Sauver les petites villes dans les espaces ruraux de la Meuse
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Résumé
En 2020, la venue de la ministre de la Cohésion des territoires puis le lancement du programme Petites villes de demain
dans la Meuse sont l’occasion de faire prendre conscience des difficultés et des besoins des petites villes dans les espaces ruraux.
Langue :
Date de publication du document :
01 déc. 2023
Date de diffusion :
28 déc. 2020
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- 00320
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Contexte historique
ParProfesseur certifié d'histoire-géographie au collège François Legros de Reims
Publication : 01 déc. 2023
La géographie française a enseigné à de nombreuses générations d’écoliers deux antiennes : le contraste entre Paris et le désert français
(selon la formule de Jean-François Gravier en 1947) ainsi que la diagonale du vide traversant la France des Pyrénées aux Ardennes en passant par la Meuse. Aujourd’hui, cette vulgate géographique relève de la représentation pour une grande part (si tant est qu’elle ait eu un jour une réalité). En effet, tout le monde constate l’émergence de métropoles régionales nées d’un contexte de mondialisation favorable aux grandes villes et d’une volonté politique de renforcer en particulier les capitales régionales, dans le cadre de la politique de décentralisation amorcée en 1982. Les mobilités de la population française ont aussi amené les géographes à parler de la diagonale des faibles densités pour rendre compte des dynamiques différentes des territoires. Enfin, soulignons le fait que, depuis 1975, l’INSEE constate la fin de l’exode rural, et même aujourd’hui une croissance des populations dites rurales mais, là aussi, selon des dynamiques très contrastées selon les territoires. Ainsi, les jeunes français d’aujourd’hui consacrent du temps à étudier les aires d’attraction urbaine, englobant agglomérations et territoires périurbains parfois très éloignés des villes-centres, et les espaces de faible densité que l’on pourrait définir par la négative en disant que c’est ce qui n’est pas urbain, à défaut d’une définition consensuelle. Au travers de ces deux études, c’est l’ensemble du territoire qui est abordé pour mettre en évidence ses caractéristiques fonctionnelles et morphologiques, et ses dynamiques.
Mais cette approche géographique passe finalement sous silence un fait majeur des structures territoriales : entre les grandes métropoles et les espaces de faible densité, il existe une armature urbaine présente sur l’ensemble du territoire et constituée de villes petites et moyennes, pour faire simple des chefs-lieux de canton avec leur collège, leur gendarmerie et leur centre des impôts, et des sous-préfectures avec leurs services de l’État, leur lycée et leur hôpital. Cette France-là est paradoxalement très présente dans la vie de chaque Français et en même temps presque invisible… jusqu’à ces dix ou quinze dernières années. Pourtant, les difficultés de ce maillage de villes petites et moyennes (ici, on prendra comme pour le programme des Petites villes de demain le seuil de 20 000 habitants maximum) sont anciennes et aujourd’hui bien documentées.
Le document de France 3 Lorraine permet d’analyser au travers des images et des propos des maires le mécanisme du déclin de ces espaces. Ici, on se contentera de souligner que la prise de conscience date des années 2010 avec les premiers plans spécifiques d’accompagnement de ces territoires en difficulté. Depuis 2014, plusieurs dispositifs ont été mis en place par l’État, avec des cibles et des objectifs différents mais qui ont tous pour point commun d’être fondés sur un constat de dévitalisation. Citons donc dans l’ordre chronologique le programme de revitalisation des centres-bourgs qui a débuté en juin 2014 et a concerné une cinquantaine de communes, en mettant l’accent sur la revitalisation des commerces. Le programme Action cœur de ville
des années 2018-2022 a concerné quelque 200 villes moyennes et portait sur la rénovation urbaine, l’habitat, les commerces, et globalement sur le cœur
de la ville, en d’autres termes, le centre-ville ; la revitalisation commerciale y est centrale. Enfin, en 2020 est lancé le programme Petites villes de demain qui concerne un nombre beaucoup plus important de communes, environ 1 600, et qui cherche avant tout à renforcer leurs fonctions de centralité sur leur bassin de vie. Le reportage revient sur deux communes meusiennes bénéficiant de ce dispositif.
Éclairage média
ParProfesseur certifié d'histoire-géographie au collège François Legros de Reims
Le court reportage de France 3 Lorraine traite de la problématique de la dévitalisation des villes petites et moyennes dans le département de la Meuse en 2020 en présentant deux petites villes emblématiques et les solutions mises en œuvre avec l’aide de l’État. L’analyse des difficultés des petites villes peut être faite en prenant appui sur le discours des deux maires (un de chaque bord politique) et sur les images du reportage. Les deux se complètent et permettent de construire un diagnostic de difficulté. En effet, le reportage multiplie dans les deux villes le même type de plans, qu’on peut juger iconiques de la dévitalisation : rues du centre avec peu de commerces, des façades austères et peu de passants, faiblesse de la circulation automobile, longs travellings montrant les toits anciens de Ligny-en-Barrois et, comme si la difficulté n’était pas assez montrée, on finit par une vue du cimetière. Bref, il y a là un choix de montage qui ne donne pas une image très positive du territoire. Pour étayer le propos, le reportage fait appel au maire de chaque commune, c’est-à-dire au personnage qui la représente démocratiquement et peut donc parler en son nom. Sa légitimité est par ailleurs particulièrement mise en scène avec le maire de Ligny qui est filmé dans un cadre qui multiplie les symboles républicains : drapeau tricolore, Marianne et portrait officiel du président Macron.
Les mots utilisés par les deux maires décrivent les difficultés de leur ville, résultat d’un processus que les élus esquissent à grands traits et que nous pouvons préciser. La fragilisation de ces petites villes date des années 1980, avec les premières fermetures industrielles et les difficultés agricoles (l’élevage laitier important dans la Meuse a été un révélateur de la crise agricole européenne). Les pertes d’emplois entraînent le départ de la partie la plus diplômée et la plus dynamique de la population, alors que les populations les plus âgées et fragiles restent. Deux processus se mettent alors en place : le vieillissement et la paupérisation qui ont pour conséquence une crise du logement et du commerce. Quand de nouveaux habitants s’installent, ce sont le plus souvent des populations en difficulté qui fuient la ville, renforçant ainsi la dévitalisation des centres. Ce processus est par ailleurs accéléré par deux facteurs : d’une part, la France des petites villes est conquise par la grande distribution qui installe en périphérie des petites et moyennes surfaces commerciales concurrençant les artisans locaux ; d’autre part, l’État, dans un souci d’économie et de modernisation, commence à fermer ses services, de l’école à la gendarmerie en passant par le bureau de poste ou le centre des impôts, supprimant au passage des emplois. Pour les petites villes éloignées des grands centres urbains, et incapables d’attirer une nouvelle population jeune et très bien rémunérée, le cercle vicieux des difficultés s’enclenche.
Ces difficultés font aujourd’hui l’objet d’un constat partagé par tous les acteurs. Le reportage évoque ainsi des tentatives de réponses. La première se traduit par l’inauguration d’une maison France Services regroupant les services de l’État dans un espace commun, de façon à offrir un seul lieu pour répondre aux besoins administratifs des habitants. Pour signifier l’importance des enjeux, une ministre a fait le déplacement. L’autre solution évoquée est l’annonce que les deux communes, ainsi que d’autres du département, vont bénéficier d’un nouveau dispositif de l’État avec le programme déjà évoqué des Petites villes de demain. On pourrait ainsi, en conclusion, se demander si, aujourd’hui, l’État ne cherche pas à répondre à la critique formulée par le maire de Ligny qui réclame une politique de ruralisation après la politique de métropolisation, manière de rappeler que si l’État a des solutions à apporter, il est lui-même en partie la cause des difficultés par un abandon relatif d’une partie du territoire national…
Transcription
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