Pour les 250 ans de la mort du roi de Pologne, retour sur la naissance de la place Stanislas à Nancy
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Résumé
Entre 1751 et 1755, le centre-ville de Nancy est profondément transformé pour recevoir sa physionomie actuelle – notamment par la construction de la place Stanislas –, dans le cadre d’un programme ambitieux conçu par l’architecte Emmanuel Héré et décidé par Stanislas Leszczynski, ancien roi de Pologne et duc de Lorraine et de Bar entre 1737 et 1766.
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Date de publication du document :
11 mai 2021
Date de diffusion :
23 févr. 2016
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La place Stanislas doit son nom au dernier duc de Lorraine et de Bar, Stanislas Leszczynski, dont le règne, débuté en 1737, marque la fin de l’indépendance de la principauté lorraine et le début d’un processus d’intégration au royaume de France qui s’achève à sa mort en 1766. Stanislas Leszczynski n’hérite en effet du trône ducal de Lorraine et de Bar qu’au terme d’une transaction diplomatique préalable au traité de Vienne de 1738, qui vient conclure la guerre de succession de Pologne (1733-1735). Au terme de cet accord, le duc de Lorraine et de Bar François III, descendant de la maison de Lorraine qui règne sur les duchés depuis le XVe siècle, accepte d’abandonner la principauté ducale en échange du grand-duché de Toscane. Stanislas Leszczynski, roi de Pologne entre 1704 et 1709 puis entre 1733 et 1734, beau-père du roi Louis XV, reçoit les duchés à titre viager, la principauté devant être réunie à la couronne de France à sa mort, disposition qui fut respectée en 1766.
Durant son règne, Stanislas Leszczynski ne dispose en réalité que d’un pouvoir très limité, du fait d’une convention secrète passée avec la France – la déclaration de Meudon –, qui prévoit que les matières militaires, judiciaires et financières doivent être de la seule compétence du chancelier du duc choisi par le roi, La Galaizière, ancien maître des requêtes et intendant de Soissons. Le roi de Pologne exerce donc principalement son pouvoir par le biais du soutien aux arts et lettres et aux institutions de bienfaisance, ou par le biais de programmes d’architecture comme celui conduit au centre-ville de Nancy entre 1751 et 1755.
À cette date, la capitale du duché de Lorraine a encore pour l’essentiel la physionomie héritée des grands travaux d’extension et de fortification conduits entre les années 1580 et 1610. Les ducs Charles III et Henri II avaient alors consenti un effort financier important pour étendre la capitale – dont la population passe de 7000 habitants en 1580 à 16 000 en 1630 – et la mettre en état de se défendre au moyen de fortifications modernes. Cette forte croissance démographique avait été rendue possible par la construction d’une ville neuve ordonnée selon un plan hippodamien, d’une superficie double de celle de la vieille ville héritée du Moyen Âge. Les deux villes, parfaitement contiguës, sont cependant séparées par un fossé noyé et un rempart établi du côté de la vieille ville, qui apparaît de ce fait comme une sorte de citadelle dans l’ensemble ainsi constitué. Une seule porte, à l’extrémité de la place de la Carrière, permet la communication entre les deux espaces.
Le programme architectural conduit sous le règne de Stanislas Leszczynski est largement inspiré des places royales qui se sont multipliées en France, après les premières expérimentations parisiennes que constituent la place royale (aujourd’hui des Vosges, bâtie à partir de 1605), la place Dauphine (1607), la place des Victoires (1685) et la place des Conquêtes (aujourd’hui Vendôme, 1699). Toutes ces places respectent une architecture ordonnancée, les bâtiments qui les bordent ayant un style homogène afin de faire de l’espace central un théâtre de représentation de la puissance royale, généralement matérialisée par une statue du souverain. Ces programmes manifestent ainsi de manière visible la puissance nouvelle de l’État royal, dont les domaines d’action se diversifient au XVIIe siècle par l’intervention dans le commerce extérieur, les arts et les lettres, l’aménagement du territoire ou, en l’occurrence, l’urbanisme.
La réalisation de l’architecte Emmanuel Héré, choisi par le roi de Pologne pour ce programme, respecte ces principes jusque dans les finalités politiques du projet, puisque la principale place réalisée est d’abord connue sous le nom de place royale et reçoit en son centre une statue de Louis XV. Celle-ci est fondue en 1792, tandis que la place est renommée place du peuple ; elle connaît ensuite les vicissitudes politiques du début du XIXe siècle en devenant la place Napoléon sous l’Empire, puis à nouveau place royale lors de la Restauration, avant de recevoir le nom et la statue qu’on lui connaît aujourd’hui en 1831.
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Après le traditionnel lancement en plateau, le reportage débute par une vue panoramique de la place Stanislas, accompagnée par le requiem en ré mineur de Mozart (K 626, sixième mouvement de la séquence, Lacrimosa), qui est diffusée en fond durant l’ensemble du sujet. Afin de permettre la localisation de la place dans l’espace nancéien, deux plans sont ensuite montrés : le plan dit de Claude de La Ruelle, de 1611 – alors que la place n’existe pas encore –, puis une modélisation 3D portant sur la même période. La voix off mentionne alors une « vaste esplanade, qui jusqu’au XVIIe siècle, séparait ville vieille et ville nouvelle », en une formulation un peu maladroite, la ville neuve n’ayant été achevée qu’au cours de la décennie 1610.
Le reportage se poursuit par l’interview de Richard Dagorne, directeur du musée lorrain – situé à l’intérieur du palais des ducs de Lorraine, dans la vieille ville – depuis 2015, qui présente l’objectif du programme architectural réalisé sous Stanislas, à savoir la fusion des deux villes jusqu’alors séparées en un ensemble urbain unique.
Pour illustrer son propos, le reportage mobilise ensuite une modélisation en trois dimensions de la ville telle qu’elle se présente entre l’achèvement de la ville neuve et le début des travaux de construction de l’ensemble architectural voulu par Stanislas Leszczynski. Cette représentation en trois dimensions, produite par le Centre de Recherche en Architecture et Ingénierie (un laboratoire de l’unité de recherche UMR-MAP 3495, hébergé par l’École Nationale Supérieure d’Architecture de Nancy), permet de visualiser la séparation physique entre la vieille et la nouvelle ville, qui ne sont pendant un siècle et demi connectées que par une seule porte, la porte Royale, située à l’extrémité de la place de la Carrière.
La voix off décrit ensuite les choix architecturaux faits par Emmanuel Héré pour l’entourage immédiat de la place, à savoir quatre pavillons classiques ainsi qu’un ensemble de grilles de fer forgé réalisées par Jean Lamour, ferronnier lorrain apprécié des pouvoirs municipal et ducal, qui a également réalisé des grilles et des balcons pour la basilique Saint-Epvre et pour le palais ducal.
Une autre partie du programme architectural conduit sous Stanislas Leszczynski est visible dans le second plan d’interview de Richard Dagorne, qui s’exprime devant l’arc Héré, situé à l’extrémité de la courte rue Héré, connectant la place Stanislas à la place de la Carrière. Le choix de ce plan est parfaitement congruent avec le propos du directeur du musée lorrain, qui rappelle que les travaux conduits sous le règne de Stanislas Leszczynski ne se limitent pas à la place éponyme, puisqu’on aperçoit au fond de la place de la Carrière le palais du gouvernement, autre réalisation de ce programme architectural. La place d’alliance, située à 150 mètres à l’Est de la place Stanislas, entre les rues Liautey et Girardet, est ensuite brièvement montrée afin de conclure le tour d’horizon des réalisations d’Emmanuel Héré à Nancy.
L’ensemble de ces espaces sont désormais protégés par l’inscription du site au patrimoine mondial de l’UNESCO en 1983, au titre des critères (i) et (iv) des orientations devant guider l’application de la Convention du patrimoine mondial, à savoir le fait de « représenter un chef-d’œuvre du génie créateur humain » et d’« offrir un exemple éminent d’une type de construction ou d’ensemble architectural ou technologique ou de paysage illustrant une ou des périodes significative(s) de l’histoire humaine ». La place Stanislas joue par ailleurs un rôle central dans l’image de la ville de Nancy et contribue donc à l’attractivité touristique de celle-ci, qui a accueilli 3,2 millions de visiteurs en 2018.
Le reportage s’achève par un résumé en voix off faisant état d’un programme architectural qui « témoigne […] de la puissance royale », ce qui n’est pas douteux, et « affirme dans le même temps le Siècle des Lumières », ce qui est moins convaincant. Cette dernière formulation, un peu passe-partout pour toute réalisation du XVIIIe siècle, ne renvoie en effet à aucune caractéristique propre de l’esprit de la période, la construction de places royales à architecture ordonnancée destinées à célébrer le pouvoir remontant dans l’espace francophone au début du XVIIe siècle, avec les places royale (aujourd’hui des Vosges) et Dauphine, à Paris, construites respectivement à partir de 1605 et 1607.
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