Interview de Guy Mollet : la guerre en Algérie
Notice
Le journaliste Pierre Sabbagh interroge dans son bureau de Matignon le président du Conseil Guy Mollet sur la politique algérienne.
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Éclairage
L'année 1956 voit une aggravation de la guerre d'Algérie illustrée, côté français, par l'intensification des opérations françaises dites de "pacification", et côté algérien, par le ralliement des musulmans modérés au FLN, qui étend ainsi son emprise sur toute l'Algérie. Un nouveau cap est franchi le 22 octobre. Un avion marocain emmène alors quatre dirigeants du FLN - Ben Bella, Boudiaf, Aït Ahmed et Khider - à Tunis. Ils doivent rencontrer Habib Bourguiba pour jeter les bases d'une Union Nord Africaine comprenant une Algérie libre. Mais le DC3 est arraisonné par l'armée française.
L'arrestation de ces dirigeants s'apparente à un acte de piraterie que Guy Mollet cautionne, en dépit de la démission d'Alain Savary, son secrétaire d'État aux Affaires Étrangères. Persuadé que le FLN est ainsi décapité - alors qu'au contraire, cet événement en renforce la tendance dure - le gouvernement espère obtenir un succès militaire décisif débouchant sur un "cessez-le-feu sans conditions politiques préalables". L'idée de négociation est ajournée. Enfin, le gouvernement réitère avec fermeté le principe des "liens indissolubles entre l'Algérie et la métropole". Cette politique univoque niant la réalité du nationalisme algérien va se heurter à la situation sur le terrain : l'armée française est incapable de venir à bout de la guérilla menée par l'ALN.
Au milieu des années 1950, le nombre de foyers français équipés d'un téléviseur décolle : 1% en 1954, 6,1% en 1957. Cette croissance renforce la conviction chez les hommes politiques que la télévision devient capitale dans la gestion de leur image publique et la présentation de leurs décisions politiques.
Selon cette logique, Guy Mollet reçoit la RTF fin 1956 pour faire un tour d'horizon de l'actualité en répondant aux questions des téléspectateurs dont le journaliste Pierre Sabbagh se fait "l'interprète". Durant leur entretien, les gros plans sur Guy Mollet soulignent la gravité de ses propos. Conscient de l'enjeu de cet interview, il fixe à plusieurs reprises la caméra plutôt que le journaliste. C'est une nouveauté, du moins dans un dispositif ne s'apparentant pas à une déclaration officielle télévisée [Carole Lécuyer, "Documents d'actualité 1956" in Ageron Françoise, Lévy Marie-Françoise, Voir et savoir. Images du temps présent à la télévision, INA, 1997). Guy Mollet s'adresse ainsi directement aux téléspectateurs, pour faire passer un message fort : "la fermeté" et le maintien des objectifs du gouvernement en Algérie.
Cette émission illustre le fait que, sous le gouvernement Guy Mollet, s'institue un nouveau type de rapport entre les Français et le gouvernement avec la télévision comme médiateur [Marie-Françoise Lévy (dir.), La Télévision dans la République. Les années 1950, Complexe, 1999].