En suivant Gustave Drou, premier magistrat de Saint-Pierre-sur-Orthe pendant plus un demi-siècle, nous sommes loin, très loin des formations que les maires doivent parfois suivre maintenant avec les hommes du RAID ou avec les négociateurs du GIGN. Pour quelle guerre ou quel grand conflit devez-vous vous demander ? Pour le combat du quotidien tout simplement, pour lutter contre les agressions de plus en plus fréquentes dont les élus sont devenus les cibles. Alors que ces faits inenvisageables récemment encore se multiplient, la commission des lois de l’Assemblée a créé une mission destinée à identifier les difficultés concrètes auxquelles font face les élus municipaux [1]. Selon les auteurs du rapport, cette évolution s’inscrit dans une tendance de long terme de multiplication des faits de violence dirigés contre les élus.
Alors forcément, retrouver Gustave Drou dans les rues de son paisible village dont il sera le maire et sûrement un peu le père du 6 février 1937 jusqu’en mars 1989, fait un bien fou.
Au moment du tournage du reportage, en mars 1983, diffusé le 11 mars dans le journal télévisé « Le Mans soir », Gustave Drou ne sait pas s’il va être réélu mais il l’espère bien... et la population avec ! Juste après la diffusion, il entamera son dernier mandat, totalisant 52 ans d’engagement communal au compteur. La journaliste Catherine Berra sait saisir des instants de la vie locale qui font du bien. On y suit Gustave Drou à bord de sa Simca 1100 bleu ou à pied dans les rues de Saint-Pierre-sur-Orthe qui est sa passion et sa raison de vivre. Comme le souligne la journaliste : il y consacre toute son énergie et ne peut pas s’en passer
. Chaque matin il est à la mairie et travaille aux affaires de la commune avec son fidèle secrétaire. Lorsqu’il parle de Saint-Pierre-sur-Orthe, c’est son village, son bourg avec ses fermes, ses commerces et son école. Le village passe avant tout, c’est une passion dévorante et la vie de famille de Gustave Drou a certainement dû en pâtir.
Installé en patriarche communal derrière son bureau pour répondre aux questions de la journaliste, Gustave Drou a des raisons d’être satisfait, et même fier du chemin parcouru. Pour illustrer ses premières réalisations, dès 1945, le maire rappelle la forme tout en longueur de sa commune et des habitants qui vivent à 10 km les uns des autres. Avec son conseil municipal, il décide de la construction de routes qui permettront de converger plus facilement vers le coeur du bourg. L’engagement de Gustave Drou ne va pas se limiter à la gestion de Saint-Pierre-sur-Orthe, il sera par ailleurs conseiller général durant 25 ans et président de tous les syndicats cantonaux dès 1945 : voirie, électrification et tout ce qui pouvait bénéficier aux ruraux.
Quand Catherine Berra aborde la politique, Gustave Drou n’y va pas par quatre chemins : ça ne rime à rien que l’on soit de la gauche ou de la droite. Il faut respecter les idées des uns et des autres et puis c’est tout...
Celui qui n’aura jamais voulu se « situer politiquement » préfère défendre son seul objectif : que les gens aient tout ce qui leur faut et se sentent bien au village pour vouloir y rester.
La désertification inquiète en effet cet homme de terrain. La construction d’un lotissement, d’un atelier de confection ne suffisent visiblement pas à enrayer un phénomène d’exode déjà engagé... et les jeunes ne reviennent pas au pays facilement. En 1982, la population était de 565 personnes contre 460 en 2018 alors que les Pétruciennes et Pétruciens, noms des habitants de Saint-Pierre-sur-Orthe, étaient 785 en 1968. Plus loin, alors qu’il marche dans les rues très calmes de Saint-Pierre-sur-Orthe, cet homme influent que l’on appelle respectueusement « Monsieur Drou » confie qu’il n’a qu’une motivation : rendre des services, c’est tout ce qui m’intéresse.
Implication peut être moins connue du maire de Saint-Pierre-sur-Orthe, la présidence du syndicats des migrations rurales de la Mayenne, entre 1947 et 1960 où il a accompagné et placé 117 familles mayennaises dans vingt cinq départements à travers l’hexagone. Un syndicat dont le rôle était d’aider des agriculteurs, parfois en difficulté ou en recherche de travail, à s’installer dans des régions où les terres étaient sous-exploitées.
Gustave Drou disparaît en 1997, laissant le souvenir d’un homme dévoué, entier et infiniment animé par l’engagement. Celui qui a côtoyé Marianne pendant 52 ans pourrait donner des leçons à celles et à celles qui foulent au pied les valeurs de la République et qui, par des actes souvent anonymes et stupides font trembler les piliers de notre démocratie.
[1] Les conclusions de cette mission sur les entraves opposées à l’exercice des pouvoirs de police des élus locaux ont été présentées en avril 2021 par les députés Philippe Gosselin et Naïma Moutchou. 1 276 agressions, menaces ou insultes contre des élus ont été recensées en 2020 : 505 maires ou adjoints ont été agressés physiquement, 350 ont été outragés, 68 atteintes contre des domiciles ont été recensées, et 63 véhicules ont été visés. C’est trois fois plus que l’année précédente.
