L’Alsace dans l’UE et la mondialisation : une intégration économique et territoriale

L’Alsace est un espace économique dynamique qui reçoit de nombreux Investissements Directs Étrangers (IDE) de la part de ses voisins européens ou d’autres pays du monde. L’Alsace est un territoire pleinement intégré à l’Union européenne dans la mesure où elle est un moteur des économies intra-communautaire et extra-communautaire. La construction européenne repose sur la volonté de développer les échanges économiques intérieurs d'une part, et de développer le commerce extra-communautaire d'autre part. Le projet européen est donc partie prenante de la mondialisation, qui consiste en un processus continu d'intensification et de fluidification des échanges. Ces échanges peuvent être de différentes natures : culturel, d'information, économiques… Dans ce cadre, les territoires européens sont incités à être davantage compétitifs afin de stimuler l'économie communautaire intérieure et extérieure, notamment par le biais de la stratégie de Lisbonne, décidée en 2000, qui fait de la compétitivité des territoires une de ses priorités. En 2010, la stratégie Europe 2020 prend le pas sur la stratégie de Lisbonne, mais elle conserve tout de même l'objectif de compétitivité des territoires. Le stock d'IDE est un bon indicateur de cette compétitivité et de l'attractivité des territoires : il s'agit des investissements réalisés par une entreprise à l'étranger. Les territoires européens sont donc incités à mettre en place des politiques de développement économique.

L'Alsace bénéficie d'atouts qui permettent une compétitivité accrue et ainsi une insertion sur le marché mondial. En effet, il s'agit d'une région dynamique du point de vue économique grâce à une tradition industrielle ancrée dans le territoire. En effet, l’Alsace est compétitive dans les domaines de la production de machines, de l’automobile ou du BTP et matériaux de construction. Les domaines des biotechnologies et du conseil ne sont pas en reste. De plus, l'économie régionale est dynamisée par l'existence de quatre pôles de compétitivité, c’est-à-dire un réseau d'entreprises, d'unités de recherche et de formation et d'organismes publics spécialisé dans un domaine. Alsace Biovalley, par exemple, est un pôle de compétitivité dédié à la santé (médicaments, imagerie et robotique médicale notamment). Le développement des pôles de compétitivité s'inscrit dans la stratégie Europe 2020. Ils sont gérés à l'échelle locale par l'Agence d'Attractivité de l'Alsace, réunion d'acteurs économiques et institutionnels qui a pour but de rendre le territoire attractif par le biais du marketing territorial. L’économie de l’Alsace est, ainsi, une économie extravertie sur le monde.

L'Alsace est un territoire qui bénéficie également de sa localisation géographique. Il s'agit d'un espace transfrontalier, marqué par d'importants échanges économiques avec son voisin allemand. Les échanges entre le Bade-Wurtemberg en particulier, ou l'Allemagne en général, et l'Alsace sont intenses, durables et structurés. Parmi les nouvelles implantations d’entreprises reçues en 2017 en Alsace, près de 40 % des IDE proviennent de l'Allemagne, suivis par le Japon (14%), l’Espagne et le Canada (9%). Au total, plus de 800 entreprises allemande, à l’instar d’Heroal, sont implantées en Alsace. La frontière franco-allemande apparaît alors comme une interface entre deux systèmes territoriaux différents : coût de la main-d’oeuvre, différentiels de législation, coût de l’immobilier et recherche de nouveaux marchés sont autant de facteurs qui expliquent les implantations allemandes de l’autre côté de la frontière. Ces échanges transfrontaliers sont favorisés par la réglementation de l'Union européenne. Les projets d'implantation d'entreprises dans un espace transfrontalier bénéficient de fait de financements spécifiques de l'Union européenne. Le programme INTERREG Rhin Supérieur qui bénéficie de financements européens (fonds ESI et FEDER) a pour objectif le développement de projets économiques et de recherche notamment dans le cadre de la politique de cohésion. L'Alsace est, ainsi, un espace transfrontalier intégré et attractif dans l'Union européenne.

Le fort dynamisme de la région du point de vue de l'accueil d'entreprises étrangères lui permet de bénéficier d'un développement local, puisque ces entreprises sont pourvoyeuses d'emplois. De fait, la stratégie Europe 2020 affiche dans ses priorités l'augmentation du taux d'emploi. Cependant, tous les territoires alsaciens ne bénéficient pas de ce dynamisme économique. Les espaces frontaliers de la Suisse ou de l'Allemagne sont riches, tandis que les Vosges du Nord en particulier sont délaissés par la politique de compétitivité européenne.

Ce reportage diffusé le 6 avril 2018 est un exemple de marketing territorial. En effet, les deux seuls points de vue abordés sont ceux de l'Agence d'Attractivité de l'Alsace et d'une entreprise allemande implantée en Alsace récemment. Le reportage a pour but la mise en valeur de l'action de l'agence, ainsi que celle de l’Alsace. Le marketing territorial consiste en la promotion des territoires par les pouvoirs publics par le biais des techniques de la publicité et de la communication. L'Agence d'Attractivité de l'Alsace est une agence issue du Conseil Régional du Grand-Est, son président étant le président de la Région. Il s'agit donc bien d'une entité publique, dont l'existence même repose sur le marketing territorial. La chaîne de télévision France 3 Alsace relaie le discours de l'agence afin de mettre en valeur le territoire. En effet, le vocabulaire employé dans le titre du reportage (« Année exceptionnelle ») ou dans les discours des journalistes (« bilan très positif ») renvoie bien à une valorisation de l'action de l'Agence. Le logo de l'agence est d'ailleurs mis en avant dans certains plans (56''). D’autres plans mettent en avant le dialogue mis en place entre l’Agence et les entreprises (48’’ à 1’01’’) où l’ont voit les deux acteurs discuter autour d’une table. Les atouts de la région sont aussi soulignés par les personnes interrogées : patrimoine et savoirs-faire industriels, excellence dans des secteurs spécifiques (santé, mécanique ou mobilité), localisation géographique sont autant de critères mis en avant par l'agence. Le reportage présente ainsi l'Alsace comme un territoire fortement intégré au dynamisme économique européen.

Le reportage adopte ainsi un point de vue partisan, sans viser à l'objectivité de la question. Les inégalités territoriales induites par la compétitivité accrue des territoires ne sont pas mentionnées (à préciser)[1] [2] . De même, le lien entre compétitivité et cohésion à l'échelle de l'Union européenne n'est pas interrogé. De fait, une compétitivité accrue entre les espaces européens peut engendrer une baisse de la solidarité, alors même qu’il s’agit d’un des objectifs majeurs du projet européen. En effet, si chaque territoire veut se distinguer des autres dans un objectif de compétitivité, ce n’est pas dans son intérêt d’aider les autres territoires (objectif de cohésion).