Portrait du dessinateur Cabu, châlonnais d’origine, décédé dans l’attentat du 7 janvier 2015 au siège du journal Charlie Hebdo
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Dessinateur de presse et de BD, Cabu appartient à l’univers culturel de plusieurs générations de Français. Son décès lors de l’attentat perpétré le 7 janvier 2017 au matin conduit le JT de France 3 régional à lui rendre hommage. C'est l’occasion pour les Champardennais de redécouvrir une partie de son parcours et de son engagement.
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Date de publication du document :
08 déc. 2021
Date de diffusion :
07 janv. 2015
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Contexte historique
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« Les dieux ont toujours soif, n'en ont jamais assez. Et c'est la mort, la mort toujours recommencée. Mourons pour des idées, d'accord, mais de mort lente ; d'accord, mais de mort lente » chantait Brassens en 1972. Cabu, Clarissa Jean-Philippe, Yohan Cohen, etc., victimes des attentats de janvier 2015 ou Samuel Paty et les inconnus de la Basilique de Nice, victimes des attentats d’octobre 2020, quant à eux, sont décédés de mort violente pour des valeurs.
Ces valeurs de la République attaquées par les islamistes radicaux (se réclamant notamment d’Al-Qaida ou de Daech) lors de 37 attentats entre 11 mars 2012 à Toulouse et le 29 octobre 2020 à Nice sont en lien avec la liberté et les définitions toutes françaises de liberté d’expression, liberté de la presse et liberté de croyance, de conscience et de culte, notamment dans le cadre de la définition française de la laïcité. Autant de libertés constitutionnellement définies et défendues.
Depuis 1905, la conception française de la laïcité acte le principe que l’État respecte toutes les croyances de manière égale et n’en reconnaît officiellement aucune. De ce fait, l’État n’intervient pas dans la religion du citoyen, pas plus que la religion n’intervient dans le fonctionnement de l’État. Aussi, l'organisation collective des cultes doit se faire dans le seul cadre associatif. Pourtant si, la laïcité à la française pose comme fondement la neutralité religieuse de l’État et ne permet pas à l’État d’intervenir dans le fonctionnement de la religion, l’État peut se mêler des questions religieuses si l’une des religions présente sur son territoire est persécutée.
L’islamisme radical, se réclamant notamment du salafisme, est un courant religieux et politique pour lequel l’un et l’autre sont indissociables, aussi la conception française de l’État républicain laïc lui est inconcevable. D’où les attaques répétées à l’égard de la Patrie des Lumières, de sa conception de la laïcité et de la liberté d’expression. Celle-ci s’appuie sur l’article 4 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789 : « la liberté consiste à pouvoir faire tout ce qui ne nuit pas à autrui ». Donc, la liberté d’expression connaît des limites, précisées par la loi (29 juillet 1881) : la diffamation, l’injure, la provocation à la discrimination, la haine ou la violence envers des personnes sont passibles d’une condamnation. Aussi, le code pénal sanctionne le fait d'entraver, d'une manière concertée et à l'aide de menaces, de coups ou de violence l'exercice de la liberté d'expression ou l'exercice de la liberté de création artistique ou de la liberté de la diffusion de la création artistique.
En janvier 2015, les terroristes s’attaquant aux locaux de Charlie Hebdo tuent onze personnes et en blessent autant avant de quitter les lieux au cri de « On a tué Charlie Hebdo, on a vengé le Prophète Mohammed ! ». Pour les terroristes, soutenus par AQPA (Al-Qaida en Péninsule Arabique), l’hebdomadaire satirique est coupable d’un délit de blasphème lorsqu’il publie des caricatures du prophète Mahomet, dont l’Islam interdit toute représentation. Pourtant, le délit de blasphème n’existe pas dans le droit français (au nom des principes de laïcité, de liberté d’expression et de création artistique) et surtout, comme le rappelle, en 2015, l’imam A. Mamoun, représenter le prophète est « un blasphème pour un musulman. C’est lui qui est concerné par les préceptes de l’Islam. Mais un non musulman, il a le droit de faire ce qu’il veut ! » – sous-entendu, dans le respect des lois de la République.
Quand s’ouvre en septembre 2020 le procès de l’attentat, Cabu n’est plus mais son esprit et ses valeurs demeurent vivaces. La conception française de la liberté d’expression, l’hebdomadaire Charlie Hebdo et la presse satirique y ont survécu. La Duduchothèque (musée dédié à l’œuvre et à l’esprit de Cabu), inaugurée à Châlons-en-Champagne en décembre 2018, met en avant cet homme engagé par le crayon durant plus de soixante ans.
Plus qu’un dessinateur, Cabu était un observateur de nos temps et monde, faisant œuvre journalistique sous des airs humoristiques ; la force du message et sa façon particulière de faire du journalisme lui valurent en 1969 le Crayon d’or du dessin de presse, alors remis par le loufoque et engagé Pierre Dac, lui aussi châlonnais, et la reconnaissance du réalisateur Jean-Luc Godard en 2007 qui le qualifie de « meilleur journaliste de France ».
Double ironie du sort ou tours de force de l’espièglerie de Cabu : « Quand on veut tuer un journal / On en meurt à l’imprimerie / Même le hasard fait sa morale » chante Gauvain Sers, et le dessinateur nationalement connu, originaire de Châlons-en-Champagne meurt sous les balles des terroristes dans l’une des rares rues parisiennes portant le nom d’un autre Châlonnais : Nicolas Appert.
Éclairage média
Par
À partir de midi, le 7 janvier 2015, les chaînes d’information en continu et les chaînes de télévision grand public diffusent en boucle des images, des témoignages, des récits de la course folle des frères Kouachi dans Paris et ses environs. Au fur et à mesure que les heures s’égrènent, les noms des victimes de l’attentat de Charlie Hebdo tombent.
Dans l’après-midi l’identité de Jean Cabut, alias Cabu, comme faisant partie des victimes, est révélée. La rédaction locale de France 3 Champagne-Ardenne décide alors de diffuser le soir-même un reportage faisant le portrait de « cet enfant du pays », pour reprendre l’expression employée par la journaliste en plateau. Le reportage a donc été monté et sonorisé au cours de l’après-midi, la voix off mettant très clairement en contexte le fait que les derniers dessins de Cabu sont publiés « aujourd’hui dans le Canard Enchaîné et Charlie Hebdo » et en précisant qu’il « aura donc posé ses crayons ce matin à la veille de son 77ème anniversaire ». Il était né le 13 janvier 1938.
Néanmoins, rien ne précise si l’interview d’Hervé Chabaud, rédacteur en chef de L’Union a été réalisée spécifiquement pour le reportage de ce jour où si, comme pour les images d’archives utilisées, il n’appartenait pas à un fond spécifique, d’ores-et-déjà préparé pour une notice nécrologique, comme cela se pratique dans toutes les rédactions de la presse écrite ou audiovisuelle.
Ce reportage rend hommage au dessinateur de presse originaire de Châlons, néanmoins le faible temps de préparation laissé à la rédaction en explique les lacunes : rien sur les circonstances de sa mort et sur le fait qu’il puisse être considéré comme un martyre de la République, puisque c’est au nom de la liberté d’expression qu’il est assassiné dans une attaque terroriste ciblée. La promptitude de la réaction de la rédaction joue également en sa défaveur, rendant le reportage un peu faible, dans le sens où cela ne permet pas de mettre en lumière les expressions et témoignages divers et variés émanant de la classe politique locale, nationale et internationale mais aussi de la population française à la suite de cet attentat : rassemblements spontanés, lancement du slogan « Je suis Charlie », dès le 7 janvier après-midi. Néanmoins, qu’aurions-nous dit si au soir de cet attentat la rédaction régionale de France 3 n’avait pas daigné diffuser un portrait-hommage ?
Pourtant, par les images d’archives, la rédaction de France 3 met en avant le dessinateur de presse et de bande dessinée, le caricaturiste et libertaire, l’antimilitariste et écologiste, Cabu : figure majeure de l’esprit de contestation à la française et farouche défenseur de la liberté d’expression. Ces images permettent de souligner l’importance du parcours individuel de Cabu : le lycée dans les années 1950, la guerre d’Algérie comme conscrits, les événements de Mai 1968.
Cabu, homme engagé, incarne l’esprit libertaire, l’espièglerie voire la facétie. Figure de proue du dessin libertaire, comme Renaud l’est dans le domaine de la chanson, il représente bien la génération soixante-huitarde qu’il influence par ses dessins et ses prises de position. Pourtant, il accompagne plusieurs générations de Français et participe à l’élaboration d’un substrat culturel commun par le biais de ses personnages fétiches (Le Grand Duduche, le Beauf’), des hommes politiques qu’il se plaît à critiquer et à brocarder (de Charles de Gaulle à Jean-Marie Le Pen en passant par Jacques Chirac ou François Hollande), des questions d’actualité qu’il interroge via son crayon.
Comme dessinateur de presse (L’Union) et notamment de presse satirique (Hara-Kiri, Pilote, Charlie Hebdo, Le Canard enchaîné...), ses collaborations s’inscrivent toujours dans des combats en faveur de la liberté, contre le militarisme et dans une veine anarchiste. Cabu s’invite aussi dans le salon des Français par l’intermédiaire du petit écran dans les années 1980 : de 1978 à 1987, il est présent les après-midis dans l’émission de jeunesse présentée par Dorothée, Récré A2, de 1981 à 1987, certains samedis soirs en prime time, il participe à l’émission de débat politique et sociétal Droit de réponse en dessinant en direct ses réactions face au débat mais aussi en commentant l’actualité de la semaine par une séquence diffusée en début d’émission, à partir de 1987, il participe à l’émission Télématin au cours de laquelle il réagit à l’actualité par ses dessins.
Diffusé le 7, le reportage ne peut pas anticiper le rassemblement du vendredi 9 janvier, place Foch à Châlons-en-Champagne, sous les balcons de l’Hôtel-de-Ville, au pied d’une immense photographie de Jean Cabut ; objet d’un autre reportage diffusé ce soir-là.
Transcription
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