Le Centre Pompidou-Metz : changer l'image de la métropole lorraine

En 2003 est annoncée la création du Centre Pompidou-Metz, en partenariat avec le Musée national d’art moderne - Centre Pompidou à Paris, le ministère de la Culture et des collectivités territoriales. La ville de Metz est choisie parmi plusieurs autres villes candidates. Les terrains disponibles au cœur de l’agglomération, la proximité de la gare permettant la liaison directe avec Paris, et la situation frontalière du département mosellan se sont révélés de véritables atouts. Un concours international d’architecture est organisé, et remporté par le Français Jean de Gastines et le Japonais Shigeru Ban. Construit en trois ans, le centre culturel est inauguré le 11 mai 2010 par le président de la République Nicolas Sarkozy avant d’être ouvert au public. Le financement a été réalisé en grande partie par la communauté d’agglomération messine (aujourd’hui Metz Métropole), qui a assuré la maîtrise d’œuvre, en association avec la municipalité de Metz et le Centre Pompidou. Le département de la Moselle, l’ancienne région Lorraine, l’Etat et l’Union européenne, à travers les fonds du Feder, ont apporté leur soutien financier, ainsi qu’un mécène privé, le groupe Wendel, ancienne famille lorraine de maîtres de forge reconvertie dans les activités financières. Il ne s’agit pas d’un musée, car l’établissement ne possède pas de fonds propres, mais d’une institution sœur du célèbre établissement parisien où le site messin puise ses œuvres. Il a le statut d’établissement public de coopération culturelle (EPCC).

Metz, agglomération de 230 000 habitants, veut mettre à profit l’installation de ce centre d’art moderne et contemporain pour s’affirmer comme capitale culturelle à l’échelle européenne. Le projet s’inscrit dans une opération d’urbanisme d’envergure permettant l’aménagement des quartiers d’arrière-gare et leur desserte par des transports doux, avec un label de haute qualité environnementale. Le quartier de l’Amphithéâtre est alors en pleine transformation : il s'agit de requalifier un grand espace de 50 hectares, à propos duquel la réflexion avait commencé dès la dernière décennie du XXe siècle. Les anciennes friches ferroviaires et militaires ont laissé place dès 2002, dans la partie orientale, à un parc urbain intégrant un projet de restauration des zones humides, le parc de la Seille (aujourd’hui Jardins Jean-Marie Pelt) et au palais omnisport des Arènes. L’aménagement de la partie ouest s’est faite progressivement avec des logements, des bureaux et des activités commerciales. Sont notamment prévus une halle commerciale, de l’hôtellerie haut de gamme, un centre des congrès - le centre Robert Schumann - inauguré en 2018, et des bureaux, dans une logique de mixité fonctionnelle. L’ensemble est organisé autour de la toute nouvelle institution culturelle, qui doit en être la vitrine visible dès l’arrivée en gare des voyageurs. Les autorités souhaitent que le nouveau bâtiment ait un impact architectural similaire à celui du Centre Pompidou à Paris, créé par Renzo Piano et Richard Rogers et inauguré en 1977.

L’étude de l’aménagement du site permet de comprendre l’évolution architecturale et fonctionnelle du quartier, et comment Metz a saisi cette opportunité pour développer une image de marque, dans un contexte de concurrence accrue entre métropoles régionales. Cet exemple de décentralisation culturelle s’inscrit dans une logique d’aménagement des territoires, et dans un contexte de métropolisation. La métropole nord-lorraine en attend à la fois des retombées économiques liées au développement d’un tourisme culturel et urbain, et une image renouvelée, reléguant dans le passé sa réputation de ville de garnison et affirmant son statut de métropole régionale. Un nouveau cœur d’agglomération est ainsi en construction.

Le Centre Pompidou-Metz, dix ans après, se révèle être un succès. Le nombre de visiteurs annuel est en effet supérieur aux attentes, avec plus de 300 000 visiteurs par an. Un tiers des visiteurs est d’origine étrangère. En plus de la programmation pluridisciplinaire du centre, les manifestations d’art contemporain sont devenues régulières à Metz, avec notamment le festival annuel d’arts numériques Constellations. Le tourisme joue un rôle économique de plus en plus important dans l’agglomération qui, de ville de passage, tend à s’affirmer comme destination à part entière.

Consacré au Centre Pompidou-Metz, en Moselle, ce reportage a été diffusé dans l’édition nationale du journal télévisé de France 3 le 10 mai 2010, à la veille de l’inauguration du site. Il alterne des images du bâtiment, à l’architecture novatrice, avec les interviews des architectes de renommée internationale Jean de Gastines et Shigeru Ban. Ce dernier explique qu’il a conçu la toiture en reprenant la forme et de la structure en bambou d’un chapeau chinois. La conceptrice japonaise des lumières extérieures, Arika-Lisa Ishii, a été inspirée par le caractère aérien de la réalisation. Les images intérieures et extérieures du bâtiment permettent de voir comment les architectes ont allégé les structures pour ouvrir au maximum les espaces et donner une sensation de légèreté et de liberté, liée aux lignes concaves. Le projet de Shigeru Ban repose sur l’articulation d’une nef centrale destinée à exposer des œuvres de grandes dimensions, ce qui n’est pas possible à Beaubourg, et trois galeries, sous formes de tubes, comme suspendues au-dessus. La toiture en ossature bois, de structure hexagonale, est recouverte d’une membrane étanche à base de fibre de verre et de téflon qui laisse pénétrer la lumière du jour. Les baies extérieures installées à l’extrémité de chacune des trois galeries offrent une vue imprenable sur la ville de Metz et notamment la cathédrale Saint-Etienne. Dans ses réalisations, Shigeru Ban crée une perméabilité entre espaces intérieurs et extérieurs, offrant un prolongement visuel entre les deux, et encourageant les visiteurs à entrer. Ses bâtiments sont particulièrement sobres, conçus avec une grande économie de moyens. Il utilise souvent du carton et du papier. L’architecte japonais a travaillé pendant plusieurs années comme conseiller pour le Haut-Commissariat aux réfugiés, imaginant des structures innovantes en tubes de cartons pour réaliser des logements d’urgence, ce qui lui a valu le surnom d’ « architecte de l’urgence ». Avec Jean de Gastines comme associé, il a aussi participé à la réalisation de la Cité Manifeste, ensemble de 61 logements sociaux à Mulhouse, aux côtés d’autres architectes renommés comme Jean Nouvel. Le Centre Pompidou-Metz fait partie des créations qui lui ont permis d’obtenir le prix Pritzker Architecture en 2014.

Le reportage fait le rapprochement avec le musée Guggenheim de Bilbao, conçu comme un événement architectural en soi par l’architecte Frank Gehry.  Il a ouvert en 1997 et s’inscrit dans le cadre d’une politique de rénovation urbaine de la municipalité de Bilbao, suite à la désindustrialisation qui a frappé la région basque. En France, il est aussi possible de penser au Louvre-Lens ouvert en 2012, sur une ancienne fosse de mine, qui porte l’espoir de la reconversion des anciens carreaux de mine du Nord-Pas-de-Calais.

Le reportage montre aussi quelques-unes des œuvres présentées à l’occasion de l’exposition inaugurale intitulée « Chefs d’œuvre ? ». Extraites en majorité des collections parisiennes du Musée national d’art moderne, 800 œuvres permettent aux visiteurs d’appréhender l’art du XXe siècle de Miro à Picasso, et couvrent tous les secteurs de la collection du Centre Pompidou, de la peinture à la sculpture en passant par le cinéma ou le design.