Le Maremne
Notice
Pays situé dans le sud ouest des Landes, le Maremne s'étend sur 3 zones distinctes façonnées par l'homme en fonction des éléments : le littoral et ses dunes fixées au XVIIIe siècle par Brémontier, l'espace forestier et sa vaste pinède plantée sous l'impulsion de Napoléon III et, enfin, les barthes de l'Adour, prairies marécageuses canalisées et assainies par Colbert. Chaque partie de ce territoire est présentée tant au niveau de la faune et de la flore qui la composent qu'au niveau de son exploitation par l'homme.
Éclairage
Le "pays de Maremne" (pagus maritimus, "pays maritime") est l'une des quinze composantes du territoire défini par la Convention sous le terme générique de "Landes". Bordé sur sa façade occidentale par l'océan, confinant au nord avec le Marensin, au sud avec le Seignanx, il se borne dans la partie orientale à l'Adour en poussant une pointe vers le pays dacquois. Constituée d'une palette de paysages variée, cette ancienne vicomté, vivant jadis d'activités traditionnelles, s'est résolument tournée, à la fin des années 1960, vers le tourisme.
Si les aménagements du littoral opérés sous l'égide de la MIACA [1] dès 1967 altèrent la physionomie de la côte, dans l'arrière-pays, au bord du fleuve, tout est mis en place pour restituer les paysages anciens et redonner vie au biotope si particulier des "barthes".
Entre conservation et promotion, le Maremne, terre mouvante et fragile, doit trouver un équilibre constant. C'est une région apparemment sauvage dont l'authenticité n'est préservée qu'au prix d'une surveillance de tous les instants d'un milieu départi entre dunes, forêt et bas-fonds humides. Et tous ces milieux sont atypiques, exceptionnels, comme leur histoire, comme leur géographie. Interdépendants aussi.
Le littoral, tout d'abord. C'est avant tout la dune qui constitue une zone-tampon entre la plage proprement dite et les premières parcelles boisées ou construites sur l'arrière-dune. Elle se déroule selon un alignement continu résultant d'une volonté humaine. En effet, à partir de 1819, les Ponts et Chaussées puis les Eaux et Forêts, posent systématiquement des lignes de palissades pour protéger la forêt "sous le vent" et offrir de la sorte "au vent", c'est-à-dire côté océan, des espaces où s'accumulent les sables qui se stabilisent grâce à l'enracinement des oyats. Cette entreprise, toujours fragile, nécessite donc un entretien et une surveillance continues, mais elle assure la pérennité du "cordon dunaire".
Comme ailleurs dans les Landes de Gascogne, les hommes y ont lutté contre le sable et les eaux. L'Adour, avant d'être définitivement capturé par Bayonne grâce aux travaux de Louis de Foix, hésitait entre les dunes incertaines et avait une embouchure instable. De ces errements, le Maremne conserve un paysage de dunes littorales et d'étangs en partie asséchés, et un ruisseau plus ou moins artificiel, le Boudigau.
C'est un milieu vivant, offrant une biodiversité insoupçonnée que les spécialistes de ce biotope divisent en trois parties : la dune mobile, la dune fixée ou "lette grise" et la frange forestière ; ils y observent "tout un cortège de plantes", et une faune parfaitement adaptées à cet environnement si particulier.
Dans le premier secteur, pousse l'Astragale de Bayonne, l'Épervière laineuse, l'Euphorbe maritime, le Liseron des sables, le Panicaut de mer, la Roquette de mer et la Silène de Thore.
En seconde zone, on trouve : l'Alysson des sables, le Carex des sables, le Gaillet, l'Immortelle des dunes, le Lis mathiole, l'Oeillet des dunes, le Sedum acre et le Serpollet. L'Oyat ou Gourbet (Amophila arenaria) et le Chiendent des sables (Agropyron), plantés sur une idée de Nicolas Brémontier [2] fixent le sol.
Dans le dernier segment, frange forestière de transition, se fixent arbustes et arbres nanifiés sous l'effet du vent : l'Ajonc d'Europe, la Bruyère à balais, le Chêne-liège, le Ciste à feuilles de sauge, le Genêt à balais et le Pin maritime.
Au ras du sol, tout un petit monde rampant ou volant dont le Fourmillon, le Lézard ocellé, la Nébrie des sables, l'Oedipoda (un petit criquet à ailes rouges) et le Theba pisana (un petit escargot vivant en colonies) anime les lieux. De temps en temps, un toponyme y rappelle la fréquentation de gibier à poil ; c'est le cas de "Pichelèbe" [3], à Léon, en Marensin.
Et sur cet univers veille le Conservatoire du littoral dont le Panicaut maritime (Eryngium) ou chardon des dunes est l'emblème. Établissement public créé en 1975, cet organisme mène une politique foncière afin de protéger espaces naturels et paysages sur les rivages maritimes et lacustres [4].
Dans ce secteur, Capbreton, seul port de la côte landaise, s'enorgueillit de son passé, du temps où la pêche à la baleine faisait sa renommée, entraînant ses hommes loin du gouf [5], vers l'Islande et vers le Labrador, ce qui explique les toponymes "l'Île de Capbreton" au large de Terre-Neuve ou "l'Anse aux Gascons" dans le golfe du Saint-Laurent.
Mais le Maremne, c'est aussi la forêt de pins maritimes, bien présente sur le littoral, d'Arcachon à Bayonne, avant l'incontournable loi de 1857 imposant le boisement systématique des communaux [6]. C'est d'ailleurs dans le pays de Born et en Marensin, un peu plus au nord que, déjà au XVIIIe siècle, les frères Desbieys commencent à améliorer les boisements afin de juguler les mouvements des dunes, précédant le développement généralisé de la sylviculture, une orientation économique qui se maintient jusqu'aux années 1960 [7].
Malgré l'expansion de la maïsiculture à partir de cette période, la forêt demeure source essentielle de revenus. Et elle a ses ennemis : le feu, bien sûr, mais aussi le grand gibier. Aussi donne-t-on officiellement, au début des années 2000, un rôle prépondérant au chasseur quand l'agrainage [8] n'est plus suffisant. Et l'État de légiférer [9].
Pays aux multiples facettes, le Maremne offre une physionomie encore différente aux abords de l'Adour, dans l'arrière-pays. Né au col du Tourmalet, le fleuve draine la Bigorre, reçoit une bonne partie des eaux de l'Armagnac, du Tursan, de la Chalosse et du Béarn. Autant dire qu'il est soumis à de grandes variations de niveau, notamment en raison de son régime pluvio-nival. De ses humeurs naît un ensemble de paysages soumis à la fois aux lois de la nature et à celles des hommes ; ce sont les bartas [10], vastes prairies inondables recouvertes spontanément d'une végétation luxuriante faite d'aubiers. Là, comme dans le Médoc soumis aux caprices des eaux de l'estuaire de la Gironde, un vaste programme de drainage engagé à l'époque de Colbert, mis en œuvre par des spécialistes hollandais, permet de transformer cette zone en "vase d'expansion pour les crues". Les estèrs [11] remplacent seulement ici les wateringues de la Flandre.
L'ensemble de ce territoire est donc particulièrement complexe et, si l'on veut préserver son caractère d'une extrême richesse dans sa diversité, il convient de prendre des mesures. C'est le souci du Groupement d'Intérêt Public du littoral aquitain [12], face à des enjeux communs. Réuni depuis 2007 dans un collectif, il exprime la vision et les objectifs partagés par l'ensemble des acteurs qui se fédèrent pour assurer un développement équilibré et durable du territoire à l'horizon 2020. Il a l'ambition de relever six défis majeurs concernant la démographie, la gestion des risques, l'écologie, l'économie, le tourisme et le bien-être social : condition sine qua non, effectivement, pour préserver l'identité d'un territoire dont les composantes sont grandement interdépendantes.
[1] La mission interministérielle à la côte Aquitaine (MIACA) est créée en 1967, avec à sa tête Philippe Saint-Marc, puis Émile Biasini. Elle a pour objectif d'organiser plusieurs "unités d'aménagement", en augmentant la capacité d'accueil des stations balnéaires tout en préservant, dans un souci "environnementaliste", de larges fragments de côte, de dunes et de forêts de la spéculation immobilière.
[2] Ingénieur des Ponts et Chaussées, né au Troquay (Eure) en 1738 et mort à Paris en 1809, Nicolas Brémontier est en poste à Bordeaux de 1784 à 1802. Il oeuvre dès 1788 pour la fixation des dunes de la côte landaise. Il s'inspire des essais de son prédécesseur Charlevoix de Villers et des idées de Desbiey et de Peyjehan.
[3] Du gascon pisha lèba, "pisse-lièvre", soit un endroit fréquenté par l'animal.
[4] Au niveau national, 750 km de rivages sont concernés par son intervention consistant notamment en l'acquisition de terrains fragiles ou menacés. Dans les Landes, le Marais de la Tafarde à Sainte-Eulalie, les dunes de la côte sud, vers Capbreton, le marais d'Orx et la zone humide du Métro d'Ondres et Tarnos relèvent de ses compétences.
[5] Le gouf est un canyon sous-marin, c'est-à-dire une entaille profonde dans le talus continental.
[6] La loi du 19 juin 1857, également appelée loi relative à l'assainissement et de mise en culture des Landes de Gascogne, marque un tournant dans l'histoire de ce territoire. Elle vise à assécher les vastes zones humides marécageuses et à les mettre en exploitation. Elle marque le début de l'extension du pinhadar landais, conduisant au développement du gemmage et, de facto, a la fin du système agro-pastoral traditionnel.
[7] Avec l'amorce de profonds bouleversements liés à la crise économique des années 1930, aux grands incendies des années 1940 et à la concurrence des produits résineux par les dérivés pétroliers, l'activité décline peu à peu.
[8] L'agrainage est une pratique cynégétique qui consiste à nourrir les bêtes sauvages dans leur environnement. Si le mot est dérivé de "grain", il est possible d'utiliser d'autres nourritures. Les résultats de cette méthode sont aujourd'hui controversés du fait de l'impact positif sur la santé et la reproduction des animaux.
[9] L'article L1 du Code forestier stipule : "Le développement durable des forêts implique un équilibre sylvo-cynégétique harmonieux permettant la régénération des peuplements forestiers dans des conditions économiques satisfaisantes pour le propriétaire. Cet équilibre est atteint notamment par l'application du plan de chasse défini à la section 3 du chapitre V du titre II du livre IV du code de l'environnement, complété le cas échéant par le recours aux dispositions des articles L. 427-4 à L. 427-7 dudit code".
[10] Mot gascon issu d'un thème prélatin désignant des broussailles situées dans un bas-fond.
[11] Mot gascon issu du latin aestuarium. En Médoc, le réseau de drainage est constitué d'estèirs et de jalas.
[12] Le GIP Aquitaine regroupe les Services de l'Etat en Région, le Conseil Régional d'Aquitaine, le Conseil Général de la Gironde, le Conseil Général des Landes, le Conseil Général des Pyrénées-Atlantiques, la Communauté d'Agglomération du Bassin d'Arcachon Sud, la Communauté d'Agglomération Bayonne-Anglet-Biarritz, la Communauté de communes de la Pointe du Médoc, la Communauté de communes des Lacs Médocains, la Communauté de communes de la Médullienne, la Communauté de communes du Bassin Arcachon Nord, la Communauté de communes des Grands Lacs, la Communauté de communes de Mimizan, la Communauté de communes Côte Landes Nature, la Communauté de communes de Maremne Adour Côte Sud, la Communauté de communes du Seignanx, et la Communauté de communes Sud Pays Basque.