La fabrique des patrimoines
Présentation
Patrimoine religieux, patrimoine archéologique, Patrimoine Culturel Immatériel... Vaste et précieux, ainsi peut-on définir le patrimoine en Bretagne.
Les images d'archives nous montrent à quel point il est présent et vivant au cœur de la société bretonne, et ce de façon de plus en plus évidente depuis la seconde moitié du XXe siècle.
Il faut le saisir, l'explorer, le transmettre, afin de le sauver de l'oubli. Ainsi, qu'ils soient matériels ou immatériels, une fois leur valeur patrimoniale reconnue, l'ensemble des objets patrimoniaux bénéficient de soins généreux, car ils sont destinés à être remis entre les mains de la société.
Découvrir, identifier et reconnaître
Le patrimoine ne surgit-il pas tout simplement d'un nouveau regard ?... Le regard exercé par la société contemporaine, sur les nombreux témoignages du passé, souvent porteurs d'identité et présents dans son cadre de vie. À travers l'histoire, ce regard patrimonial, d'abord tourné vers les chefs d'œuvre architecturaux, s'est progressivement élargi pour s'intéresser également aux héritages immatériels et vivants, ainsi qu'aux paysages et à la nature. La seconde moitié du XXe siècle, époque de ces reportages en Bretagne, est également la période du développement de la notion de patrimoine.
La découverte archéologique est une façon spectaculaire de révéler au grand jour des éléments du patrimoine encore insoupçonnés à notre époque. L'archéologue joue le rôle du chercheur de trésor à la recherche de formidables témoignages du passé. Mais les plus belles richesses ne surgissent pas toujours des fonds exceptionnels. Plus qu'une trouvaille, le patrimoine est bien souvent un héritage présent dans notre cadre de vie, qui a su traverser les siècles, et qui se trouve parfois menacé d'oubli ou de destruction. Des événements dramatiques peuvent alors conduire à appréhender sous un autre œil ce qui nous entoure depuis toujours et à réaffirmer l'importance patrimoniale de cet héritage.
Découvrir...
La découverte archéologique est une façon spectaculaire de révéler au grand jour des éléments insoupçonnés du patrimoine. Le patrimoine archéologique en Bretagne, qu'il soit terrestre ou sous-marin, procure des ressources matérielles pour retracer le devenir de la région depuis la préhistoire. Les sites sont présents en grande quantité sur le territoire mais aussi en mer, à l'image du site de la Natière au large de Saint-Malo. L'archéologie sous-marine a encore beaucoup à révéler en Bretagne. L'importante histoire maritime de la région a laissé derrière elle de nombreux sites d'épaves. L'association ADRAMAR estime à dix ou quinze mille le nombre de sites archéologiques potentiels sur les côtes du littoral atlantique français, dont le littoral breton représente 2700 km. Reste encore à les identifier et les localiser avec précision. Parmi ces derniers, quelques dizaines seulement ont déjà fait l'objet de fouilles archéologiques, laissant encore enfoui un énorme patrimoine qu'il reste à explorer.
Prolongements :
Prendre conscience
Incendie de l'église de Saint Thégonnec
A Saint Thégonnec, dans le Finistère, un incendie a dévasté l'église du XVIIe siècle, classée aux Monuments historiques. Grâce à l'intervention rapide des pompiers et de la population, le mobilier a en partie été sauvé. La population reste cependant choquée.
Le patrimoine ne surgit pas toujours des profondeurs sous-marines. C'est un héritage présent dans notre cadre de vie, qui traverse les siècles, parfois menacé d'oubli ou de destruction. Des événements dramatiques conduisent souvent à appréhender sous un autre œil ce qui nous entoure depuis toujours et à réaffirmer son importance patrimoniale. La destruction du Palais du Parlement de Bretagne à Rennes lors de l'incendie de la nuit du 4 février 1994 a représenté pour la population une véritable catastrophe.
Les lieux emblématiques de la Bretagne ont souvent connu d'importants incendies à l'origine de destructions, citons également la cathédrale de Nantes en 1972. Le danger d'oubli ou de destruction encouru par les éléments patrimoniaux engage la population à reconnaître la valeur de ces héritages pour aller dans le sens de leur préservation. Les phares des littoraux bretons sont également un symbole fort de l'identité de la Bretagne et de sa vocation maritime. Ces édifices caractérisent à eux seuls tout le paysage et le patrimoine culturel des littoraux de la région. Ce riche patrimoine, ni occupé ni entretenu, est menacé de succomber sous les conditions climatiques. Frédéric Mitterrand, ministre de la Culture et de la Communication, en novembre 2010, a décidé de classer au titre des monuments historiques douze phares ou anciens phares en Bretagne, donnant ainsi un espoir pour la préservation.
Prolongements
Reconnaître
Inscrit dans le temps, le patrimoine est également un regard qui continue de s'élargir, une source qui ne se tarit pas. Comment désigner un héritage qui n'est ni architectural ni même matériel, qui n'est pas visible, mais qui appartient aux gens ? Le patrimoine culturel immatériel englobe toutes ces traditions, ces savoir-faire, ainsi que les représentations et les pratiques d'un groupe et d'une communauté. Ce patrimoine est vivant et a su se transmettre et se réinventer de générations en générations. Le Marché des Lices à Rennes n'est qu'un exemple parmi les multiples héritages immatériels toujours vivants en Bretagne. La tradition orale en breton comme en gallo, la pratique et la création musicale, les savoir-faire traditionnels et la gastronomie, les techniques artisanales, les arts du spectacle, sont parmi les multiples aspects du patrimoine culturel immatériel (PCI). Le classement par l'UNESCO n'est pas forcément l'objectif central des démarches en faveur du PCI. Ce qui compte surtout, c'est la reconnaissance par leurs détenteurs de l'importance de ces patrimoines. L'investissement de la municipalité de Rennes, au travers de Ana Sohier, première conseillère municipale déléguée au PCI en France, est d'agir en faveur de la sauvegarde de ce patrimoine vivant, voué à perdurer et à être de nouveau transmis.
Prolongements
Préserver, sauvegarder, reconstruire
Première mesure de préservation lancée en France dès 1840, l'inscription sur la liste nationale des monuments historiques a eu un véritable impact en Bretagne. Accordé à divers éléments architecturaux, ce haut niveau de protection s'est effectué en plusieurs grandes vagues. Au même moment que le Palais du Parlement de Bretagne, l'intérêt se porte sur les monuments mégalithiques et sur les édifices religieux, particulièrement nombreux dans la région. Ce n'est que plus tard que l'on reconnaît la valeur patrimoniale des constructions médiévales, et ensuite, à partir de 1950, celle de certains édifices urbains. En 2004, le patrimoine industriel et technique du XXe siècle se hisse au même rang avec le classement du radôme de Pleumeur-Bodou, construit en 1962. Le patrimoine breton protégé au titre des monuments historiques représente aujourd'hui 2870 monuments classés ou inscrits. Parmi ceux-ci, nombreux sont les sites qu'il a fallu reconstruire, rénover, réhabiliter, afin de maintenir leur allure originelle. Avec l'élargissement de la notion de patrimoine, la société élabore de nouvelles façons de préserver, mission dans laquelle elle s'investit pleinement. Ainsi, le collectage du patrimoine oral, la réhabilitation de savoir-faire ancestraux, la préservation des milieux naturels, vont dans le même sens que la reconstruction.
Préserver
Les alignements de Carnac constituent un patrimoine pittoresque et légendaire, identifié depuis longtemps. Comptant près de 3000 pierres dressées, Carnac est le plus grand site mégalithique au monde. Propriété de l'Etat depuis la fin du XIXe siècle, ce site de grande envergure présente de bonne heure le besoin d'être protégé. Les premières mesures patrimoniales autour du site remontent à 1840, avec son inscription sur une liste nationale de classement des monuments historiques. Cette première forme de reconnaissance, engagée par Prosper Mérimée, présente le site de Carnac comme aussi digne d'être préservé que la basilique de Saint-Denis et la cathédrale Notre-Dame de Reims. Les alignements de Carnac, identifiés comme un héritage très ancien, apparaissent donc rapidement parmi les priorités en matière de protection du patrimoine national. Les fouilles archéologiques depuis la fin du XIXe siècle sur le site ont permis d'identifier les alignements comme un lieu de cérémonie datant de l'époque néolithique, faisant ainsi apparaître au grand jour sa véritable valeur patrimoniale. En 1970, l'histoire du cimetière gaulois n'est plus qu'une légende. Par sa longue histoire, le site jouit d'une attractivité touristique majeure à l'échelle de la Bretagne, ce qui peut devenir une nouvelle forme de mise en danger du site.
Reconstruire, restaurer
Le calvaire de Plougastel Daoulas
Le calvaire de Plougastel Daoulas (Finistère), construit au XVIe siècle pour conjurer une épidémie de peste, a été restauré. Sa rénovation a été confiée à des sculpteurs et tailleurs de pierres, qui ont en partie gommé l'usure du temps des statues.
C'est dans le Morbihan qu'on rencontre en plus grand nombre les monuments historiques inscrits pour l'ensemble de la région. Parmi ceux-ci, nombreux sont ceux qui nécessitent entretien, restauration, voire reconstruction. Dès 1840, au même moment que le château des Ducs à Nantes, le château de Suscinio dans le Morbihan bénéficie lui aussi de ce haut niveau de protection. Suscinio doit son renouveau à son achat par le Conseil Général du Morbihan en 1965 en vue de sa restauration et de sa conservation. Les divers travaux réalisés pendant plus de dix ans font progressivement du château en état d'abandon avancé l'un des fleurons architecturaux de la Bretagne.
Plus généralement en Bretagne, les chapelles, calvaires, enclos-paroissiaux et cathédrales construits au fil des siècles sont aujourd'hui indissociables du paysage régional. La Bretagne est d'ailleurs au premier rang des régions d'Europe par l'ampleur de son patrimoine religieux. Ce patrimoine retrace une partie de l'histoire de la population bretonne, marquée par la ferveur religieuse. Depuis longtemps on reconnaît la valeur patrimoniale des merveilles architecturales et artistiques présentes au cœur des paroisses. Toutefois, celles-ci traversent rarement le temps sans dommages et dégâts. Parmi les monuments historiques classés en Bretagne en 1840, on retrouve quatre cathédrales dont celle de Quimper. Et depuis cette époque, on agit en faveur de leur protection.
Prolongements
Maintenir en vie
La relance des marais salants dans le golfe du Morbihan
Olivier Chenelle, agriculteur bio et paludier, relance le ramassage du sel dans les marais salants du golfe du Morbihan. Petit à petit, différentes espèces d'oiseaux reviennent dans les marais. La région était jadis réputée pour ses marais salants mais cette activité avait disparu depuis une quarantaine d'années.
Marichal e Kervignag [Maréchal-ferrant à Kervignac]
Louis Le Floc'h a zo bet marichal e Ti Ruz e Kervignag. Kontañ a ra da Daniel Jekel penaos en doa desket e vicher, peseurt micherioù e veze kavet e-barzh ar govel (ar marichal, ar c'harrer), an doareoù d'ober kirri ha rodoù, troioù veterinaer Hennbont er govel, foarioù kezeg Landevan, hag ivez an doareoù nevez da labourat hag ar cheñchamantoù bras goude ar brezel... [Louis Le Floc'h a été maréchal-ferrant à Kervignac au village de Ti Ruz. Dans son entretien avec Daniel Jéquel, il évoque son métier, son apprentissage, les différentes professions qui se côtoyaient à la forge (le charon, le forgeron), la fabrication des charrettes et des roues, les visites du vétérinaire d'Hennebont à la forge, les foires aux chevaux de Landévant, la mécanisation et les grands changements survenus après la guerre...]
La faïencerie de Quimper
Quimper a su conserver un savoir-faire artisanal : la faïencerie. Un retour sur les pièces de céramiques issues de la collection du musée de l'entreprise Henriot est l'occasion d'un bref historique de cette technique. Cela permet aussi de découvrir l'origine et le succès du style "breton". Nous assistons ensuite à la méthode de fabrication de cette faïencerie de Quimper. Les installations se sont modernisées mais de nombreuses étapes restent manuelles.
Nombreux sont les savoir-faire traditionnels qui ont marqué l'histoire et l'identité de la Bretagne. Les activités artisanales qui ont fait la prospérité économique de la région, telles que la pêche traditionnelle, la toilerie ou les salines, sont vouées à disparaître avec l'industrialisation et la modernisation des campagnes. La transmission de ces activités, souvent familiale et culturelle, s'effectuait à l'oral et dans le quotidien, par imprégnation dès la petite enfance dans le monde paysan. Rares sont alors les gestes traditionnels qui subsistent au lendemain de la modernisation des activités économiques et du déclin du monde paysan. Faute de transmission traditionnelle, certains s'engagent aujourd'hui à collecter et étudier les techniques anciennes non seulement pour aller à l'encontre de leur oubli, mais aussi parfois pour tenter de les adapter à l'économie moderne. Ces techniques artisanales, une fois retrouvées et maintenues vivantes, font désormais partie du patrimoine culturel immatériel. Le goût pour les produits traditionnels, le respect de la nature, la passion pour les savoir-faire ancestraux : diverses sont les raisons qui mènent à une prise de conscience de la valeur de ces gestes et à la naissance de la volonté de les faire vivre à nouveau.
Prolongements
Sauvegarder
Les Réserves naturelles en Bretagne
Depuis 1958, la SEPNB, Société pour l'Etude et la Protection de la Nature, développe un réseau de réserve naturelle, essentiellement des réserves ornithologiques, la plus anciennes étant celle du Cap Sizun, dans le Finistère, où les oiseaux bagués sont étudiés.
Les littoraux préservés en Bretagne sont une destination touristique appréciée pour la richesse et la diversité de leur patrimoine naturel. Riche et diversifié, l'ensemble du patrimoine naturel de la Bretagne compte actuellement parmi les principaux facteurs d'attractivité de la région. C'est à partir des années 1960 qu'un regard nouveau sur l'environnement a conduit à l'émergence de la notion d'espaces patrimoniaux naturels. Le patrimoine naturel intègre des espèces, des milieux, mais aussi un ensemble d'éléments paysagers et culturels. Dans les années 60 et 70, diverses structures ont été élaborées pour protéger, conserver et gérer les plus précieux de ces espaces, tels que les Conservatoires du Littoral, les Parcs Naturels Régionaux et les Réserves Naturelles. Parmi les premiers à vouloir étudier et protéger l'héritage du patrimoine naturel régional, on peut citer la Société pour l'étude et la protection de la nature en Bretagne. Depuis 1953, elle est engagée dans l'étude et la connaissance de la nature, de la faune et du milieu de vie afin de pouvoir les gérer au mieux.
Prolongements
Collecter, faire connaître, transmettre
S'approprier le patrimoine, c'est se reconnaître dans un objet et le reconnaître comme un héritage porteur de valeurs et d'identité, non seulement digne d'être préservé mais aussi d'être transmis aux générations futures. En affirmant la valeur patrimoniale des sites, des pratiques ou des savoir-faire régionaux, la société bretonne prépare la transmission de l'héritage commun dont elle se sent dépositaire. Les héritages du passé sont voués à être projetés dans le futur. Véritable obligation, la transmission est le moment central de la production patrimoniale. La valorisation et la sensibilisation, par la présentation d'expositions, l'ouverture des sites et la transmission orale, font vivre ces différents patrimoines, tout en jouant en faveur de leur sauvegarde. Source de connaissance, objet de savoir, le patrimoine parle alors de la société bretonne d'hier et d'aujourd'hui.
Raviver la mémoire
Pleudihen : l'association La Boueze
L'association La Boueze s'intéresse à la sauvegarde de la tradition orale de la Bretagne. Elle recense, filme, enregistre les chants, danses et documents du passé. Yves Defrance, accordéoniste, évoque la conservation et la transmission de cette tradition.
Ressurgissant dans les années 70, l'intérêt pour le patrimoine oral traduit un regard renouvelé porté sur les pratiques traditionnelles de toute la Bretagne, en particulier la musique et le chant. Les chansons populaires de nos ancêtres, leurs répertoires et leurs racines sont perçus comme fragiles et menacés. Les premiers pas de l'association « La Bouèze », fondée en 1979, illustrent la prise de conscience de l'urgence à garder une trace du patrimoine oral et culturel de Haute-Bretagne, à l'image des chants de marins. Auprès d'elle, un important réseau associatif se développe dans le paysage culturel de la Bretagne en faveur de la sauvegarde et de la valorisation d'une mémoire orale riche et précieuse, que l'on aspire à partager.
Prolongements
Faire découvrir
Les Journées du Patrimoine en Loire Atlantique
A l'occasion des Journées du Patrimoine, visite du chantier de restauration de la Tour des Jacobins au Château des Ducs, à Nantes. A Teillé, des bénévoles organisent également des visites du château et des animations autour de vieux métiers.
Lancées en 1984, à l'initiative de Jack Lang, alors ministre de la culture, les journées portes ouvertes des monuments historiques invitent les curieux à la découverte du patrimoine. L'événement mobilise massivement les visiteurs ainsi que les associations de valorisation et contribuent au fil des ans à l'exploration du patrimoine dans toute sa diversité. En Loire-Atlantique, les journées du patrimoine de 1995 invitent à poser un regard nouveau sur le patrimoine commun, dont on décline les nombreux visages. Face à l'incontournable tour des Jacobins au Château des Ducs à Nantes, les trésors patrimoniaux à découvrir dans le département sont multiples. À l'occasion de ces journées, les amoureux du patrimoine sont conviés à aller à la rencontre, à interroger, revenir aux sources des héritages communs présents dans toute leur diversité au sein de leur cadre de vie.
Prolongements
Diffuser
Parmi les trésors immatériels du patrimoine, les documents audiovisuels, au même titre que l'ensemble de documents d'archives, témoignent de l'histoire et de la culture de la Bretagne. La cinémathèque de Bretagne est l'un des lieux de conservation de cette mémoire en images que représentent les documents audiovisuels. Cette association loi 1901 créée en 1986 remplit une double mission de service public, par la conservation et la diffusion du patrimoine audiovisuel de la région. La mission de conservation et de restauration des documents collectés est essentielle, face aux multiples dégradations que les divers supports risquent d'encourir. La sauvegarde de ces fragiles fonds d'archives passe aujourd'hui par leur numérisation. La seconde mission de la cinémathèque est celle de la diffusion de ces fragments de l'histoire commune. Diffusion culturelle et valorisation commerciale concourent pour offrir une seconde vie à ces images inscrites dans la mémoire collective, en les rendant à nouveau accessibles.