L’industrie du luxe dans la Région Grand Est
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A travers trois sociétés emblématiques de la région Grand Est, une maison de Champagne, une cristallerie et une Tannerie, sont posées les questions de la place occupée par l’industrie du luxe au niveau régional et de la pérennité de ces entreprises.
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Date de publication du document :
08 déc. 2021
Date de diffusion :
27 févr. 2017
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Même si la France se désindustrialise depuis les années 1970, ses systèmes productifs restent puissants et la placent au troisième rang en Europe et au cinquième rang mondial. La France possède des FTN (Firmes transnationales) qui dominent certains secteurs. Il en est ainsi dans le domaine du luxe. Au niveau mondial, deux géants du luxe français occupent les deux premières places du classement. Il s’agit du groupe LVMH (Louis Vuitton Moët Hennessy) propriété de la famille Arnault, depuis 1987 et du groupe Kering (anciennement Pinault Printemps la Redoute) qui s’est tourné vers le luxe après le rachat de Gucci en 1999) propriété de la famille Pinault. Ces deux groupes représentent des chiffres d’affaires estimés, en 2017, à 42,6 milliards d’euros pour le premier et 15,5 milliards pour le second. La France possède 10 groupes de luxe parmi les cent premiers groupes mondiaux, soit le ¼ des ventes mondiales. On pense évidemment à Hermès, L’Oréal ou à Chanel, propriété des frères Alain et Gérard Wertheimer. Si les vêtements et textiles, parfums et cosmétiques en sont les emblèmes, ils sont suivis par la maroquinerie et les chaussures qui représentent un chiffre d’affaires de 22 milliards d’euros et 81 000 emplois. Au niveau économique, le luxe pèse lourd : sa part dans le PIB national (1,7%) est supérieure à celle de l’automobile (0,5%), pourtant longtemps moteur de l’économie, et de l’aéronautique (0,7).
Aux côtés de ces FTN dont les sièges sociaux sont situés dans la métropole parisienne, subsistent des PME marquées par une longue histoire et un fort ancrage régional et local. Certaines constituent des produits de niche à forte valeur ajoutée à l’instar du vignoble champenois, dont la maison Veuve Clicquot Ponsardin fondée en 1772 à Reims est l’un des emblèmes. Les tanneries Haas, créées en 1842, sont dirigées par la sixième génération depuis leur implantation d’origine à Eichoffen, un petit village du Bas-Rhin, tandis que la cristallerie Saint-Louis, fondée en 1586, dans la vallée de Münzthal, en Moselle est la plus ancienne cristallerie de France. Cristallerie royale depuis 1767, sous Louis XV, elle s’implante dans ce qui allait devenir Saint-Louis-lès-Bitche. Ces entreprises réalisent des chiffres d’affaires très importants. La tannerie Haas, qui travaille pour les grandes maisons parisiennes, déclare un chiffre d’affaires de 41 millions d’euros. Les ventes de champagne, produit de luxe par excellence, sont estimées à 5 milliards d’euros, dont 3 à l’export. Et ce chiffre est réalisé aux deux tiers par 5 groupes, le groupe LVMH, propriétaire des maisons Moët Chandon, Veuve Clicquot et Dom Pérignon entre autres, le groupe Laurent Perrier, le groupe Vranken Pommery Monopole, le groupe Lançon BCC et enfin le groupe Pernod Ricard. La maison Veuve Clicquot Ponsardin déclare en 2019 1,625 millions de bénéfices. La cristallerie d’art fait également partie de cette industrie du luxe à l’image de Baccarat, Lalique, Daum et génère, elle aussi, des revenus importants telle la cristallerie Saint-Louis qui avoisine les 20 millions d’euros.
Ces trois secteurs ont fait, depuis plusieurs années, l’objet d’une forte concentration industrielle verticale et de politique de rachats qui ont conduit à la création des groupes géants cités auparavant. Ainsi le groupe LVMH possède-t-il la maison Veuve Clicquot Ponsardin depuis 1987, les tanneries Haas font partie du groupe Chanel depuis 2012 et la cristallerie Saint Louis appartient au groupe Hermès depuis 1995. Ces fusions s’expliquent par la nécessité pour ces entreprises de trouver des investissements pour se diversifier, se développer et se spécialiser. Afin de rester compétitives dans un secteur de plus exigeant et concurrentiel en particulier asiatique et indien, les tanneries Haas ont ainsi décidé, en 2018, de s’agrandir pour faire face à une demande de plus en plus forte. Cela a nécessité un apport de 10 millions d’euros sans compter l’achat des terrains. Pour les FTN, l’objectif est de contrôler les chaînes de valeur ajoutée, les réseaux de fournisseurs, sécuriser leurs approvisionnements dans des secteurs devenus vitaux pour eux et faire face à la concurrence des pays émergents tout autant qu’à une demande qui explose avec l’accroissement du niveau de vie dans les pays émergents, en particulier en Chine. C’est l’un des rares secteurs économiques à ne pas délocaliser et à créer de l’emploi. La maîtrise des NTIC et leur pouvoir d’influence leur assurent un contrôle du secteur. Ainsi la marque Chanel s’est-elle lancé dans un programme de rachat de tanneries, tout comme son concurrent Hermès qui a acquis en 2015 les Tanneries du Puy, en Haute Loire, l’une des plus anciennes spécialisées dans le cuir de veau. La cristallerie Saint-Louis qui comme ses concurrentes avait traversé une crise dans les années 80 a pu grâce au soutien du groupe Hermès développer de nouveaux produits hors des arts de la table, en particulier dans le domaine des luminaires. Elle a su s’ouvrir de nouveaux marchés en particulier en Asie et au Moyen Orient, tout autant qu’y créer des points de vente et de distribution. La pérennité de ces maisons semble donc assurée, le luxe se portant plutôt bien.
Le luxe occupe une place importante dans la région Grand Est et lui offre une grande notoriété grâce au champagne, métiers du bois, du cuir et de cristallerie. La région est d’ailleurs à la tête de la filière, concentrant 99 % des manufactures de verre en France.
Éclairage média
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La séquence relativement longue est un dossier du 12/13 de France 3 Alsace consacré au luxe dans la région Grand Est. L’objectif du reportage est de présenter l’industrie du luxe à la française et ses spécificités à travers un prisme régional. Pour cela, les journalistes ont choisi trois éclairages qui sont présentés successivement, la maison Veuve Clicquot Ponsardin, les Tanneries Haas et la Cristallerie Saint-Louis. L’équilibre est respecté entre les trois entités de la nouvelle région. Le reportage s’ouvre avec comme fond sonore le Thème de Camille, le célèbre adagio du Mépris de Jean-Luc Godard, composé par Georges Delerue et repris à plusieurs moments du film. Cette musique instille de la mélancolie et une certaine dose de nostalgie qui ici est associée à l’image du luxe. La musique et les images utilisées sont d’ailleurs intéressantes car elles offrent un contraste entre l’idée que l’on peut se faire du luxe mais que viennent contredire certaines séquences filmées. Ainsi les vues extérieures de la cristallerie ou des tanneries, le travail dans l’usine très artisanal comme le soufflage du verre ou le tannage des peaux d’aujourd’hui et d’hier sont mis en regard avec des vues prises sur les Champs-Élysées à Paris devant la boutique Chanel, des sacs Hermès (le modèle Kelly), Vuitton et Gucci, des escarpins Chanel. La journaliste Laurence Laborie insiste, dans ses propos, sur cette alliance entre luxe et artisanat qui pourrait surprendre à première vue.
Elle introduit son sujet par une présentation de la maison Veuve Clicquot Ponsardin. On découvre les images de ses galeries souterraines éclairées et, pour certaines parties d’entre elles, richement décorées, de ses chais (lieu de stockage des tonneaux) avant d’entendre l’interview du chef de cave, Dominique Demarville. Ce dernier insiste sur la notion de terroir lié à la craie, sur son unicité en plus du savoir-faire acquis par la maison. Outre un ancrage local marqué, ces trois entreprises partagent le même goût pour le respect des traditions et des savoir-faire. Les tanneries Haas sont restées, en dépit de leur chiffre d’affaires et de leurs extensions multiples, une entreprise de taille moyenne avec une centaine de salariés. Le PDG de la cristallerie Saint-Louis insiste, dans son interview sur la tradition orale, la transmission par les anciens des méthodes de fabrication et la formation au sein de l’entreprise qui prend plus de dix ans. D’où une moyenne d’âge relativement jeune entre 36 et 37 ans. Le reportage le souligne par des images montrant le côté manuel et artisanal : le verre soufflé comme à l’origine, la dorure à la main ou le cuir cousu manuellement à Eichoffen. La force de ces entreprises s’est de s’être ultra spécialisée et d’avoir fait le choix du luxe. Les tanneries Haas ont acquis une très grande expérience dans la production de Box-Calf, de la peau de veau tannée au chrome et ont déposé des brevets, comme le Novocalf et Novonappa, qui sont à l’origine de cuirs très souples. La maison Veuve Clicquot grâce à sa cuvée La Grande dame, une prouesse œnologique, en hommage à la fondatrice, est célèbre dans le monde entier.
Enfin, ces trois entreprises ont en commun l’exigence mais aussi de cultiver un certain mystère. Le luxe se doit de jouer la carte de la discrétion et du happy few. Le reportage se conclut par une présentation de l’Hôtel du Marc à Reims, un hôtel particulier du XIXème siècle, décoré de façon contemporaine qui sert à accueillir les hôtes prestigieux venus du monde entier déguster les champagnes de la maison Veuve Clicquot. La responsable se veut discrète sur les personnalités l’ayant déjà fréquenté. Un luxe artisanal, certes, mais qui ne s’est pas totalement démocratisé. C’est ce que l’on appelle “l’effet Veblen” du nom de l’économiste et sociologue américain, c’est-à-dire le désir des consommateurs d’acquérir un bien dont le prix est élevé avant les autres. Le mécanisme économique qui en découle dans le luxe est que plus la demande est forte plus le prix croît.
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