La base sous-marine du port de Marseille se transforme en data center
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L'ancienne base militaire « Martha », construite dans le port de Marseille en 1943 par les forces allemandes, devait à l'origine produire et stocker des sous-marins. Aujourd'hui, elle se transforme en data center. Troisième centre de données de la société Interxion à Marseille, un chantier de 140 millions d'euros est en cours pour réhabiliter cet espace, et bientôt accueillir les données du monde entier.
Date de diffusion :
17 mai 2019
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Contexte historique
ParDocteur en Histoire contemporaine, Post-doctorant à Aix-Marseille Université
Publication : 2021
Dans le bassin Est du grand port maritime de Marseille (GPMM), au sein d’une ancienne base sous-marine allemande construite lors de la Seconde Guerre mondiale, la société hollandaise Interxion est en 2019 en cours d’installation de son troisième data center (MSR3) marseillais. Un centre de données est un lieu dans lequel sont conservés, de manière extrêmement sécurisée, les serveurs informatiques des entreprises, en particulier ceux des géants mondiaux du cloud. Ces serveurs sont les pierres angulaires de l’essor constant de l’économie numérique en lien avec la digitalisation croissante des entreprises.
Dès 2014, l’hébergeur néerlandais a agrandi et modernisé un centre de données racheté à la société française SFR situé rue Roger Salengro à Marseille en arrière du port. Rebaptisé MSR1, il a été ouvert en 2015. La même société a ensuite inauguré en 2018 un second centre de données (MSR2) situé comme le troisième dans l’enceinte portuaire au sein de hangars ayant servi à entreposer des céréales et de l’huile d’olive avant d’accueillir jusqu’en 1995 des ateliers de maintenance industrielle.
Leader européen de la réalisation et de l’exploitation de data centers, dont le métier consiste à interconnecter à moindre coût les acteurs du numérique (opérateurs télécoms, fournisseurs de cloud ou de médias numériques etc.) et à leur offrir une vitesse de transfert de données la plus élevée possible, Interxion n’a pas choisi Marseille par hasard. Son littoral est en effet le point d’arrivée de plus d’une dizaine de câbles intercontinentaux sous-marins de télécommunication en provenance du Moyen-Orient, d’Afrique ou d’Asie. Ces derniers suivent d’ailleurs certaines des routes commerciales historiquement liées à la prospérité du port de la cité phocéenne. Par l’intermédiaire de ces fibres optiques, Marseille offre, à l’Europe du numérique, une porte d’accès directe à une quarantaine de pays, soit plusieurs milliards de personnes.
La ville et son port ont donc su profiter de cette position géographique stratégique d’interface pour se positionner, ces dernières années, comme un hub d’échange numérique qui compte à l’échelle mondiale. Le succès marseillais, dans la compétition avec les autres ports de la rive nord de la Méditerranée, tout autant désireux d’accueillir ces câbles, tient aussi à son hinterland (arrière-pays). La vallée du Rhône et ses prolongements permettent en effet d’aisément connecter (sans montagnes à franchir comme les Alpes ou les Pyrénées) la cité phocéenne aux quatre plus grands centres de données européens que sont Francfort, Londres, Amsterdam et Paris, souvent désignés sous l’acronyme FLAP. Des enseignements ont donc été tirés du développement trop tardif du trafic des conteneurs n’ayant pas permis, avec les mêmes atouts, de faire de Marseille une des premières plateformes portuaires mondiales du transport et du transit de marchandises. La cité phocéenne occupe en revanche en 2019 la neuvième place mondiale des plateformes d’échange de données derrière New York mais devant Hong Kong, alors que la société Interxion a d’ores et déjà planifié la construction d’un quatrième data center (MSR4) sur le port de Marseille.
Ces flux d’échange de données ont toutefois besoin d’ancrages physiques. Interxion réalise avec MSR3 un investissement conséquent de 140 millions d’euros. Ce montant se justifie au regard des importants travaux nécessaires à la réhabilitation et la transformation d’une ancienne base sous-marine allemande. Cette base construite à partir de 1943 faisait partie intégrante des fortifications côtières édifiées de Cerbère, dans les Pyrénées-Orientales, à Menton dans les Alpes-Maritimes, par les Nazis pour se prémunir d’une invasion des Alliés présents au Maghreb depuis novembre 1942. Martha est demeurée inachevée en raison du débarquement de Provence d’août 1944. À la Libération, elle sert à la rétention des prisonniers allemands. La conservation à long terme des dessins laissés sur place par ces derniers fait d’ailleurs l’objet de toutes les attentions, en raison de leur valeur patrimoniale. Délaissé durant 75 ans, cet ancien bunker, grand comme deux terrains de football, se compose de caissons en béton armé parfaitement adaptés pour recevoir des salles blanches destinées à protéger les serveurs de stockage de données de la poussière, tout en maintenant une température et une hygrométrie adaptée. La présence d’une rivière souterraine venant des anciennes mines de Gardanne permet à Interxion de mettre en place un système de refroidissement des serveurs innovant moins gourmand en énergie, appelé River Cooling. Avec ce centre de donnés moins énergivore, la société économise de l’argent tout en redorant son image de marque environnementale. Elle répond en effet à la critique fondée de la forte empreinte carbone de ce type d’infrastructure (MSR3 consomme autant d’électricité qu’une ville de 20 000 habitants). Les murs et le toit en béton, respectivement de près de trois mètres et de cinq mètres et demi d’épaisseur, conçus pour résister aux bombardements, sont des gages de sécurité, d’autant qu’Interxion a installé à l’intérieur toute une panoplie de systèmes de protection pour prémunir ses clients à la fois contre les intrusions physiques et les cyberattaques.
Bibliographie
- Jacques Attali, Histoires de la mer, Paris, Fayard, 2017.
- Pierre Royer, Géopolitique des mers et des océans. Qui tient la mer tient le monde, Paris, Presses universitaires de France, 2012.
- Charlotte Ruggeri (dir.), Atlas des villes mondiales, Paris, Autrement, 2020.
Transcription
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