La lutte contre les stéréotypes de genre à l’école

L'instauration de la mixité dans les établissements scolaires est progressive. Le gouvernement favorise sa généralisation à partir de la fin des années 50, pour des raisons plus économiques qu'idéologiques : il s’agit de faire face à la pénurie de locaux et d’enseignants. En 1959, les nouveaux lycées sont mixtes. Par le décret du 3 août 1963, la mixité devient le régime normal des nouveaux collèges d’enseignement secondaire (CES). Le 10 octobre 1966, les filles sont admises dans les sections industrielles des collèges et des lycées techniques. Finalement, les décrets d'application de la loi Haby du 28 décembre 1976 rendent la mixité obligatoire à tous les niveaux d’enseignement. Par ailleurs, les grandes écoles s’ouvrent aux filles dans les années 70 : l’École Polytechnique en 1972, HEC en 1973 ; les ENS de Fontenay et de Saint-Cloud fusionnent en 1981, celles d’Ulm et de Sèvres en 1986. Il faut cependant attendre la loi d’orientation sur l’éducation du 10 juillet 1989 pour que soit souligné le rôle de l’école dans l’affirmation de l’égalité entre hommes et femmes.

Ce reportage est réalisé en novembre 2013, soit quelques mois après la publication d’un rapport sur l’égalité entre les filles et les garçons dans les écoles par des inspecteurs généraux de l’Education nationale, destiné au ministre de l’Education nationale d’alors, Vincent Peillon.

Suite à ce rapport, une expérimentation est lancée à la rentrée 2013 visant à lutter contre les stéréotypes de genre dans une centaine de classes françaises, de la grande section de maternelle au CM2, sous le nom des ABCD de l’égalité. L’expérimentation donne alors lieu à un certain nombre de contestations de la part de groupes s’opposant à cette lutte contre les stéréotypes au prétexte qu’elle conduit à l’enseignement d’une « théorie du genre ». Le projet n’eut pas de suite mais en juin 2014, l’État annonce la mise en place d’un Plan d’action pour l’égalité entre les filles et les garçons à l’école. La loi d'orientation pour l'avenir de l'école du 23 avril 2005 réaffirme les principes de mixité et d'égalité entre les sexes comme fondateurs du système éducatif. 

L’accent est mis dans ce reportage sur la question du manuel scolaire : bien que n’ayant aucun caractère officiel, celui-ci, au cœur des apprentissages, fait souvent autorité en termes de contenu ; support des premières lectures, il est parfois le seul livre présent au domicile, et participe ainsi à l’instruction des élèves mais aussi à la construction de normes et d’opinions. L’appel à la vigilance concernant les stéréotypes liés au sexe dans les manuels scolaires est inscrit dans la convention des Nations Unies de 1979, signée par la France en 1983. Or, malgré les rappels réguliers visant à éliminer les stéréotypes dans les manuels, au niveau international comme dans les textes officiels émanant du ministère, les rapports successifs montrent la persistance d’une représentation déséquilibrée dans le rôle et la place que les manuels scolaires donnent aux deux sexes. Certes, les stéréotypes les plus criants ont disparu au fil des années, mais la place de la femme dans la société est souvent restreinte à son rôle d’épouse et de mère au sein du foyer. Les femmes occupent par ailleurs une place infime dans les manuels d’histoire, malgré les progrès de la recherche en ce domaine.

L’inspectrice interrogée évoque la formation des enseignants en matière de lutte contre les préjugés sexistes. C’est à l’époque une volonté ministérielle qui s’inscrit dans le projet des ABCD de l’égalité : les inspecteurs d’académie et les professeurs des écoles suivent alors une formation pilotée par le chargé de mission académique « égalité filles-garçons », qui a pour but de les sensibiliser au fait que leur enseignement est imprégné de stéréotypes sexistes souvent inconscients et de les amener ainsi à adapter leur enseignement.

Le reportage commence par l’interview d’écoliers, un garçon et une fille, un choix mixte sans doute volontaire de la part du journaliste. Les affirmations de ces élèves nous montrent que les activités scolaires (les filles sont meilleures en arts plastiques) et les professions (il est étrange d’envisager une fille garagiste) sont encore très genrées dans l’esprit des enfants.

Le commentaire du journaliste (« hommes-femmes  ou femmes-hommes c’est selon ») laisse apparaître une volonté de faire correspondre son propos à la problématique du reportage. D’aucuns pourront y déceler une légère pointe d’ironie, là aussi, c’est selon…

Le reportage nous présente ensuite des pages de manuels, qui présentent effectivement en quelques plans une vision très stéréotypée du rôle de chacun : aux hommes les activités physiques, le travail en dehors de la maison, aux femmes les tâches ménagères et les courses. La confrontation sur une même ligne du « le lit de maman » et de « la moto de papa », si elle est furtive, est particulièrement évocatrice…

Dominique Veillon, inspectrice de l’Education nationale, insiste sur de tels stéréotypes lors de son interview. Cela permet de faire la transition avec l’annonce d’un colloque sur le sujet de l’égalité filles-garçons organisé par l’académie de Nancy-Metz à destination de ses enseignants. Cette sensibilisation est destinée à faire prendre conscience des préjugés même inconscients ancrés en chacun des enseignants, et à faire évoluer les pratiques pédagogiques en s’appuyant sur des supports plus adaptés, comme on peut brièvement en apercevoir en fin de reportage. Le reportage ne fait pas le lien avec l’ABCD de l’égalité et sa volonté de formation des personnels éducatifs : ce projet va entraîner une vive polémique au cours de l’année 2014 qui va d’ailleurs conduire à son abandon.

Le journaliste conclut sur une formule qui se révèle plutôt juste quelques années plus tard, nous indiquant que le chemin est encore long pour parvenir à l’égalité entre filles et garçons à l’école, malgré les efforts mis en œuvre.