Leclerc, libérateur de l'Indochine

08 novembre 1945
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Réf. 01079

Notice

Résumé :

A Chandernagor, des convalescents, légionnaires et coloniaux d'Indochine (qui se battaient contre les armées japonaises en mars 1945), se font soigner dans un hôpital. Le général Leclerc visite le 5e Régiment d'infanterie coloniale (RIC) qui reçoit la croix de guerre et rend également visite aux soldats qui s'embarquent pour l'Indochine à bord des deux bâtiments : le Triomphant et le Richelieu.

Type de média :
Date de diffusion :
08 novembre 1945

Éclairage

Monté à la manière d'un récit chronologique concentré autour de l'aura du général Leclerc sur le devenir de l'Indochine, depuis son arrivée à Ceylan jusqu'au débarquement des troupes françaises à Saïgon (Cochinchine), cet extrait du Magazine des Armées insiste particulièrement sur la figure héroïque du « chef prestigieux » qu'est « le vainqueur de Strasbourg ».

Afin de valoriser davantage encore la personne du général Leclerc, le sujet débute d'ailleurs par une mise en suspens de son identité : un travelling avant de suivi poursuit une voiture « très simple » dans laquelle a pris place « un homme très simple ». Le premier plan sur le général Leclerc intervient une vingtaine de secondes plus tard, au moment exact où son nom est pour la première fois prononcé à l'écran après une série de périphrases soulignant le caractère glorieux et sage du personnage.

De la même manière, le commentaire martèle une nouvelle fois son nom alors qu'il s'avance devant les légionnaires du 5e RIC qu'il est venu décorer. Le montage qui suit met en lumière le dynamisme d'un Leclerc constamment en mouvement, arpentant l'écran de part en part pendant que le commentaire se construit en miroir autour du champ lexical du déplacement :

« Il vient de loin le général Leclerc. Depuis cinq ans, il n'a pas cessé de courir le monde pour que la France y reprenne sa place. Quand il s'arrêtait, c'était pour gagner des batailles. A 43 ans, le général Leclerc a 4 étoiles et s'est battu sur trois continents ».

Fidèle à son récit chronologique, l'extrait continue ce portrait en action du général Leclerc par la visite des soldats en partance pour le front indochinois, embarqués sur deux bâtiments français : Le Triomphant et Le Richelieu. Là encore, le montage rapide, par ellipses, avec des changements d'axes de caméra nombreux donne une impression de grande énergie relayée par le commentaire élogieux insistant sur l'impact de cette visite sur le moral des troupes.

L'acte suivant de cette tournée d'inspection et d'encouragement par le général Leclerc est tout naturellement « l'heure de l'embarquement » sur lequel retentit les accords tonitruants (cuivre et percussions) d'une musique d'accompagnement conquérante qui rythme le montage. La figure tutélaire de Leclerc s'estompe alors au profit d'une série de plans de demi-ensemble mettant en valeur le nombre des combattants ainsi que la logistique du départ (27 septembre 1945) et de la traversée (plans sur le nombre de bâtiments en route pour Saïgon).

L'arrivée à Saïgon est bruitée par l'ajout de sons additionnels de foule en liesse alors que le montage insiste sur les plans des civils présents dans le port. On distingue très nettement sur le plan où les soldats (bord cadre droit) font face à la population (bord cadre gauche) la nature mixte de la population venue attendre les force françaises, pourtant le commentaire insiste sur le fait que seule est présente « la population française ». De la même manière, alors qu'à l'écran apparaît furtivement un plan montrant, isolés dans un coin du port, six hommes de dos (donc non identifiables autrement que par leur allure générale), le commentaire énonce une litote, « les moins enthousiastes ne sont pas », dont l'effet est surtout d'associer ces silhouettes anonymes (mais tendant à être assimilées à des autochtones par leurs vêtements plutôt d'inspiration asiatique) à l'idée d'une négativité, voire d'un certain retrait, d'une défiance à l'égard de l'arrivée des bateaux français que l'on voit au loin.

La succession de plans rapides ponctuant le débarquement est ensuite accompagnée par la reprise pour le sujet du Magazine des Armées de quelques mesures clefs de La Marseillaise (« Aux armes citoyens, formez vos bataillons ») qui dérivent ensuite en une toute autre mélodie pendant que les troupes françaises défilent dans les rues de Saïgon. On remarque au passage le rapide panoramique gauche-droite (des troupes jusqu'à la foule) dont le mouvement à l'épaule, mal maîtrisé, vient confirmer la nature spontanée du tournage alors même que le montage du sujet ne cesse de venir parasiter le simple témoignage en y ajoutant du sens par le commentaire et/ou le choix de l'ordre des plans (pour preuve l'absence totale de mention de la présence de Vietnamiens lors de ces scènes de joie populaire, alors même que le travelling embarqué depuis l'une des jeeps immortalise de nombreux visages asiatiques applaudissant depuis les trottoirs). Il est d'ailleurs particulièrement intéressant de relever qu'un plan de cette foule (sous le panneau ovale « Bureau officiel du tourisme ») se retrouve curieusement au moment où la population est supposée accueillir le général Leclerc sous une pluie torrentielle. Il s'agit là du réemploi d'un plan de coupe, réemploi d'autant moins judicieux qu'il se situe à moins de 30 secondes d'intervalle et dénonce donc « l'habillage » du sujet effectué a posteriori par un monteur métropolitain.

Dernier acte de ce retour en Indochine, l'arrivée du général Leclerc le 29 septembre 1945, accueilli par le major-général anglais Gracey (commandant la 20e division hindoue) et le colonel Cedille (sous-délégué du Haut-commissaire pour la Cochinchine). Après avoir été filmé en voiture, puis à bord des bâtiments français en partance pour l'Indochine, c'est maintenant par avion qu'il rejoint l'Indochine et le sujet du Magazine des Armées reprend dès lors la même formule de représentation du général qu'au début, multipliant les axes de caméras et les plans dont il est le centre pour mieux valoriser sa position de chef et l'énergie de son autorité. Il en est notamment ainsi lors des scènes de liesse populaire où la Libération se rejoue en climat de mousson alors que les clameurs de la foule sont ajoutées en bruitage de fond. Point d'orgue de ce portrait triomphal du chef de guerre, la mise en scène, sans doute un peu trop exagérément virile, des dernières images de Leclerc : il y est d'abord cadré très serré, de dos, face à la foule depuis le perron du Palais du Gouvernement, les mains soutenant les hanches ; en guise de contrechamp, il est ensuite montré de face, mais depuis un point de vue plus éloigné qui permet de voir fièrement pointer au premier plan un canon alors que Leclerc arbore toujours au fond du cadre la même posture, mains sur les hanches et bassin basculé en avant.

Delphine Robic-Diaz

Transcription

Journaliste
C'est parceque d'autres français savent aussi ce que signifie un tel geste à la colonie, que des unités de notre marine jettent aujourd'hui l'ancre à Ceylan. Un chef prestigieux accompagne les premières unités qui font route vers l'Indochine. Une voiture très simple, avec la seule escorte d'un motocycliste, se dirige vers le camp du 5e RIC stationné à [Inconnu]. Un homme très simple en descend, c'est le général Leclerc.
(Musique)
Présentateur
Il vient de loin le général Leclerc. Depuis cinq ans il n'a pas cessé de courir le monde pour que la France y reprenne sa place. Quand il s'arrêtait c'était pour gagner des batailles. A 43 ans le général Leclerc a quatre étoiles et s'est battu sur trois continents.
(Musique)
Journaliste
Aujourd'hui ce sont des légionnaires du 5e RIC ayant participé à la campagne de Chine, qui reçoivent la Croix de guerre des mains du vainqueur de Strasbourg.
(Musique)
Journaliste
En rade de [Incompris] deux navires français attendent les troupes en partance pour l'Indochine. Ce sont le Triomphant et le Richelieu . Le Triomphant attend aussi la visite du chef de la célèbre 2e division blindée.
(Musique)
Journaliste
Et tandis qu'il passe en revue l'équipage du croiseur, tous ceux qui vont partir pour cette nouvelle aventure prennent conscience avec la présence d'un tel chef de l'importance du rôle qui leur est confié.
(Musique)
Journaliste
L'heure de l'embarquement a sonné. Quatre navires assurent le transport. Le Richelieu , le Triomphant . Et deux unités britanniques. Les transports Queen Emma et Princess Beatrice . Le 5e RIC n'est pas un régiment comme les autres. Il est constitué par des commandos instruits et équipés comme les troupes d'élite britanniques qui combatirent en Birmanie. Il a été formé en Afrique du Nord par le colonel Huard. Troupes et bagages sont embarqués dans un temps record.
(Musique)
Journaliste
Au soir du 27 septembre le convoi, Richelieu en tête, fait route vers Saïgon via Singapour. La traversée dure six jours. Les hommes du 5eme RIC s'en accomodent fort bien. Ce sont tous pour la plupart de très jeunes gens soumis depuis près d'un an à un entrainement intensif. Ils n'ignorent rien des opérations côtières, des combats nocturnes. Ils sont aptes à prendre individuellement toutes les initiatives qui s'imposent.
(Musique)
Journaliste
Quarante kilomètres avant Saïgon les bâtiments déjà ancrés au Cap Saint Jacques rendent les honneurs aux nouveaux arrivants.
(Musique)
Journaliste
Enfin voici Saïgon.
(Musique)
Journaliste
Bravant les éléments toute la population française s'est ruée vers le port et crie sa joie à la vue des pavillons tricolores largement déployés. Parmi la foule les moins enthousiastes ne sont pas les soldats et les marins, libérés des prisons japonaises par l'armistice.
(Musique)
Journaliste
L'acceuil réservé aux troupes françaises traduit sans équivoque l'immense soulagement de la population.
(Musique)
Journaliste
Deux jours plus tard, le général Leclerc atterrit sur le terrain de [Incompris] où l'accueille le major général Gracey commandant la 20e division hindoue et le colonel Cedille sous délégué du Haut-commissaire pour la Cochinchine. Le général descend de voiture pour prendre contact avec ces français qui brûlent de le connaître. Malgré la pluie torrentielle, une foule énorme l'attend et ce geste spontané du chef soulève un enthousiasme délirant.
(Musique)
Journaliste
Devant le palais du gouvernement les honneurs sont rendus par les marins du commando aéronaval et par un détachement de parachutistes qui les premiers atterirent en Indochine.
(Musique)
Journaliste
Le lendemain tous [Incompris] sont venus écouter le général qui déclare : les problèmes qui restent à résoudre seront résolus je vous l'affirme. Nous avons célébré la victoire à Paris, à Strasbourg et à Berchtesgaden, nous la célébrerons aussi à Saïgon et à Hanoï.