Honneur, Patrie, Algérie française
Notice
Document à chaud sur l'ambiance délirante à Alger pendant et après le 13 mai.
Éclairage
La période allant d'avril à juin 1958 est un moment particulièrement intense dans l'histoire de France, et c'est l'Algérie qui est au cœur des événements qui font basculer la IVe République. Le gouvernement Gaillard tombe le 15 avril, et le pouvoir reste vacant quinze jours ; mais quand Alger s'aperçoit que c'est Pierre Pflimlin, un partisan des négociations avec le FLN, qui est nommé président du Conseil, des Européens et des militaires décident de s'emparer du gouvernement général de l'Algérie le 13 mai avec l'idée de porter au pouvoir le général de Gaulle, qu'ils pensent (à tort) être le meilleur défenseur de l'Algérie française. Un Comité de salut public rappelant la Révolution française est créé, dont le général Massu est président, et Léon Delbecque, un proche du général de Gaulle, conseiller technique de la Défense nationale. Tout est prêt pour l' « opération Résurrection », qui commence par la prise du pouvoir en Corse et se continue à Paris avec les discussions menées par de Gaulle lui-même ; il est nommé président du Conseil le 1er juin et fait une tournée triomphale en Algérie début juin, qui fait l'objet de plusieurs films (Voir Le général de Gaulle en Algérie).
Il s'agit d'un étonnant document produit par le SCA Algérie afin de favoriser le retour au pouvoir du général de Gaulle suite au 13 mai 1958 – il est daté du 19 mai 1958. Parmi les bizarreries de ce film semi-amateur réalisé à partir des rushes du SCA et développé dans l'urgence à Alger, on note un emploi très particulier du son, notamment des applaudissements et des cris de la population (Salan, Massu, Soustelle...), ainsi que de la voix du speaker, non professionnel – une seconde version existe, faite deux semaines plus tard au SCA Ivry avec le speaker officiel du SCA. En fait, le speaker est un officier du 5e bureau (Action psychologique) d'Alger, pour lequel le film a été réalisé. Ces différents éléments font de ce film un document à chaud sur l'ambiance délirante à Alger pendant et après le 13 mai, avec la mise en scène de la « fraternisation » des Européens et des « musulmans » et de la ferveur des populations orchestrée pour porter le retour au pouvoir du général de Gaulle : « Aux portes de l'abîme, ce sursaut national sauvera la France, et le général de Gaulle donnera à cette résurrection son retentissement mondial ». On le voit, le terme « résurrection », qui est le nom de code du coup d'Etat, est prononcé. Rappelant la Révolution française, le speaker indique que « Dix millions de Français se mobilisent au profit de la patrie en danger ». Ce film, qui avait donc une visée politique évidente, a été effectivement diffusé dans les salles de cinéma d'Alger à cette période.