Entretien avec Michel Droit, deuxième Partie
Notice
Deuxième entretien télévisé entre le général de Gaulle, candidat à la présidence de la République, et Michel Droit, rédacteur en chef du Figaro littéraire, entre les deux tours de l'élection présidentielle. Par le dipositif adopté et l'attitude du Général, cette série d'entretiens cherche à faire oublier l'image d'un personnage lointain, voire hautain, et d'un homme vieilli. Ce deuxième entretien traite de la politique étrangère de la France. Le général de Gaulle dévelope d'abord longuement sa vision de l'Europe, et s'explique sur l'usage du terme "Europe des patries" qu'on lui prête habituellement. Il parle ensuite des Etats-Unis, et se défend vigoureusement d'être antiaméricain. Enfin, il explique ce qu'apporte à la France la possession de l'arme atomique, et il justifie la politique de coopération de la France avec les pays du Tiers-Monde, notamment avec ses anciennes colonies.
- Politique extérieure > Construction européenne > Communauté économique européenne
- Politique extérieure > Construction européenne > Europe politique
- Politique extérieure > Relations internationales > Guerre froide > Détente
- Politique extérieure > Relations internationales > Relations franco > américaines
- Politique extérieure > Tiers Monde > Coopération
- Politique intérieure > Défense nationale > Armement > Arme atomique
- Politique intérieure > Economie > Activité économique > Agriculture
- Afrique > Rhodésie
- Amérique du Nord > Etats-Unis > Pearl Harbor
- Asie > Malaisie
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- Europe > Belgique > Bruxelles
- Europe > Espagne
- Europe > France > Ile-de-France > Paris
- Europe > Grande-Bretagne > Angleterre
- Europe > Italie > Rome
- Europe > Luxembourg
- Europe > Pays-Bas
- Moyen-Orient > Yémen > Aden
Éclairage
À la fin de l'année 1965, les Français élisent leur président au suffrage universel pour la première fois : c'est un principe inscrit dans la Constitution depuis 1962, mais dont l'usage reste à légitimer. Parallèlement, à la télévision, un principe d'égalité est instauré pour tous les candidats qui disposent de 2 heures de temps de parole. C'est la première fois dans l'histoire du petit écran qu'une telle durée d'expression est attribuée aux différents courants politiques. Ainsi, le 19 décembre, les téléspectateurs assistent-ils, stupéfaits, à la profession de foi de cinq des six candidats à l'élection présidentielle dont celle du représentant MRP Jean Lecanuet ou celle de François Mitterrand de la Fédération de la Gauche Démocratique et Sociale. Tous profitent largement de leur liberté de parole. Seul le général de Gaulle - qui mène sa campagne du premier tour sur le thème "je refuse d'être un candidat comme les autres" - n'utilise qu'une trentaine de minutes réparties en trois allocutions. Cette stratégie ne sera pas payante : le ballottage - premier signe de l'usure du pouvoir et qui s'apparente, pour de Gaulle, à une défaite - va contraindre le président sortant à courtiser lui aussi l'électeur sur les ondes télévisées. Pour la campagne du second tour, il accepte de participer (c'est une première !) à une série de 3 entretiens (tous enregistrés le même jour) avec le fidèle Michel Droit. Menées sur un ton familier, ces discussions défont l'image d'un homme seul et imperméable aux sentiments des petites gens. Le second entretien est diffusé le 14 décembre et porte sur le rôle et la place de la France dans le monde. Et c'est d'abord sur le Marché commun que le Général commence par "mettre les points sur les "i"". En effet, depuis le mois de juillet 1965, la construction de l'Europe subit la crise de "la chaise vide" : la France s'oppose à deux réformes (relatives à un renforcement du Parlement et de la Commission européenne au détriment de l'exécutif des États). Pour de Gaulle, accepter reviendrait à transformer l'Europe en une fédération à caractère supranational, ce qu'il refuse absolument. Aussi va-t-il profiter de l'épreuve de force qui se joue parallèlement autour de l'intégration de l'agriculture au Marché commun (où il reste à discuter le règlement financier) : le 30 juin 1965, aucun accord n'a encore été signé et de Gaulle décide de rompre. Si bien qu'au moment où il s'adresse aux Français ce 14 décembre, l'union européenne semble être en grand péril (cette crise sera résolue par le compromis de Luxembourg dès janvier 1966). L'entretien se dirige ensuite sur les questions de la coopération de la France avec les pays en voie de développement ("un bon placement" dit le Général), sur les nécessités d'une force de frappe française, postulat à toute velléité d'indépendance face aux deux superpuissances qui dominent alors le monde, et enfin, sur le rôle essentiel du pays ("La France est pour la paix, il lui faut la paix"). Allègre, malicieux, clair et convaincant, le général de Gaulle séduit ; il remporte, le dimanche 19 décembre 1965 le second tour de l'élection présidentielle, face à François Mitterrand, avec 54,5% des voix. Dans Le Figaro Jacques Faizant dessine sa célèbre Marianne déclarant au Général : "Et, bien!...Tu vois, gros bêta ! Tu m'aurais parlé comme ça plus tôt !..".