Le monument aux Héros de l’Armée noire : pour l’histoire et pour le présent
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Dans le cadre des commémorations du centenaire de la Première Guerre mondiale, l’inauguration du monument aux Héros de l’Armée noire est l’occasion pour les présidents malien et français de témoigner des liens toujours forts qui unissent deux pays partageant une communauté d’intérêts et de valeurs.
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Date de publication du document :
01 sept. 2021
Date de diffusion :
07 nov. 2018
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- 00286
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Contexte historique
ParProfesseur certifié d'histoire-géographie au collège François Legros de Reims
Publication : 01 sept. 2021
Dès les années 1850, l’administrateur colonial du Sénégal Louis Faidherbe recrute des hommes pour donner naissance aux premières troupes coloniales de l’Empire français, d’où le nom qui s’impose de « tirailleurs sénégalais ». En 1910, l’ouvrage du général Mangin, La Force noire, veut montrer que la France a un besoin indispensable de soldats issus des colonies. Pourtant, en 1914, les troupes coloniales sont rares : la mise en œuvre d’une conscription est impossible, les volontaires peu nombreux et l’armée procède à des rapts pour recruter. Il faut attendre l’arrivée au pouvoir de Clémenceau, en 1917, pour que la mobilisation des ressources coloniales s’organise vraiment. Elle est l’œuvre du député africain Blaise Diagne, qui promet aux hommes qui s’engagent l’égalité des droits avec les Blancs et augmente les soldes. L’Armée noire se constitue alors véritablement et ce sont au total quelques 200 000 soldats qui servent durant la Grande Guerre, dont 135 000 en Europe.
Parmi les légendes qui entourent cette armée, deux au moins méritent d’être relevées. Il y a tout d’abord celle qui fait de ces troupes noires « une chair à canon » systématiquement exposée en première ligne sur le front. Si c'est ce qui a pu être perçu au Chemin des Dames, ce n’est pas vrai pour l’ensemble de la guerre et les pertes coloniales s’élèvent à 30 000 morts, soit le même ratio que pour les troupes métropolitaines. L’autre légende tient dans les exactions commises par ces troupes : la « honte noire » dénoncée par les Allemands au moment de l’occupation de la Ruhr surtout, que l’armée française a démentie sans difficulté. Pour les Allemands, le combat contre ces troupes est le signe d’un insupportable recul de la civilisation européenne tant sont forts les a priori racistes qui fondent leur imaginaire collectif : leur opposer ces troupes est une humiliation de la part de la France.
En 1917-1918 surtout, les troupes coloniales ont participé à l’effort de guerre, en particulier dans la région de Reims. Entre janvier et octobre 1918, elles sont notamment en charge, avec d’autres troupes, du fort de la Pompelle au sud de la ville ; et à l’été 1918, elles doivent repousser la dernière grande offensive allemande, la Friedensturm (« la bataille pour la paix ») ou seconde bataille de la Marne. C’est à ce titre qu’elles jouissent, particulièrement dans la région, d’une grande popularité : défenseures de la ville de Reims, elles doivent être expressément honorées.
Dès la fin de la guerre, l’idée d’un monument est avancée. Financé par des dons et une souscription publique, le monument est inauguré le 13 juillet 1924 sur les hauteurs de la ville. Œuvre de l’architecte Bluysen et du sculpteur Vauthier, il est constitué d’un piédestal en granit rapporté d’Afrique, en forme de tata (le fortin traditionnel en Afrique de l'Ouest), sur lequel sont gravés les noms des principales batailles auxquelles ont participé les troupes africaines. Sur ce socle est posé un groupe en bronze de grande taille représentant quatre soldats africains derrière un officier blanc portant le drapeau français (une représentation classique de l’époque). Particularité de cet hommage : une copie est installée en même temps à Bamako au Mali. L’inauguration en présence d'Édouard Daladier, alors ministre des Colonies, est l’occasion de remercier les tirailleurs mais aussi d’exalter les vertus de la colonisation française empreinte de fraternité entre les peuples.
Fierté des Rémois, le monument a cependant une durée de vie courte. Dès septembre 1940, les Allemands, qui occupent le nord de la France, le démantèlent et font disparaître le bronze. Il faut attendre 1963 pour qu’un nouveau monument soit reconstruit sur le même site mais dans un style plus dépouillé : alors que la décolonisation s’achève, l’heure n’est plus à l’exaltation des vertus du colonialisme français. Il faut attendre les années 2000 pour que se crée une association œuvrant à la reconstruction du premier monument.
Éclairage média
ParProfesseur certifié d'histoire-géographie au collège François Legros de Reims
La période 2014-2018 est l’occasion de multiplier moments d’histoire et de mémoire collective de la Grande Guerre. Lancée par le président Hollande, il appartient à son successeur Emmanuel Macron de clore cette séquence : il a mené un périple mémoriel très symbolique et l’étape rémoise s’est naturellement imposée. Le court reportage de France 3 rend compte de l’inauguration du monument aux Héros de l'Armée noire dans une cérémonie solennelle marquée par la présence des présidents français et malien, Emmanuel Macron et Ibrahim Boubacar Keïta.
Il faut rappeler que ce monument est une copie du groupe sculpté en bronze détruit par les Allemands en 1940 mais toujours visible à Bamako. C’est en 2009 que l’association rémoise AMAN (Association pour la mémoire de l'Armée noire) a souhaité redonner vie à ce monument. Le projet aboutit à la pose d’un nouveau bronze dès 2013 près du site originel de 1924. L’année 2018, qui marque le centenaire de la défense de Reims par les tirailleurs, est donc le moment opportun pour son inauguration.
L’installation d’une architecture temporaire, la présence d’un public nombreux parmi lequel des scolaires, des descendants de soldats, des politiques locaux, ainsi que plusieurs unités militaires françaises et africaines sont des signes manifestes de la solennité du moment. Le pouvoir politique a voulu une grande cérémonie. On peut interroger ses objectifs au regard de son déroulé.
Ce sont d’abord les troupes africaines qui sont mises à l’honneur par les deux chefs d’État, avec l’hymne malien pour commencer. Ce sont des Africains qui prennent la parole sur le sol français, le président de la République gardant le silence, renonçant à sa parole politique. Le premier à parler est Alain Mabanckou, une figure intellectuelle et littéraire de premier plan. Le choix de cet orateur peut étonner : il a refusé auparavant de devenir le représentant du président français pour la francophonie, pour ne pas servir une politique française en Afrique qu’il juge encore colonialiste. Son discours est ainsi clairement marqué par une volonté de rappeler des vérités sur ce que fut l’engagement des troupes africaines. On peut ainsi considérer qu’il fait une leçon d’histoire tout en obligeant le public à un devoir de mémoire pour rendre à ces 200 000 hommes la place qu’ils méritent dans la mémoire franco-africaine.
Vient ensuite la prise de parole du président Ibrahim Boubacar Keïta qui, dans l’extrait choisi, évoque surtout le présent des relations entre la France et son pays. Il souligne le renversement de la situation en rappelant qu’en 2013, c’est l’armée française qui la première est allée défendre la souveraineté de son pays face aux groupes djihadistes qui l’envahissaient (opération Serval) : de jeunes Français sont morts pour un pays qui n’est pas le leur en se mettant au service du même idéal de liberté qui animait l’Armée noire en 1918 à Reims. Et pour lui, « c'est ça l'esprit de Reims » : des valeurs de solidarité et de liberté qui lient Afrique et France.
On est surpris du silence du président français. Mais on comprend que ce silence est en fait une prise de parole. En laissant parler ces deux personnalités africaines, Emmanuel Macron a défendu sa politique africaine ; il laisse d’autres que lui délivrer son message. D’une part, la France est capable de regarder en face son passé colonial, sans en nier les aspects négatifs, une façon d’effacer « les aspects positifs de la colonisation » du président Sarkozy qui avait blessé l’Afrique, et de faire son devoir de mémoire avec objectivité. D’autre part, dans les grands bouleversements géopolitiques qui affectent l’Afrique, la France n’est pas vouée à la marginalisation souvent constatée mais reste l’alliée la plus sûre des Africains.
En gardant le silence, le président Macron a réussi à faire assurer la promotion de sa politique africaine par les Africains eux-mêmes et à montrer qu’histoire et mémoire étaient d’abord et avant tout des enjeux politiques. Un silence qui en dit beaucoup.
Transcription
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