Le monde libre et l'Egypte
Notice
Film à charge contre Nasser et sa politique, après l'échec de l'expédition franco-britannique de Suez.
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Éclairage
L'affaire de Suez, qui s'est déroulée entre octobre et décembre 1956, a vu la France coopérer militairement et politiquement avec la Grande-Bretagne et Israël pour tenter de s'opposer à la prise de contrôle unilatérale du canal de Suez par le président égyptien Nasser. Cette opération militaire, rapidement désavouée par les USA et dénoncée à la fois par l'URSS et par l'ONU, menace de créer un conflit mondial ; la France, Israël et la Grande-Bretagne doivent dès lors se retirer sans pouvoir faire valoir leurs droits. Une des causes centrales de l'intervention française, en plus de la dimension économique, est l'aide logistique et politique centrale de l'Egypte au FLN. La plupart des soldats français investis dans l' « opération 700 » sont des parachutistes de choc engagés en Algérie, et ce camouflet politico-militaire les conforte dans une position forte vis-à-vis de l'Algérie française. Mais cela n'empêche pas Nasser d'être une figure très populaire en Algérie et dans toute l'Afrique du Nord, à la fois pour son panarabisme et pour avoir osé s'en prendre aux occidentaux ; c'est cette figure qu'il faut briser auprès des populations par différents biais médiatiques, dont ce film qui est bien sorti en salles en Algérie.
Il s'agit clairement d'un film de propagande employant un ton particulièrement engagé pour Israël, la Grande-Bretagne et la France, et contre l'Egypte. Le film ne comporte d'ailleurs pas de générique précisant l'origine SCA du document. Il reprend pour commencer le parallèle, initié par le premier ministre anglais Anthony Eden, entre Nasser et Hitler ou Mussolini, dont il ne serait qu'une « mauvaise imitation » ; il faut rappeler que c'est la guerre froide, et que Eden, tout comme un certain nombre de politiciens et militaires français, voient la Russie derrière l'Egypte et le FLN. Le film fait ensuite la liste de tous les méfaits de Nasser, notamment pendant l'intervention franco-britannique ; le speaker évoque une armée montée « avec l'aide d'anciens criminels nazis ». Ainsi, « Fascisme et communisme se retrouvent encore, comme en 1939 ». Une musique dramatique permet au speaker de rappeler, sur les images du navire Athos, intercepté en Algérie, que Nasser « intervient contre la France en Algérie ; il envoit des armes aux rebelles ». Il s'emploie ensuite à démontrer la nullité supposée des soldats égyptiens en Israël et des techniciens nazis à la botte du régime, montrant des défilés de fellahs (paysans) « terrorisés, pressés de retirer l'uniforme que leur avait donné leur maître pour une guerre dont ils ne comprennent pas la siginification ». S'ensuit l'évocation de l'intervention franco-britannique sur une musique glorieuse, la supériorité et l'humanisme des occidentaux sur les Egyptiens étant mise en avant, et la dénonciation de la propagande égyptienne, qui fait passer après le cessez-le-feu un détachement de l'ONU pour une invasion : « Rien n'est trop invraisemblable pour cette propagande à la Goebbels ». Le speaker rappelle ensuite, sur une musique sombre, l'éviction des Juifs et la pauvreté des habitants. Il s'agit donc, a posteriori, de justifier l'opération de Suez, qui s'est pourtant soldée par un échec qui n'est jamais rappelé ; mais surtout, comme on le voit dans la conclusion, de ternir l'image de Nasser auprès des populations algériennes, sur fond d'images d'archives de la Seconde Guerre mondiale : « Quant aux musulmans d'Afrique du Nord, que pensent-ils de cette débandade ? [celle de Nasser, pas celle de la France] Marocains, Tunisiens, Algériens, héroïques soldats de l'armée française, de Cassino, des Vosges, ou de Rhin-et-Danube, pourront-ils accepter la domination de celui qui se désigne comme le leader de tous les pays musulmans ? » Le film se termine en donnant un rôle pacificateur à la France et à la Grande-Bretagne, qui ont « dégonflé la baudruche nommée Nasser, et cela le monde arabe le sait », « ménagé les vies humaines » et « ouvert la voie à l'ONU » contre les visées politiciennes de Nasser, qui « doit cesser de narguer le monde libre et de mettre en péril la paix ». C'est donc un film particulièrement intéressant en termes de propagande filmée.