Demain, l'Algérie
Notice
Film sur l'aide française à la construction de l'Algérie à la veille de l'indépendance. La population algérienne dans ses diverses activités : l'école, les jeux et le sport pour les enfants ; le service santé ; l'agriculture, l'industrie, l'aménagement de nouvelles cités pour les adultes.
Éclairage
1961 est une année charnière dans le conflit algérien. L'ALN est en grande partie défaite sur le terrain, tandis que la diplomatie fait son chemin, avec des discussions de plus en plus poussées avec le FLN, entamées lors des premières négociations d'Evian (mai-juin 1961). Peu avant, lors du référendum du 8 janvier 1961, les Français ont ratifié le principe de l'autodétermination en Algérie. Dans un discours le 11 avril 1961, le général de Gaulle évoque même l'Algérie comme un Etat-nation – donc un pays indépendant, mais dans le giron de la France. Pour les militaires et les ultras d'Alger, la coupe est pleine : le 22 avril, ils fomentent un coup d'Etat sur la base de celui du 13 mai 1958 de manière à destituer celui qu'ils avaient amené au pouvoir et qu'ils considèrent comme le « bradeur » de l'Algérie française. Mais le coup d'Etat échoue : les militaires ne sont pas suivis par la troupe.
Terminé le 29 août 1961, ce film est l'un des derniers produits par le SCA (qui s'appelle désormais ECA, Etablissement cinématographique des armées) en Algérie. C'est en quelque sorte un bilan de l'action de la France, qui sonne en même temps comme une justification alors que se profile l'indépendance de l'Algérie. Le film est réalisé par l'ECA, mais il émane de la Délégation du gouvernement en Algérie et du bureau « psychologique » de l'armée en Algérie. Un courrier du chef du service psychologique indique d'ailleurs que le film « sera utilisé dans la campagne pour l'autodétermination. [...] Je me permets d'appeler votre attention sur le fait que le commentaire a été approuvé par le directeur de l'information de la Délégation Générale et ne saurait être modifié dans son esprit » (SHD, 1H2515/2, 7 août 1961). Cette note permet d'indiquer que le SCA/ECA est devenu un outil dépendant essentiellement de la DGA depuis 1959, et qu'il s'agit bien là de propagande politique pour l'autodétermination – mais une propagande semblant émaner de l'armée. Une autre note indique que ce film « destiné à la population rurale a été réalisé en vue de l'autodétermination débouchant sur l'association de l'Algérie et de la France. L'indépendance de l'Algérie y est évoquée » (SHD, 1H2515/1, s.d.). De fait, le film mise, plus qu'aucun autre auparavant, sur la monstration de la population « musulmane », les Européens n'étant pas même mentionnés. Il s'ouvre et se ferme sur un plan sur la population active des Algériens dans la rue, sur fond de musique guillerette : « 1961. Après tant de douloureuses épreuves, l'Algérie avance vers le chemin de l'indépendance et de la paix ». Le fond de la propagande n'a guère changé : le film fait toujours appel aux enfants (« ils marchent avec leurs parents sur la route d'un avenir heureux »), aux femmes libérées (« si elles ont des soucis, ce ne sont que des soucis habituels de bonnes ménagères »), aux hommes mis au travail dans l'agriculture ou l'industrie (« tous les Algériens que nous venons de voir ont du travail ; ils gagnent leur vie, celle de leur famille »), aux écoles, à l'hygiène, etc. ; par contre, ces différents éléments ne sont plus mis au service de l'Algérie française, mais de l'Algérie indépendante coopérant avec la France. Pour la première fois, on ne parle plus des « musulmans » mais des « Algériens », « artisans de l'Algérie indépendante et prospère ». Le film se termine sur « l'association que propose le général de Gaulle, dans la paix et la liberté de tous, où chacun aura sa place et dont l'Algérie indépendante tirera bonheur et prospérité », sur fond de musique évoquant l'espoir.