Lutter contre les déserts médicaux en milieu rural
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L’exemple de la commune de Vendeuvre-sur-Barse (Aube) permet de définir ce que l’on appelle les « déserts médicaux » en milieu rural et d’appréhender les politiques mises en œuvre à différentes échelles et par différents acteurs pour tenter de les juguler (fin du numerus clausus, recours à des médecins étrangers, développement du numérique, création de maisons de santé pluriprofessionnelles…), sans omettre néanmoins les limites de ces politiques.
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Date de publication du document :
16 nov. 2022
Date de diffusion :
25 juil. 2020
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Contexte historique
ParProfesseur agrégé d’histoire-géographie au collège Elsa Triolet à Thaon-les-Vosges
En 2021, le service d’études du ministère de la Santé recense 214 224 médecins en France contre 212 630 en 2012, soit une quasi stagnation (+ 0,75 %). Dans le détail, si le nombre de spécialistes croît (+ 6,4 %), celui des généralistes chute en passant de 100 121 à 94 538 (- 5,6 %), une tendance qui devrait se poursuivre jusqu’en 2026 avant de repartir à la hausse progressivement d’ici à 2050. Cette évolution est à la fois le fruit d’une vague de départ à la retraite de nombreux praticiens et d’un recrutement insuffisant dans les années 1990 – le numerus clausus, c’est-à-dire le nombre d’étudiants en médecine accédant à la 2e année, ayant été limité à moins de 4 000 places contre plus de 9 000 en 2019.
À cette question statistique s’ajoute une dimension géographique. La densité médicale permet d’appréhender l’offre de soins en mesurant le nombre de professionnels de santé par rapport à la population d’un territoire donné sur la base de 100 000 habitants. Elle définit ainsi les zones dans lesquelles cette offre est déficitaire et que l’on désigne comme des déserts médicaux
. Concrètement, cela implique, entre autres, des difficultés d’accès liées à l’absence de praticiens ou à leur éloignement, des délais de rendez-vous très importants, des difficultés de permanence des soins alourdissant la fréquentation du SAMU ou des urgences hospitalières. En travaillant à l’échelle des anciennes régions, on constate que la densité des généralistes baisse fortement depuis 2012 et en 2021, elle s’échelonne de 110 pour 100 000 habitants en Centre-Val de Loire à 229 en Aquitaine et Provence-Alpes-Côte d’Azur. Concernant le Grand Est, elle oscille de 131 en Champagne-Ardenne à 136 en Lorraine et 148 en Alsace. Cette diminution de la densité du nombre de généralistes est cependant contrebalancée par une hausse de celle des spécialistes, mais avec toujours une répartition très inégale sur le territoire.
Ce problème a été compensé partiellement et temporairement par le recours à des médecins étrangers avec un diplôme européen ou extra-européen. Leur nombre a quasiment été multiplié par deux (+ 90 %) entre 2007 et 2017 : ils forment 7 % des médecins travaillant en France en 2021. Fait notable : la montée en puissance des médecins diplômés en Roumanie dont l’effectif a été multiplié par sept depuis 2007, date de l’entrée du pays dans l’Union européenne.
Face à cette situation de tension, les pouvoirs publics ont mis en œuvre une série de mesures qui découlent du plan « Ma santé 2022 » et dont l’une des premières décisions a été de mettre fin au numerus clausus à la rentrée 2021. Concernant la question spécifique des déserts médicaux, le ministère de la Santé privilégie trois axes en incitant les médecins à s’y installer (allocation de bourses en échange de l’installation, aides financières à l’installation, soutien aux centres et maisons de santé…), en encourageant de nouvelles formes d’exercice médical (déployer la télémédecine et le télésoin, créer des postes partagés de médecins entre la ville et l’hôpital…), en libérant enfin du « temps médical » en s’appuyant sur d’autres professionnels de santé (créer la fonction d’assistant médical pour le pré-consultation et le suivi, déléguer certaines tâches comme la vaccination en pharmacie…).
Sur le terrain l’un des outils de cette politique est la multiplication des maisons de santé pluriprofessionnelles (MSP) regroupant en un même site des médecins généralistes et/ou spécialistes et des professionnels paramédicaux (infirmières, kinésithérapeutes, diététiciennes,…) exerçant en libéral sur un territoire défini comme fragile
en termes de démographie médicale, qu’il s’agisse de territoires ruraux ou de quartiers prioritaires de la ville. En 2019, l’agence régionale de santé Grand Est accompagnait le fonctionnement de 128 de ces MSP tout en apportant son appui à plus de 80 projets, sans compter le suivi de 7 maisons de santé en quartiers prioritaires. Les collectivités territoriales sont parties prenantes de cette politique en la déclinant à leur échelle. La région Grand Est propose ainsi une subvention plafonnée à 150 000 € pour les dépenses d’investissement. Quant aux communes et regroupements de communes, elles portent souvent les projets en lien avec d’autres acteurs de santé (associations loi 1901 ou 1905, établissements de santé, etc.). C’est le cas de la MSP de Vendeuvre-sur-Barse.
Éclairage média
ParProfesseur agrégé d’histoire-géographie au collège Elsa Triolet à Thaon-les-Vosges
Les images d’un village calme et fleuri plantent le décor du reportage : Vendeuvre-sur-Barse, une commune de 2 315 habitants (et non 5 000) située au centre-est du département de l’Aube, entre la forêt d’Orient au nord et la Champagne humide au sud. Sans en être le siège, et considérée comme une commune rurale hors d’attraction des villes, elle est la plus importante entité de la communauté de communes de Vendeuvre-Soulaines créée en 2017 regroupant un peu moins de 7 700 habitants.
Les témoignages de trois vendeuvrois(es) disent les difficultés rencontrées pour obtenir un rendez-vous médical dans cette commune qui ne dispose plus que d’une seule médecin généraliste, en l’occurrence Mariana Oprica, une Roumaine de 59 ans arrivée en 2017. Interrogée dans son cabinet, elle évoque la double évolution qui frappe ce territoire : une population de plus en plus âgée et un collègue parti à la retraite non remplacé. La conséquence mécanique en est une baisse de l’offre de soins de santé dans cet environnement rural. Cette évolution démographique se lit dans les chiffres : entre 20 ans (1999-2019), Vendeuvre a perdu 11,7 % de sa population alors que celle de l’Aube a progressé de 6,20 %, loin derrière cependant des +14,6 % constatés à l’échelle nationale. En termes de densité de médecins généralistes, la communauté de communes affiche en 2020 un taux de 39,1 pour 100 000 habitants, l’un des plus faibles de la région Grand Est. À titre de comparaison, on relève 76,6 dans la communauté d’agglomération voisine de Troyes Champagne Métropole et 132,9 pour l’Eurométropole de Strasbourg.
Le reportage s’attarde ensuite sur le bâtiment flambant neuf de la maison de santé pluridisciplinaire des Rives de Barse inaugurée en 2020. Elle a été établie sur le site de l’ancien usine de l’entreprise de menuiseries industrielles Simpa liquidée en 2014. Les treize plaques de professionnels de santé à l’entrée du bâtiment montre l’ambition qu’ont les promoteurs de la MSP. Outre la médecin généraliste, on y trouve notamment des chirurgiens dentistes, des infirmières, un ostéopathe, une nutritionniste (mais uniquement les lundis et sur rendez-vous). Le projet a été porté depuis 2017 par l’Association du Vendeuvrois des Professionnels de Santé avec le soutien de l’ARS Grand Est et de la communauté de communes. Son président François Jacquel en explique les objectifs : regrouper des professionnels de santé sur un plateau unique et équipé, permettre aux jeunes médecins de retrouver la pluridisciplinarité expérimentée en milieu hospitalier durant leur internat, offrir à la patientèle une gamme de soins en évitant de longs déplacements.
Cependant, comme l’explique la maire de Vendeuvre-sur-Barse, Marielle Chevallier, interrogée à l’hôtel-de-ville, nombre de praticiens – et leur famille – sont réticents à s’installer en milieu rural, loin des opportunités professionnelles mais aussi pratiques qu’offrent une agglomération. À cela s’ajoutent d’autres contraintes propres au milieu rural, en particulier la nécessité de faire de nombreuses visites à domicile auprès de personnes âgées non véhiculées.
Le dernier témoignage proposé est celui de Philippe Robert, le généraliste qui a récemment cessé son activité et déplore la disparition du secrétariat médical remplacé par une plate-forme informatique pour les prises de rendrez-vous, un obstacle supplémentaire à l’accès aux soins pour les personnes éloignées du numérique et/ou touchées par les zones blanches. On peut supposer que le coût salarial explique ce choix mais, comme le conclut le reportage, la communauté de communes se penche désormais sur les moyens humains à mobiliser pour rendre effective une meilleure offre de soins, notamment en salariant des médecins généralistes.
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