Des métropoles régionales en concurrence : l’exemple des centres de congrès

Se pencher sur la géographie des centres de congrès sur le territoire français peut être une des façons d’aborder le processus de métropolisation et ses dynamiques. L’aménagement de ces grands équipements est en effet un levier pour stimuler l’attractivité d’une métropole. Le secrétariat d’Etat au tourisme en France définit les centres de congrès comme « un lieu qui possède un auditorium, des salles de sous-commissions, une surface d’exposition, un espace de restauration, des équipements techniques appropriés à la tenue de conférences. ». Depuis une dizaine d’années, on assiste à une dynamique de nouvelles réalisations et de rénovations. 

Coach Omnium, société d’études et de conseil spécialisée dans le tourisme d’affaires, recense en France près de 200 établissements pouvant accueillir de grands événements professionnels, dont 120 centres de congrès, 80 parcs des expositions et une vingtaine d’établissements multimodaux. Cette densité de l’offre fait de l’Hexagone un des acteurs phare sur le marché mondial des MICE (meetings, incentives, conferences and events). 

La localisation de ces centres de congrès, ainsi que leur capacité d’accueil permet d’aborder la hiérarchie urbaine en France et le déséquilibre persistant entre le poids de la capitale et les métropoles régionales. Les établissements de plus de 10.000 m2 se trouvent, sans surprise, en grande partie dans des métropoles régionales : Bordeaux, Toulouse, Montpellier, Dijon, Orléans, Le Havre, Lille, Metz, Nancy, Amiens. Les plus grands centres de congrès (d’une superficie supérieure à 15.000 m2) sont implantés dans les plus grandes agglomérations françaises, comme Lille, Lyon, Strasbourg, Marseille mais aussi dans des villes plus petites, dont l’implantation d’un événement international ou un événement historique peuvent expliquer la présence d’un grand centre de congrès, comme à Cannes ou à Vichy. En effet, le palais des congrès de Vichy, rénové dans les années 1990, s’inscrit dans le cadre du casino théâtre inauguré sous Napoléon III, et est inscrit aux Monuments historiques depuis 1996.

Mais c’est Paris qui domine très nettement ce marché. Sur les 2 800 congrès qui se déroulent chaque année en France, 976 se tiennent en Île-de-France. Ces manifestations organisées sur le territoire francilien génèrent 1,1 milliard d’euros de retombées, hors flux d’affaires, pour un total de 1,7 milliard au niveau national. Pour rester en tête de la hiérarchie mondiale, la modernisation du site de Paris Expo Porte de Versailles a débuté en 2015 et devrait s’achever en 2025. En 2017 a déjà été inauguré le Paris Convention Centre, le plus grand centre de congrès d’Europe, ce qui va encore renforcer le poids parisien dans l’accueil des évènements internationaux. 

Les centres de congrès des métropoles régionales peinent de leur côté à attirer une clientèle internationale. En effet, seul un établissement sur 5 en France accueille régulièrement des évènements dont le rayonnement dépasse les frontières régionales (comme le festival international de géographie de Saint-Dié). 

Aborder cette question à l’échelle de la région Grand Est peut-être l’occasion d’aborder les dynamiques spatiales à l’échelle infra-urbaine. Les exemples de Metz et de Nancy montrent que les implantations du centre Jean Prouvé (un centre de tri postal réhabilité, dans l’éco-quartier Nancy Grand Coeur) ou du centre Schuman à Metz en plein cœur de ces villes sont l’occasion de mener des opérations de rénovation urbaine. Le centre de congrès Robert Schuman à Metz qui a ouvert ses portes en 2018 est facilement accessible, implanté au pied de la gare TGV, face au Centre Pompidou-Metz et au cœur d’un quartier de l’Amphithéâtre en pleine mutation, qui a été conçu sur le principe de mixité fonctionnelle. Le nouveau centre de congrès constitue un trait d’union entre ce quartier moderne de l’Amphithéâtre et le centre historique de la ville. 

Les investissements conséquents réalisés par de nombreuses métropoles dans des centres de congrès « nouvelle génération » (multifonctionnel, écologique et hi tech) peuvent être vus comme un des outils au service du marketing territorial engagé par ces territoires (OnlyLyon, Enjoy Montpellier par exemple) pour gagner en attractivité.

Ce reportage dresse un panorama des différents palais des congrès existant dans le Grand Est, en commençant par des images du palais des congrès de Strasbourg, fraîchement rénové pour un montant de 85 millions d’euros, avec l’Eurométropole en maître d’ouvrage. Le journaliste affirme que Strasbourg « veut retrouver sa place de leader derrière Paris » dans ce domaine. Le reportage évoque ensuite la préparation d’un congrès de vétérinaires au palais des congrès de Reims, puis nous propose de découvrir le tout nouveau centre Prouvé au cœur de Nancy pour terminer son tour d’horizon sur les travaux en cours à Metz pour doter la ville d’un Centre de congrès d’une superficie de 18000 m2, pensé par cabinet d’architecte Wilmotte et Associés.

On peut remarquer qu’au moment du tournage, les différents équipements mentionnés n’accueillent pas de manifestations. L’occupation irrégulière de ces locaux et la multiplication de ceux-ci pose donc la question de leur rentabilité au vu des investissements réalisés. C’est le propos de la seconde partie du reportage où il est précisé que 25 palais des congrès ont été créés entre 2011 et 2016 en France et que la région Grand Est bénéficie de 4 installations de haut niveau, à moins de 2 heures de Paris. Ces équipements participent à projeter une image positive des villes concernées en termes de communication. La consultante de Coach Omnium, société d’études et de conseil spécialisée dans le tourisme d’affaires, qui est interrogée à la fin du reportage estime que dans ce marché ultra concurrentiel, la démesure a pris le pas sur la réalité de ce secteur, car ces palais des congrès de province peinent à attirer une clientèle internationale, Paris dominant très largement ce marché.

Une carte qui localise les capacités d’accueil des principaux centres de congrès dans le Grand Est est diffusée dans le reportage et cela aurait pu être l’occasion de montrer que d’autres centres de congrès de grande capacité existent dans le Grand Est, au-delà de ceux qui ont été filmés dans le reportage, ce qui renforce encore la concurrence entre les différentes villes pour devenir des centres du tourisme d’affaires. On peut penser noter au cas de villes moyennes du Grand Est, comme le palais des congrès d’Epinal ou le Capitole de Châlons en Champagne qui accueille la 2e foire agricole de France après le salon de l’agriculture porte de Versailles. Ce constat pourrait être le point de départ d’un travail amenant les élèves à proposer une hiérarchisation de l’armature urbaine du Grand Est et d’identifier les logiques de concurrence ou de complémentarité entre ces métropoles du Grand Est et les grandes métropoles voisines comme Paris pour Reims, Luxembourg pour Metz, Francfort pour Strasbourg ou Bâle pour Mulhouse.