Retour sur 50 ans de télévision régionale en Lorraine

Par une ordonnance le 23 mars 1945, le gouvernement provisoire de la République française retire aux stations de radios privées leur autorisation d’émettre, et réaffirme le monopole de l’État sur les ondes qui était en place avant la Seconde Guerre mondiale. Un nouvel établissement public rattaché au ministère de l’Information est créé : la radiodiffusion française, qui deviendra en 1949 la radiodiffusion-télévision française (RTF). Pour permettre le développement d’émissions sans avoir recours à la publicité, la loi du 30 juillet 1949 crée une redevance sur les quelques milliers de récepteurs de télévision (3794 postes en 1950), système déjà en vigueur pour les postes radios depuis 1933.

A ses débuts, la télévision est soumise à des contraintes techniques fortes : les caméras sont de simples transmetteurs d’images. Ceci explique que les premières émissions sont obligatoirement en direct, avec tous les aléas que cela suppose. L’enjeu est aussi de perfectionner les procédés techniques et d’améliorer la définition de l’image. La télévision propose aussi du télécinéma, un procédé qui consiste à utiliser une caméra de télévision pour capter un film projeté sur un écran.

Dans les années 1950, outre le coût onéreux des récepteurs, l’autre difficulté réside dans la faible portée de l’émetteur de la tour Eiffel, d'un rayon d’une centaine de kilomètres, couvrant seulement 10% du territoire français. Ceci explique que la consommation de la télévision est souvent collective dans les années 1950 dans le cadre de télé-clubs, associations qui proposent l’achat d’un récepteur, souvent installé dans l’école du village ou dans des bistrots.

Des progrès apparaissent cependant dans la couverture du territoire français : le premier émetteur régional est mis en place à Lille en avril 1950, où TV Lille proposera ses propres programmes dans un premier temps puis sera capable de transmettre les programmes nationaux par une liaison hertzienne avec l’émetteur parisien en février 1952. Pendant ces périodes de tâtonnements, certaines stations de radio périphériques ont lancé leurs propres programmes télévisés : Télé Luxembourg par exemple couvre ainsi une partie du Nord de la Lorraine dès 1955. Le taux d’équipement des ménages en téléviseurs va connaître une forte croissance, passant la barre du million de postes en 1958, chiffre qui va décupler au cours de la décennie suivante. Les années où De Gaulle revient au pouvoir sont marquées par de nouvelles innovations techniques, comme l’arrivée des magnétoscopes professionnels, lancés par la firme américaine Ampex Corporation, permettant aux caméras d’enregistrer et d’être moins dépendant du direct.

En décembre 1963 naît une deuxième chaîne, qui sera la première à proposer des programmes en couleur en 1967, grâce au système SECAM développé par l’ingénieur français Henri de France. Les années 1960 sont aussi des années au cours desquelles le pouvoir resserre son contrôle sur la télévision, considérant ce média comme un contrepoids à une presse écrite jugée peu favorable aux idées du gouvernement.

Si l’Office de radio-télévision française (ORTF), « établissement public de l’Etat à caractère industriel et commercial, en charge du service public de l’audiovisuel », créé par la loi en 1964, visait à accorder plus d’autonomie aux chaînes de télévision, la réalité est bien différente. L’intervention du ministre de l’Information Alain Peyrefitte pour annoncer aux téléspectateurs lorrains la création d’un centre d’actualités télévisées en Lorraine peut apparaître comme un signe de décentralisation du pouvoir, il ne faut pas pour autant être dupe ; l’autonomie promise se heurtant rapidement à des budgets de fonctionnement très serrés. Aux détracteurs qui dénoncent une télévision aux ordres du pouvoir, Peyrefitte rappelle que « la télévision est un monopole qui vit de la redevance et qu’il est légitime qu’elle illustre et appuie la politique de la France ».

Trois émissions d’actualités hebdomadaires en décrochage du programme national seront proposées sur Télé Lorraine-Champagne à partir de 1965. Les studios et bureaux sont installés dans les sous-sols de la station de radio régionale, rappelant selon les mots de Jean-Noël Jeanneney dans Une histoire des médias que « la télévision est née d’abord comme une sorte d’appendice chétif de la radio ». Le 31 décembre 1972 apparaît la troisième chaîne de l’ORTF (Couleur 3) qui se présente pour son premier directeur Jean-Louis Guillaud comme « une chaîne nationale nourrie par les régions. Ainsi, 60 % des programmes doivent être confectionnés en interne, dont plus de la moitié doivent être fabriqués par les centres de production régionaux ».

La loi du 8 juillet 1974 démantèle l’ORTF et la Troisième Chaîne devient alors la Société nationale de programmes de télévision France Régions 3 (FR3), chargée de gérer et développer les centres régionaux de radio et télévision. La loi du 7 juillet 1982 vise à modifier profondément l’organisation du service public en matière de radiodiffusion et de télévision. Les stations de radiodiffusion régionales sont désormais séparées de la télévision et rattachées à Radio-France. A la suite de la création du groupe France Télévision le 7 septembre 1992, FR3 Lorraine Champagne-Ardenne devient France 3 Lorraine Champagne-Ardenne. Une unité régionale de production Grand-Est, regroupant les moyens de production de Nancy et de Strasbourg, est mise en place. Le 1er janvier 2017 voit apparaître une nouvelle réforme du réseau régional de France 3, dont l’objectif est de développer les programmes régionaux et la proximité. 13 directions régionales sont créées, France 3 Lorraine est rattachée à la direction France 3 Grand Est, dont le siège est désormais à Strasbourg.

Le sujet est introduit en plateau par le présentateur du journal télévisé par ces propos : « les techniques ont beaucoup évolué mais la mission n’a pas changé ». On peut supposer que la mission évoquée est d’informer dans un gage de proximité avec les téléspectateurs. Le reportage propose ensuite une rétrospective de 50 ans de télévision régionale en Lorraine grâce à des images d’archives. Le sujet évoque surtout les réorganisations successives de la télévision et radio régionales, en rapport avec les évolutions de ces médias à l’échelle nationale, passant d’une gestion centralisée et contrôlée dans les années 1960 à l’époque de l’office de radiodiffusion-télévision française (ORTF), à une plus grande autonomie de ces médias à partir des années 1980.

Les premières images puisées dans les archives reviennent sur l’intervention du ministre de l’Information Alain Peyrefitte lors de l’inauguration des actualités télévisées de Lorraine en 1963. Son allocution est précédée de quelques images surprenantes, sans commentaire, qui représentent quelques clichés de paysages lorrains. La volonté du ministre est de montrer la volonté du pouvoir de décentraliser l’information, au plus près des téléspectateurs. Alain Peyrefitte a d’ailleurs prononcé ce même discours sur toutes les chaînes régionales de France créées au même moment, à chaque fois précédées de quelques plans typiques des régions concernés. Avec le recul, ces images d’archive rappellent au contraire la verticalité du pouvoir et l’emprise des autorités sur le média audiovisuel. Puis le reportage évoque le nouveau siège de la télévision régionale de Lorraine, qui s’est implantée à proximité de Nancy en 1969, étant trop à l’étroit dans son siège initial.

Une interview de Pierre Weber, maire de Nancy à l'époque, est proposée au téléspectateur, au cours de laquelle il interpelle le représentant du maire de Metz, au sujet des polémiques qu’ont suscité l’implantation du siège de la télévision régionale dans la capitale des Ducs. Cet extrait renvoie à l’historique rivalité des deux métropoles lorraines pour la suprématie dans la région.

La fin du reportage se déroule dans les coulisses de France 3 Lorraine, qui permet d’illustrer les évolutions techniques qu’ont connu la radio et la télévision depuis les années 1980, régies numériques qui remplacent la vidéo, qui elle-même avait remplacé la pellicule. La fin du sujet rappelle aussi que les journalistes de Radio Nord Est et ceux de France 3 Lorraine étaient communs aux deux rédactions jusqu’en 1983, date à laquelle les deux branches se sont séparées. Radio Nord Est rejoint alors le réseau de Radio France avec deux radios, Radio France Nancy Lorraine et FIP Metz, puis en 2000 France Bleu Sud Lorraine et France Bleu Nord Lorraine. A partir de 2003, ces deux stations lorraines se sont rapprochées pour proposer quelques programmes communs sur leurs antennes. Ce n’est qu’en 2001 que les journalistes de France Bleu Sud Lorraine déménagent, marquant la fin du partage des studios avec les journalistes de France 3 Lorraine.