Date de la vidéo: 01 nov. 1965
Durée de la vidéo: 03M 32S
Date de la vidéo: 01 nov. 1965
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Date de la vidéo: 17 nov. 1976
Durée de la vidéo: 34S
Date de la vidéo: 06 oct. 1978
Durée de la vidéo: 01M 0S
Le 20 juin 1967, l’homme d’État luxembourgeois, Joseph Bech reçoit le prix Robert Schuman de l’université de Bonn pour honorer son engagement européen. Dans son discours de remerciement, il rappelle les acquis du projet européen, mais précise que tout reste à faire. La cérémonie a été suivie d'une rencontre avec des étudiants.
Février 2022
30 juin 1967
Dans la mémoire collective ouest-européenne, le processus d’intégration européenne de l’après Seconde Guerre mondiale reste étroitement lié à la figure tutélaire du « père de l’Europe ». Aux côtés d’Alcide de Gasperi, Konrad Adenauer, Jean Monnet, Paul-Henri Spaak et d’autres, Robert Schuman, né à Luxembourg-Ville en 1886, et Joseph Bech, homme politique luxembourgeois de droite à la carrière très longue, sont des membres incontestés de ce groupe éminent. L’université de Bonn, alors siège du gouvernement de la RFA (République fédérale d’Allemagne), décide d’honorer la mémoire de Robert Schuman (décédé en 1963), grand inspirateur de la CECA (Communauté européenne du charbon et de l'acier) et un de ses anciens étudiants, par la création d’un prix qui doit récompenser l’engagement en faveur de la construction européenne. En 1967, Joseph Bech, retiré de la scène politique depuis 1964, en est le lauréat.
Les prix – on peut encore mentionner le Prix Charlemagne d’Aix-la-Chapelle – ont fortement contribué à la création de la figure du « père de l’Europe », renforcée par le fait que ces hommes – les mères de l’Europe sont (encore) absentes du tableau – étaient souvent déjà d’un certain « âge » et avaient commencé leur carrière politique dans l’entre-deux-guerres. La construction européenne est alors présentée comme la grande leçon apprise des conflits entre 1914 et 1945, plaçant au centre le rapprochement entre la RFA et la France, souvent symbolisé par le fleuve du Rhin, qui n’est plus une barrière mais un lien entre les deux grandes nations riveraines. Les représentants du Benelux n’ont aucun mal à s’inscrire dans cet imaginaire : le Belge Paul-Henri Spaak et le Luxembourgeois Joseph Bech s’arrogent un rôle d’intermédiaire entre les deux grands. C’est d’ailleurs ce que souligne le Recteur de l’université de Bonn dans son discours de remise de prix. Dans son discours de remerciement qui s’adresse à une jeunesse, qui – paradoxalement – ne semble pas être très présente dans la salle remplie d’invités d’honneurs et de membres du corps académique de l’université de Bonn, Joseph Bech propose un parcours des acquis de la construction européenne depuis la fin des années 1940. Il en souligne le caractère peu probable pour celui qui se place dans l’Europe des années 1930. Il consacre de longs passages à Konrad Adenauer, décédé quelques semaines plus tôt, mobilisant l’imaginaire du Rhénan passeur. 1967, c’est aussi l’année de la fusion entre la commission de la CEE (Communauté économique européenne) et la Haute Autorité de la CECA, changement majeur pour une institution qui venait de vivre la « crise de la chaise vide », provoquée par de Gaulle. Pour Joseph Bech, ces tensions font inévitablement partie du processus de l’intégration.
Il s’agit d’un discours sobre, mais typique pour un homme politique dont la carrière est derrière lui, souhaitant garantir la continuité de son œuvre et sa place dans l’Histoire. Cet effet est renforcé par les images, mais aussi par le ton adopté par le journaliste. Joseph Bech est aujourd’hui présenté comme un homme d’État qui, durant l’exil pendant la Seconde Guerre mondiale, aurait réalisé que la politique européenne et la place du Luxembourg devaient changer et aller de la neutralité – qui avait encore échoué en 1940 – vers l’interdépendance. Certains historiens soulignent également son habileté à concilier les intérêts politiques et ceux des grandes entreprises sidérurgiques au Luxembourg et en Europe. Il ne faut toutefois pas oublier que, durant les années 30, Joseph Bech n’était pas sourd au chant des sirènes autoritaires et qu’il a notamment dirigé, en 1937, un gouvernement qui a tenté de faire adopter une loi donnant à l’exécutif la possibilité de dissoudre toute organisation politique susceptible de mettre en danger les institutions constitutionnelles
. Refusée par une très courte majorité de Luxembourgeois lors d’un référendum, cette « loi muselière » laisse un héritage problématique. Durant la guerre froide, on souligne les motivations anticommunistes de Joseph Bech, que l’historiographie conservatrice tente de ménager pour mieux mettre en avant son rôle dans la politique européenne (Scuto, 2019, p. 521). Les évidentes motivations antiparlementaires dissimulées derrière le projet de loi ont été refoulées derrière le consensus sur le régime parlementaire qui surgit dans l’après-guerre. Le souligner aujourd’hui, c’est rendre la biographie de Joseph Bech, plus complexe et mettre en question l’hagiographie des « pères de l’Europe ».