dans le secteur du cristal, là où Suzanne crée des décors pour le théâtre, des poudriers et autres objets décoratifs tels que des vases ou des coupes. Marie-Claude Lalique, fille de Marc, sera la troisième et dernière génération. Elle laisse également sa patte en retournant aux sources de son illustre aïeul avec la création de bijoux et de parfums. Sans héritiers, l’entreprise familiale est vendue quelques années avant la mort de Marie-Claude Lalique, en 1994, au groupe Pochet. La maison Lalique se vante de reposer sur cinq piliers : les objets décoratifs, l'architecture d'intérieur, les bijoux, les parfums et l'art. Associée à des artistes extérieurs, l’entreprise a conservé son propre studio de création, fidèle à l’exigence de haute qualité de son fondateur. Parfait exemple d’une identité double et porteuse entre centralisation parisienne et exercice d’un savoir-faire ancestral et ancré dans les territoires, le nom de Lalique assure un rayonnement exceptionnel au petit village de Wingen-sur-Moder qui a su mettre en valeur cette maîtrise d’un matériau délicat.
Transcription
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